J'ai découvert la théorie de ruissellement en lisant un livre de l'économiste Joseph Stiglitz (le prix de l'inégalité, 2012), dont je reproduis deux pages en PJ. Elle est fondée sur l'idée que l'enrichissement des 1% les plus riches - qui, aux Etats-Unis, possède plus d'un tiers de la richesse nationale et accapare - en 2012, moment où le livre a été écrit, plus de 90% de la richesse nouvellement créée - profite à tous.
Donc, l'enrichissement des plus riches stimulerait la croissance et profiterait donc à tous, par "ruissellement" sur les classes moyennes et les classes populaires. On peut imaginer que ceux qui font l'apologie de l'inégalité se servent de cette idée pour la justifier. Stiglitz lui-même dit tout le "bien" qu'il pense de cette théorie. Et d'ailleurs, il suffit de regarder autour de soi : le chômage de masse s'accroit, même dans les pays qui utilisent des subterfuges pour le cacher et, surtout, la pauvreté fait des progrès galopants. Quant aux classes moyennes, elles sont en voie de disparition.
La question revient dans l'actualité, car elle est aujourd'hui contestée par les experts du FMI eux-mêmes. Leur étude démontre au contraire que plus la fortune des riches s'accroît, plus faible est la croissance. C'est en augmentant les revenus des 20% les plus pauvres que la croissance augmente et non en augmentant la part du gâteau des 20% les plus riches. Et l'OCDE confirme : selon elle, l'accroissement des inégalités a coûté près de 5% de croissance aux pays les plus avancés.
Ce qui est le plus étonnant, c'est qu'il faille des "experts" pour constater ce que ceux qui prennent le temps de s'informer constatent tous les jours : la finance s'enrichit par des procédés qui, pour être - hélas - légaux n'en sont pas moins crapuleux, comme de fermer des entreprises et mettre des salariés à la rue pour enrichir les actionnaires. Ce ne sont pas les "riches" qui ont tellement d'argent qu'en neuf vies, ils ne pourraient pas le dépenser qui stimulent la consommation, mais les classes moyennes ou populaires qui dépensent au lieu de spéculer. La théorie du ruissellement apparaît comme une énorme escroquerie, qui insulte les intelligences.
Mais le FMI va encore plus loin et publie des données qui devraient conforter le discours des syndicats, d'autant plus que l'accroissement des inégalités va de pair avec la diminution du taux de syndicalisation : l'assouplissement du marché du travail va, selon lui, de pair avec un accroissement des inégalités. Voilà qui devrait faire réfléchir les zélateurs de la loi Macron, qui imaginent contre tout bon sens que c'est en donnant à un patronat qui n'investit pas et à des fonds d'investissement qui ne pensent qu'à enrichir leurs actionnaires toute liberté pour licencier que l'on va favoriser l'emploi.
La conclusion de l'article est plus surprenante : le FMI propose : "dans les pays avancés, l’accent doit être mis sur le développement du capital humain et des compétences et sur une politique fiscale plus redistributive, par le biais des impôts sur la fortune et la propriété, ainsi que sur une fiscalité des revenus plus progressive". Ce qu'on attendait le moins d'une telle institution, c'est qu'elle prône un retour aux idées keynésiennes !