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Billet de blog 16 mai 2023

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Aviation : un entretien qui pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses

Le 9 mai, une délégation d'élus était reçue par le ministre sur le thème du transport aérien et de ses nuisances. Le Ministre, pour la première fois, reconnait la réalité du problème. Mais les mesures concrètes se font toujours attendre.

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C'est le PPBE (plan de prévention du bruit dans l'environnement) pour la période 2022-2027 qui a provoqué la stupeur, puis le rejet catégorique des milieux associatifs : en effet, la Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC), qui "pilote" la rédaction des PPBE, ose prétendre qu'avec un accroissement de 38% du trafic aérien et un refus du couvre-feu réclamé depuis des années par les associations, on va pouvoir faire diminuer les nuisances sonores provoquées par l'aérien et protéger les riverains. La  DGAC, qui est le plus puissant lobby du transport aérien,  se révèle donc à la fois juge et partie. Et les associations de défense des riverains sont de peu de poids, car si, pour la forme, on leur demande leur avis, celui-ci n'est que consultatif. 

On se trouvait donc, dans la deuxième moitié de 2022 dans une situation où le Préfet du Val d'Oise, qui n'est qu'un simple exécutant du Pouvoir, pouvait s'asseoir sur l'opposition manifestée par les associations et, à tout moment, valider ce PPBE s'il en recevait l'ordre. Puis est alors intervenue une initiative de professionnels de santé, qui ont publié dans le journal "Le Monde" une tribune rappelant les effets néfastes du bruit sur la santé publique et l'apprentissage des enfants. Ce sont près de deux millions de franciliens qui sont exposés à des nuisances sonores dépassant les recommandations de l'OMS du fait de l'aviation, sans que cela ait interpellé le moins du monde des pouvoirs publics privilégiant abusivement les intérêts économiques du secteur aérien. Parfois contre toute raison : en effet, le refus du couvre-feu à Roissy concerne principalement l'activité de frêt, qui représente 93% des vols de nuit.  Ainsi, pour préserver les trois mille emplois de Federal Express, on est prêt à sacrifier la santé des 1,4 millions de riverains de l'aéroport. C'est aussi cet arbitrage inavouable et inavoué qui a poussé les  signataires de la Tribune à demander, outre un plafonnement des mouvements sur l'ensemble des aéroports français, "que le couvre-feu devienne la règle et non pas l'exception". 

De leur côté, les associations de défense des riverains renforcent leurs exigences : au début de 2022, celles-ci se limitaient au maintien du nombre de mouvements annuels (505000), mais l'exemple d'Amsterdam-Schiphol - un aéroport de taille comparable à celui de Paris - est venu renforcer la détermination des militants : voilà un Gouvernement qui, contrairement au notre, se soucie de la santé de ses électeurs, qui, en l'espace de quelques mois, a décidé d'imposer une réduction à 440000 mouvements du trafic aérien et s'est récemment attaqué à la question du couvre-feu et à l'interdiction des jets privés, recemment rejetée par nos députés. Très logiquement, la Direction de l'aéroport néerlandais à aussi décidé d'abandonner tout projet d'extension : on n'agrandit pas un aéroport dont le trafic est voué à diminuer. Et les associations de défense des riverains, par la voix des élus qui soutiennent leur action, posent la question : pourquoi ce qui est possible à Amsterdam ne le serait-il pas à Paris ?

Cette question, un rassemblement d'élus et d'associations est allé la poser le 9 mai dernier devant le ministère des transports, dans le cadre d'actions européennes contre le bruit et la pollution de l'aérien. Une délégation, composée principalement d'élus opposés au PPBE, a été reçue par le Ministre Clément Beaune, qui, pour la première fois, a admis explicitement que le bruit de l'aérien est un problème de santé majeur et s'est engagé à examiner des scenarios de plafonnement pour les trois aéroports de la capitale. Mais, comme pour confirmer que les intérêts économiques de Fédéral Express pèsent plus lourd que le sommeil des riverains, le Ministre refuse obstinément la mise en place d'un couvre-feu à Roissy. Huit heures de sommeil continu, comme le préconise l'OMS, est-ce vraiment trop demander ?

Un communiqué de presse fait la synthèse de cet entretien. On y lit que Françoise Brochot, présidente de l'ADVOCNAR, souligne que les élus et les associations ne se contenteront pas de promesses non suivies d'actions concrètes. Car le danger est grand que les restrictions adoptées à Amsterdam soit non pas un exemple à suivre, mais l'occasion de détourner vers Paris les vols qui ne pourraient plus se poser aus Pays-Bas, avec pour conséquence un accroissement supplémentaire des nuisances. De plus, la perspectives des jeux olympiques, qui se dérouleront en 2024, laisse augurer de deux semaines d'enfer pour les riverains des aéroports. 

En France, nous disons volontiers que les promesses des politiques n'engagent que ceux qui y croient. Pour cette raison, nous ne croirons à la bonne volonté du pouvoir que le jour où elle se traduira par des actes forts : par exemple, la mise en place d'un moratoire sur les extensions d'aéroports témoignerait d'une véritable volonté de prendre le problème au sérieux - à condition, bien sûr, qu'une telle mesure ne fasse l'objet d'aucune dérogation. En effet, nous savons d'expérience que, pour enterrer un problème, il suffit de démarrer une étude ou de créer une commission. Comme le dit une de nos militantes, c'est "un pied dans la porte", mais rien de plus. Le seul point positif est que le Ministre ne peut pas donner l'ordre de valider le PPBE sans avoir l'air de se dédire. Mais, dans l'intervalle, l'accroissement des mouvements aériens peut continuer sans cette validation.

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