Après une dissolution précipitée et une campagne bâclée en deux semaines, il fallait être aussi irréaliste que Macron pour croire que les débats allaient inverser une situation qu'il a lui même provoquée !!! Même la participation élevée n'a pas joué contre l'extrême droite, comme on aurait pu l'espérer, puisque les scores du premier tour confirment globalement les tendances constatées aux élections européennes.
Cette campagne est la plus glauque qu'on ait connue depuis le début de la cinquième république : la chasse aux sorcières, déjà engagée, révèle la véritable nature des électeurs de l’extrême droite et l'on voit, jusque dans les journaux télévisés, des agressions racistes et xénophobes qui, en temps normal, seraient passibles des tribunaux, mais qui, aujourd’hui, n'ont même plus peur de s'exprimer. Un candidat du RN, visant l'ancienne ministre de l’Éducation Nationale Najat Vallaud Belkacem, qui a commis le "crime" de vouloir instituer des cours d'arabe à l'école primaire, relance la controverse des binationaux en estimant qu'aucun d'entre eux ne devrait avoir de poste ministériel. Pas même Rachida Dati et pas même... Manuel Valls, pourtant double ressortissant de l'Union Européenne. Alors que peut-il advenir de mes quatre petits enfants, tous binationaux, lorsque les démons du rejet de toute différence sont à ce point lâchés ? Marine le Pen et Bardella ont réussi cette chose jusqu'alors invraisemblable : non seulement ils ont dédiabolisé leur propre camp, mais ont reporté la malédiction, avec la complicité du parti présidentiel, sur une gauche prétendument "extrême" en l'accusant de façon mensongère d'être antisémite et antirépublicaine. Au point que même Serge Karlsfeld s'est laissé séduire par les sirènes de l'extrême droite. C'est vraiment le monde à l'envers !
Avant même que les résultats des élections soient connus dans le détail, l'idée d'un front républicain pour faire barrage au RN est relancée. Exprimée d'abord par Jean-Luc Mélenchon qui annonce, sans aucune réserve ni exception, que tout candidat de LFI en troisième position dans sa circonscription se désistera en faveur du candidat républicain arrivé en seconde ou première position, largement approuvé par les candidats de gauche, beaucoup moins par la droite : Jean-François Coppé - ancien ministre et maire de Meaux - et Edouard Philippe - ancien premier ministre et maire du Havre - refusent tout désistement en faveur de LFI. François Bayrou préconise "le cas par cas". Ainsi, certains de leurs candidats peuvent profiter des désistements inconditionnels de la gauche sans qu'ils se déclarent prêts à rendre la pareille. Ces tristes personnages, qui accusent volontiers Jean-Luc Mélenchon d'antirépublicanisme, montrent de façon éclatante qu'ils n'ont aucune leçon à lui donner !
.Quant au peu qu'il reste des républicains, ils oscillent entre inaction et soutien "ciottiste" au RN; Ainsi, la participation d'une certaine droite - irresponsable et coupable selon Médiapart - à un front républicain est très incertaine.
Les sondages sont là pour rappeler que les "désistés" ne sont pas propriétaires des voix qu'ils ont obtenues, puisque 51% des électeurs se disent prêts à ne pas suivre les consignes de vote. Cependant, selon les projections en sièges de la nouvelle assemblée nationale entre le sondage IFOP du 28 juin et le sondage Harris du 4 juillet, le RN et ses alliés seraient en recul de 30 sièges, ce qui éloigne la perspective d'une majorité absolue, mais risque de rendre le pays ingouvernable.
Dans cette perspective, il est probable que Jordan Bardella refuse d'être premier ministre, non seulement parce qu'il l'a annoncé, mais surtout parce que son intérêt est de laisser pourrir la situation, avant de se présenter en sauveur aux prochaines échéances électorales. Le péril n'est pas conjuré, mais reporté de deux à trois ans et, sans majorité absolue, le prochain premier ministre, quel qu'il puisse être, aura la mission quasi-impossible de l'écarter définitivement.