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Billet de blog 2 octobre 2025

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Affaire Sarkozy : la justice nettoie la voyoucratie politique au Karcher

En condamnant Nicolas Sarkozy, la Justice n'a fait que rappeler que nul n'est au dessus des lois, fût-il un ancien président de la République. Un avertissement à l'adresse de tous ceux qui seraient tentés d'abuser des pouvoirs que leur donne leur qualité d'élus de la République.

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Il est significatif de voir que, lorsqu'une décision de justice leur est défavorable, les élus qui prônent la tolérance zéro pour les voleurs de mobylettes se mettent à hurler avec les hyènes, en criant au scandale pour des faits beaucoup plus graves, à grand renfort de déclarations relayées par certains médias. Ainsi, le Figaro exprime ses indignations sélectives dans un éditorial intitulé "sur les ruines de la démocratie", à grand renfort de citations littéraires totalement hors sujet. Mais lorsque l'information nécessaire à l'exercice de celle-ci est contrôlée par des milliardaires - à commencer par le Figaro lui-même, actuellement aux mains du groupe Dassault - cette captation de l'information ne suscite pas les mêmes critiques. Il serait temps de rappeler aux pisse-copie de tout acabit que la démocratie s'exerce dans la liberté de l'information.
Médiapart est aujourd'hui un des rares médias qui échappe à ce contrôle des puissants. Mis en cause par le jugement pour avoir publié un document qui pourrait être un faux, le journal en ligne répond dans un article intitulé "la vérité sur la note Moussa Kouma" : il rappelle que, déjà sollicitée sur cette question, la Justice, saisie successivement en première instance, en appel et en cassation, avait donné raison à Médiapart et écarté l'hypothèse d'un faux. En qualifiant ce document de "faux probable" en contradiction des conclusions précédentes, le jugement actuel accorde à Nicolas Sarkozy le bénéfice du doute qui, selon les principes de l'état de droit, bénéficie à l'accusé, qui est relaxé sur ce point, ainsi que sur ceux concernant un financement de la campagne par le régime de Kadafhi  et un supposé enrichissement personnel. Mais, si le tribunal a considéré les preuves comme insuffisantes sur trois des chefs d'accusation, il a toutefois reconnu la réalité de tentatives pour mettre en place une structure destinée à capter l'argent lybien, sous la forme d'une condamnation à cinq ans de prison ferme pour "association de malfaiteurs". Cette mesure se fonde en droit sur le fait que les tentatives frauduleuses pour s'approprier le pouvoir, même non abouties, sont punies par la loi au même titre que les tentatives de meurtre ou de vol. Il n'y a donc pas lieu de contester cette condamnation. Celle-ci est modérée au regard des charges qui étaient en cause et le fait que trois des quatre chefs d'accusation n'aient pas été retenus dément l'acharnement judiciaire dont Nicolas Sarkozy se prétend la victime. C'est donc à juste titre qu'un communiqué de presse émanant du syndicat de la magistrature, en soutien de la magistrate mise en cause, qualifie le présent jugement de "justice sans haine et sans passe droit".  De plus, les précédents jugements à l'encontre de l'ancien président ont montré qu'il ne reculait devant aucune illégalité en ce qui concerne les écoutes téléphoniques, les fausses factures dans le but de gonfler son budget de campagne au delà du maximum légal et la corruption de magistrats, de concert avec son avocat. Pour le moins, ce palmarès pénal déjà chargé nuit à la crédibilité des protestations d'innocence de l'interessé. 

En condamnant Nicolas Sarkozy, la Justice a rempli sa fonction qui est de rappeler que nul  n'est au dessus des lois, fût-il un ancien président de la République. Un message à l'adresse de  tous ceux qui seraient tentés d'abuser des pouvoirs que leur donne leur qualité d'élu de la République? auquel l'ancien président ne peut opposer, à la face de tous les français, qu'une vision complotiste à la Trump.Le seul point de ce jugement qui puisse être discuté est celui de l'exécution provisoire : d'abord parce que la procédure d'appel mise en route par l'ancien président et ses avocats le fait entrer de nouveau dans le champ de la présomption d'innocence et une incarcération irait à l'encontre de ce principe. Ensuite parce qu'on imagine mal que Sarkozy puisse prendre la fuite pour échapper au jugement et encore moins récidiver. Mais cette contradiction est parfaitement légale, car émanant d'une disposition législative voulue par des parlementaires qui, comme d'habitude, ne mesurent pas la portée de ce qu'ils votent. Et Sarkozy lui-même, qui exigeait, du temps de sa puissance, l'exécution immédiate de toutes les  peines, s'étoufe d'indignation de devoir exécuter la sienne. 

Aussi, tout ce tapage autour de la décision est symptomatique de ce que Dominique de Villepin, dans son dernier livre "le pouvoir de dire non", dénonce comme "un projet de déformation de l'idée républicaine qui vise petit à petit à nous en priver".

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