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Billet de blog 14 avril 2025

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Mais que cherche Donald Trump avec sa politique douanière agressive ?

"La politique douanière de Trump fait chuter les bourses pour la troisième fois dans le monde entier et nourrit la crainte d'une récession. L'Union Européenne cherche la désescalade".

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Ce titre, traduit d'un article de la Süddeutsche Zeitung est un bon résumé de la situation actuelle : les bourses du monde entier "dévissent" en même temps que Wall Street. Ce mouvement de yoyo imposé par la séquence d'annonces, puis de suspensions de taxes douanières exorbitantes n'est une bonne nouvelle pour personne.

Mais quelle est, dans cette alternance du chaud et du froid soufflé par la Maison Blanche, la logique de Trump ? A supposer qu'il en ait une car, en utilisant comme il le fait les marchés boursiers comme "baromètre" de l'acceptabilité de ses mesures par l'économie américaine, il montre avant tout son incapacité à anticiper l'effet de sa politique douanière. Parmi ces effets les plus graves, l'amorce d'un mouvement de liquidation des bons du trésor américains détenus à l'étranger est un signe de très mauvais augure : la vente accrue de ces obligations d'état par plusieurs pays signifie que celles-ci ont perdu leur statut de valeur refuge et expose les Etats-Unis à une grave crise de leur dette astronomique, qu'ils évitaient jusqu'alors par ce moyen de solliciter les capitaux étrangers. 

Avec la suspension des augmentations de droits de douane sur les produits européens, la guerre commerciale entre l'Europe et les Etats-Unis est temporairement suspendue, Donald Trump concentrant toute sa capacité de nuisance sur la Chine. Mais il ne peut pas sortir gagnant de ce bras de fer avec l'empire du milieu: la Chine a déjà annoncé une augmentation réciproque des droits sur les produits américains, mais elle possède aussi d'autres moyens de pression : la dépendance mondiale, et en particulier américaine, aux terres rares la met dans une position de force. Elle aussi peut employer l'arme des bons du trésor américain, dont elle détient encore aujourd'hui jusqu'à 700 milliards de dollars, après un désengagement massif ces dernières années. Quant à l'Europe, elle dispose également de bons de trésor américains dont la somme cumulée avoisine celle du Japon (qui, lui aussi, se désengage massivement), augmentée de celle de la Chine si on y adjoint la Grande Bretagne. Avec la crise de confiance actuelle, elle pourrait soit les utiliser comme moyen de pression pour obtenir le maintien de l'engagement de l'OTAN en Europe, soit les liquider massivement pour financer son propre effort de défense. La question des bons du trésor américains devrait donc être perçue comme une épée de Damoclès  par un président moins borné que Donald Trump.

On peut penser qu'il interprète comme des signes de soumission les messages des chefs d'état étrangers affluant sur son répondeur, pour lui "lécher le cul", comme il le dit lui-même avec la distinction qu'on lui connait. Cette fanfaronnade pitoyable traduit une méconnaissance profonde de l'onde de choc consécutive au séisme qu'il a lui-même provoqué. Mais il faudra attendre les élections de mi-mandat pour voir apparaître une possibilité qu'il soit mis hors d'état de nuire par ceux-là mêmes qui l'ont élu. Et en deux ans, il a le temps de fomenter un coup d'état pour devenir président à vie avec le risque d'une nouvelle guerre civile américaine, de passer sous les fourches caudines russes dans l'affaire ukrainienne, de provoquer une crise financière mondiale à côté de laquelle celle de 1929 ne sera qu'une joyeuse plaisanterie. Et s'il décidait d'envahir le Canada et le Groënland pour mettre fin à sa dépendance aux terres rares, qui pourrait l'en empêcher ? La loi du plus fort sous entendue par "Make America great again" a aujourd'hui des relents du "Deutschland über alles" des nazis, avec les mêmes perspectives de catastrophes. Ce n'est réjouissant pour personne !

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