Monsieur le président
A vous tout seul, vous constituez un cas d'école pour les psychiatres : on vous savait déjà caractériel, comme l'a encore confirmé votre accrochage récent avec le Président ukrainien, que vous avez fait venir à la Maison Blanche uniquement pour le sermonner. Votre mythomanie n'est plus à démontrer depuis la campagne présidentielle qui a révélé en vous un disciple de Goebels ("Plus le mensonge est gros, plus il a des chances d'être cru"), ainsi que la pleine signification de l'expression française "il ment comme il respire". Il nous restait à apprendre que vous êtes paranoïaque. C'est chose faite depuis qu'avec la distinction que l'on vous connaît, vous avez déclaré que l'Europe avait été fondée "pour entuber les américains".
Non monsieur Trump, l'Union Européenne n'a pas été fondée pour ce que vous dites : Les Etats-Unis d'Europe étaient déjà dans l'esprit de Victor Hugo comme une nécessité pour éviter les guerres. Elle est d'abord la reconnaissance d'une culture commune à tous les pays d'Europe, comme le formulait notre écrivain Paul Valéry ("Partout où les noms de Platon, de Trajan et de Saint Paul ont une autorité et une signification simultanée, là est l'Europe"). Enfin, elle est le résultat d'une réflexion menée à la fin de la guerre par des hommes de bonne volonté qui se sont réunis autour d'une table, sans différence entre vainqueurs et vaincus, pour réfléchir sur ce qu'il fallait faire pour que cela ne recommence jamais. Et je porte une reconnaissance profonde à la génération de mes parents qui a su faire en sorte qu'à l'âge de 80 ans, je puisse dire que je ne sais pas ce que c'est que la guerre. Avec - il faut le reconnaître - le soutien actif de l'Amérique, mais c'était celle d'Eisenhower et de Kennedy, et sûrement pas la votre. Par ailleurs, vous êtes probablement trop inculte pour savoir qui sont Platon, Trajan et Saint Paul, et aussi pour connaître Victor Hugo et Paul Valéry.
Et avez-vous déjà entendu parler de Néron ? Un autre de nos écrivains, Lamartine, y fait référence : "Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle, s'il n'a l'âme et la lyre et les yeux de Néron". Et précisément, un de nos sénateurs, dans une vidéo devenue virale y compris aux Etats-Unis, vient de définir votre administration : "un empereur incendiaire, des courtisans soumis, un bouffon sous kétamine [il s'agit d'Elon Musk] chargé de l'épuration de la fonction publique". Néron est l'empereur qui a bouté le feu à Rome et, par la suite, accusé les chrétiens de son forfait. En vous comparant à lui, le sénateur a raison, sauf sur un point : vous n'avez pas encore complété votre palmarès psychiatrique en y ajoutant la pyromanie.
Lorsque j'étais jeune, il y avait en moi comme une fascination pour l'Amérique : c'était celle qui était venue à notre secours lorsque les nazis dominaient l'Europe, celle qui avait géré de la façon que l'on sait la crise de Cuba et aussi celle qui avait été capable de ramener sur la terre l'équipage d'Apollo 13 en perdition. Si le troisième de ces évènements fut lié à une solidarité nationale des citoyens ordinaires, les deux premiers étaient le fait d'une administration démocrate. A l'inverse, il y a eu, sous administration républicaine, l'invasion de l'Irak sous le prétexte mensonger des armes de destruction massive prétendument possédées par le pays. Malgré les tombereaux d'injures déversés sur la France qui était à la pointe de l'opposition à cette guerre, je ne me suis jamais senti plus fier d'être français. Et si je peux encore avoir des liens d'amitié avec des américains en particulier, j'ai cessé de considérer l'Amérique comme un pays ami, car lorsque je suis en désaccord avec un de mes amis, je ne me crois pas obligé de l'insulter. Et puis il y a eu votre prise de contrôle sur la cour suprème, la tentative de coup d'état perpétrée au Capitole, les attaques contre le droit du sol pourtant inscrit dans la constitution et la censure des publications scientifiques. Il ya longtemps que votre parti a perdu tous ses repères démocratiques.
Monsieur le Président, à la fin de cette lettre, je vous prie de ne pas trop croire à l'expression de ma considération distinguée. Mais sans doute, vous vous en foutez !