Cela fait trois ans que Luc Ferry, ancien ministre et philosophe fumeux, inonde le paysage télévisuel de ses outrances et de ses contre-vérités. A l’en croire, ce sont les ukrainiens qui ont attaqué les premiers et le pays serait en proie à une vague d’antisémitisme qui justifierait la prétendue «dénazification » de Poutine. Il a également affirmé que les pays baltes ne font partie ni de l’OTAN, ni de l’Union Européenne !!! Mais lorsqu’on lui demande de préciser les noms de ces pays baltes, il révèle l’étendue de son ignorance en citant…le Monténégro et la Serbie!!!!!!
Nous avons également entendu Luc Ferry déverser son défaitisme sur les ondes, toujours de façon péremptoire : pour lui, l’Ukraine ne peut pas gagner cette guerre et l’Europe n’a pas les moyens de réarmer. Le désengagement de l’OTAN rendrait illusoire toute velléité de défense européenne contre une attaque de la Russie. Alors, vaut-il mieux capituler tout de suite devant Poutine ?
En contradiction avec ces allégations, il y a cependant des experts qui pensent que la Russie ne peut pas gagner cette guerre : Ils sont trois experts militaires qui anticipent une défaite russe : Le général Burkhard, chef d’état major français évoque une « défaite stratégique » de la Russie, occultée par des « victoires tactiques » qui sont en réalité des victoires à la Pyrrhus : deux études, l’une américaine et l’autre ukrainienne , s’accordent pour évaluer les pertes russes à un million de tués ou blessés, soit deux à trois fois plus que du côté ukrainien. Le coût en vies humaines au kilomètre carré conquis est de plus en plus élevé, surtout en raison de l’utilisation de drones de combat par l’armée ukrainienne. D’autre part, la complexité de la situation russe tient aussi au fait que la guerre en Ukraine a provoqué l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, faisant de la Baltique une mer dominée par l’alliance atlantique : en cas de confrontation, dit le général Burkhard, je peux assurer que pas un bateau russe n’arrivera à passer par la Baltique, alors que Saint-Pétersbourg représente 50 à 60 % des flux économiques russes ». Mais depuis la première guerre mondiale, les guerres modernes ne sont plus que des « chirurgies sanglantes » (Saint Exupéry), où la victoire appartient « à celui qui pourrira le dernier » et la possibilité d’un effondrement de la défense ukrainienne ne peut être totalement exclue, en raison de sa seule faiblesse : un potentiel humain plus réduit qui rend le remplacement des pertes plus difficile.
Un autre militaire, le norvégien Hans Petter Midttun, se dit « persuadé que la Russie perdra », et ceci dès cette année. Dans un long article appuyé sur de nombreuses sources , il décline les motifs de cette affirmation. Pour cet expert, la Russie mène une guerre terrestre qui n’est pas soutenable : l’utilisation, par l’Ukraine, de drones contre les offensives russes rendent celles-ci de plus en plus coûteuses en vies humaines et l’expert estime qu’au cours des trois à quatre ans nécessaires pour occuper l’ensemble des oblasts convoités, il faudra 1,3 à 2,2 millions de morts et de blessés supplémentaires. Ces drones sont également utilisés pour détruire les canons, et les véhicules de transport de troupes, Selon l’expert, la Russie perd plus de matériel qu’elle ne peut en remplacer et la diminution accélérée de ce matériel est un signe avant-coureur d’un effondrement militaire . L’usage des drones ne se limite pas aux offensives terrestres : ils sont également utilisés pour les frappes en territoire russe (plus de 250 installations militaires visées au cours de l’année écoulée), obligeant les avions de combat à opérer à partir de bases situées à plus de 300 km du front, ce qui les rend les forces aériennes moins opérationnelles. C’est la raison pour laquelle les frappes aériennes russes et l’utilisation de bombes planantes ont diminué de 75% dans certaines régions. La suprématie de l’aviation russe est encore érodée par le développement de drones d’interception et l’intégration de matériel occidental dans sa stratégie de défense antiaérienne. Il en est de même sur mer : déjà en 2024 les frappes incessantes avaient détruit 26 navires de guerre, obligeant la flotte russe de Crimée à se replier sur la Russie Continentale. La Mer Noire, pas plus que la Baltique, n’est encore un espace russe. Et le militaire norvégien de conclure : « Alors que la Russie espérait soumettre l’Ukraine en la broyant, c’est désormais son effort de guerre qui risque de s’effondrer. La question n’est pas de savoir si l’Ukraine pourra tenir, mais combien de temps la Russie pourra soutenir son pari perdant. »
Marcus Keupp, économiste militaire à l’Académie militaire de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, commente lui aussi : « Si les choses continuent ainsi, la Russie va perdre la guerre ». Pour lui aussi, les attaques terrestres russes sont vouées à l’échec en raison du « mur de drones » que l’Ukraine, avec l’assistance de l’intelligence artificielle, peut opposer à toute offensive . L’armée de terre russe, qui manque de véhicules blindés, est de plus en plus exposée à ces drones. C’est pourtant une illusion de penser que Poutine soit prêt à négocier pour mettre fin au conflit et son obstination « pourrait lui coûter cher ». A la question : « l’Ukraine peut-elle reconquérir les territoires perdus ? », l’expert répond qu’une attaque directe serait beaucoup trop coûteuse en vies humaines, mais que les forces ukrainiennes sont en mesure de perturber gravement la logistique d’approvisionnement des troupes russes et de provoquer, par ce moyen, un effondrement du front. Marcus Keupp met en garde contre les velléités de négociations trumpiennes avec Poutine, estimant que les concessions qu’on pourrait lui faire, même minimes, justifieraient sa guerre d’agression. Ce qui sous-entend que la seule issue possible serait une capitulation sans conditions de l’agresseur russe. Aussi, de façon logique, sa seule divergence avec le point de vue d’Hans Petter Midttun est sur la durée restante de la guerre, l’expert suisse estimant qu’elle « pourrait durer encore longtemps » sans préciser d’échéance.
Un autre point est évoqué dans l'article de l’expert norvégien : la Russie est-elle économiquement capable de poursuivre cette guerre ? Ici, c’est la directrice de la Banque Centrale Russe qui donne l’alerte : « Les entreprises n’ont pratiquement aucune marge de manœuvre pour augmenter leur production […]. Il s’agit d’un scénario de stagflation, et il ne sera possible de l’arrêter qu’au prix d’une profonde récession.Sur ces bases, Peter Midttun estime probable l’effondrement de l’économie de guerre russe.
Il est cependant à craindre que la propagande poutinienne s’infiltre dans ce que l’expert norvégien appelle « l’espace cognitif » des pays occidentaux pour imposer l’idée que la Russie est une superpuissance qui ne peut que gagner devant le « nain » ukrainien, ce qui conduirait à mener des négociations aux conditions posées par Poutine. Si ce scénario à la munichoise devait se produire, c’est alors que l'Ukraine et l'Europe auraient des raisons de craindre. Consciemment ou non, Luc Ferry fait le jeu de l’assaillant russe en pronostiquant une défaite de l’Ukraine qui n’est aucunement inscrite dans les astres.