La pétition lancée par une étudiante bordelaise sur le site de l'Assemblée Nationale a recueilli plus que deux millions de signatures, rendant possible l'ouverture d'un débat sur le sujet à l'Assemblée Nationale. Mais ne nous y trompons pas : comme ce n'est pas ce débat qui remettra en cause le vote de la loi, il est nul et non avenu ! Selon le Huffington Post, ce n'est pas non plus ce qui empêchera Macron de promulguer la loi, alors qu'il a le pouvoir de demander un nouveau débat au parlement ou de la soumettre à référendum. Alternatives l'une et l'autre au résultat incertain.
En réalité, le seul rempart contre cette loi est le Conseil Constitutionnel, qui a été saisi par les partis de gauche. Aussitôt des voix s'élèvent dans le monde scientifique pour demander aux "sages" d'invalider cette loi, au nom de deux principes inscrits dans la charte de l'environnement : le principe de précaution et le droit reconnu à tout individu de vivre dans un environnement sain.
Les avis publiés par le monde médical se prononcent majoritairement contre la loi Duplomb : l’Ordre des Médecins met lui aussi en avant le principe de précaution : « Sur le plan médical, nous affirmons que le doute n’est pas raisonnable lorsqu’il s’agit de substances susceptibles d’exposer la population à des risques majeurs : troubles neuro-développementaux, cancers pédiatriques, maladies chroniques. Ces alertes ne peuvent être ignorées ». Un rapport d’expertise de l’INSERM souligne que les risques encourus du fait des pesticides concernent d’abord les agriculteurs eux-mêmes, faisant état de la reconnaissance, chez ceux-ci, de deux maladies professionnelles liées aux pesticides : la maladie de Parkinson et les lymphomes malins non-hodgkiniens. Mais la liste pourrait s’allonger : l’expertise fait état d’une présomption « moyenne » d’un lien avec l’exposition professionnelle aux pesticides « pour la maladie d’Alzheimer, les troubles anxiodépressifs, certains cancers (leucémies, système nerveux central, vessie, rein, sarcomes des tissus mous), l’asthme et les sifflements respiratoires, et les pathologies thyroïdiennes ». La seule discordance a été exprimée par les voix isolées de deux cancérologues, qui n'ont voulu signer ni la pétition, ni la tribune à l'adresse du conseil constitutionnel sous prétexte que la première ne s'appuyait sur aucune donnée scientifique et que la seconde était "truffée d'inexactitudes" (sans aucunement préciser lesquelles !!!). Contrairement à ce qui est affirmé dans cet article, les effets nocifs des néocotinoïdes sont bien documentés, mais ce n'est pas l'objet d'une pétition "grand public" de tourner à la revue de littérature. On constate encore une fois que la contribution de ces deux cancérologues ignore le principe de précaution.
Ces faits soulignent une fois de plus la déconnexion entre les données scientifiques et les décisions prises par les politiques, confirmées par le fait qu’aucun scientifique n’a été consulté au moment de l’élaboration de la loi. Pourtant, la littérature médicale, contrairement à ce qui est affirmé par certains soutiens de la loi, contient suffisamment de données sur les effets des néocotinoïdes pour que puisse se tenir un véritable débat . Ce qui amène à la question : pourquoi financer une recherche scientifique pour, ensuite, ignorer massivement ses conclusions ?
Et surtout, qu'est-ce qui amène des élus réputés sensés à voter de pareilles lois ? Plusieurs explications possibles : une volonté affirmée de "lever les contraintes" qui s'exercent sur le monde agricole, fusse-ce au risque de la santé des interessés eux même, mais aussi la trouillardise en face des moyens que sont capables d'employer les agriculteurs adhérants de la FNSEA pour exprimer leur colère, ou encore le lobbying de celle-ci à l'Assemblée Nationale. Ces deux dernières possibilités ne sont pas exclusives l'une de l'autre et ne sont guère à l'honneur de politiques qui n'en ont rien à faire de la santé publique. Le manque de courage politique engendre des lois criminelles.
On ne peut à la fois rogner dans les dépenses de santé, comme le préconise le projet de budget Bayrou et voter des lois qui accroissent ces dépenses par augmentation de la morbidité. Aux prochaines échéances électorales, il faudra que les deux millions de signataires de la pétition soient logiques avec eux-mêmes et refusent leur confiance aux partis qui ont majoritairement soutenu cette loi, détaillés dans l'image ci-dessous.

Agrandissement : Illustration 1
