Les perspectives de vaccinations obligatoires se heurtent à une opposition qu'avec mon expérience de médecin, je ne peux pas comprendre.
D'abord parce qu'elle témoigne d'un oubli total du passé : jusqu'au milieu du 20eme siècle sévissaient des épidémies de maladies très graves, souvent mortelles, contre lesquelles la médecine était totalement impuissante. Il faut se souvenir des grandes épidémies de tuberculose ou de diphtérie du siècle passé. Lorsque j'étais enfant, la poliomyélite faisait encore des ravages. Le tétanos, cette maladie terrible caractérisée par des contractures musculaires qui peuvent aller jusqu'à l'écrasement des vertèbres, était encore présent dans les campagnes. Lorsque j'ai fait mes études de médecine et tout au long de ma vie professionnelle, je n'ai jamais vu de cas de poliomyélite ou de diphtérie, à tel point que je n'ai jamais été sûr de pouvoir les reconnaître le cas échéant. La disparition de ces maladies est clairement due à la vaccination.
Aussi ne faut-il pas ajouter foi au bêtisier anti-vaccinations dont certains média, sites internet et réseaux sociaux se font l'écho : en pointe de la propagation de fausses informations, l'ignorance abyssale d'une députée européenne du nom de Michèle Rivassi qui devrait méditer la sentence de Michel Audiard : "il vaut mieux la fermer et passer pour un con que de l'ouvrir et de ne laisser aucun doute à ce sujet" : non, onze vaccins ne représentent pas 25 à 40 doses jusqu’à 18 mois, car plusieurs vaccins sont regroupés en une seule dose ; non, il n'y a pas de risques à injecter autant de vaccins en si peu de temps, car la plupart des enfants ont déjà un calendrier fourni de vaccinations sans inconvénient majeurs ; non, un bébé n'est pas trop fragile pour supporter les vaccins mais par contre, des maladies réputées bénignes comme la coqueluche ou la rougeole peuvent avoir des conséquences très graves chez le nourrisson ; non l'hépatite B n'est pas uniquement une maladie sexuellement transmissible et il faut noter que dans 30% des cas, la cause reste inconnue ; non, il n'y a pas de relation démontrée entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques ; non, les vaccins ne sont pas dangereux pour la santé ; non, il n'y a pas de toxicité démontrée de l'aluminium contenu dans les vaccins ; non, la vaccination obligatoire n'est pas une exception française.
J'ai vécu cinq ans au Canada, à une époque où mes enfants étaient en bas âge. La pratique médicale, dans ce pays, consistait à vacciner contre les principales maladies infantiles et j'y ai soumis ma famille. Mes enfants n'ont eu ni la coqueluche, ni les oreillons, ni la rougeole et la seule maladie infantile qu'ils aient contractée au cours de leur vie est la varicelle. Pour moi, c'est un bénéfice inestimable, car il faut se souvenir que la rougeole et la coqueluche, qui ont une fausse réputation de bénignité, peuvent être mortelles, surtout chez le nourrisson.
Un autre intérêt de la vaccination de masse est qu'elle préserve la population des épidémies, car la maladie ne trouve pas un terrain favorable à sa propagation. Cela permet une protection indirecte des immunités les plus faibles et de tous ceux pour qui, pour une raison ou pour une autre, la vaccination est contrindiquée. Avant d'être abandonnée pour les raisons que nous verrons plus loin, la vaccination contre la variole a rempli ce rôle, au point que la maladie est aujourd'hui considérée comme éradiquée. Et il est grand dommage que cela ne soit pas appliqué pour d'autres maladies : avec ce que nous connaissons sur la lèpre, c'est un véritable scandale sanitaire que cette maladie poursuive aujourd'hui ses ravages.
Deux articles sont parus récemment dans le Monde (14 Juillet 2017) : le premier, cosigné par trois internes en médecine, constate la réapparition de pathologies que l'on croyait vaincues et lie le phénomène au recul de la vaccination. Leur argumentaire reprend globalement ce que nous écrivons ici. Le deuxième souligne un éventuel côté "contreproductif" du décret rendant obligatoire les onze vaccinations : obligation ou recommandation ? Pour ma part, je pense que cela deviendra un faux débat si on prend le temps et les moyens d'expliquer aux français l'intérêt d'une vaccination de masse en démontrant que les arguments "contre" ne reposent que sur des rumeurs et des on-dit et non sur une réalité scientifique quelconque. Alors, pour tous, la démarche vaccinale semblera aller de soi.
Pour les vaccinations comme pour tout acte médical, il faut évaluer statistiquement les risques et les comparer à ceux que fait courir la maladie elle-même : c'est par application de ce principe de bon sens que la vaccination contre la variole, qui consistait à injecter au patient un virus vivant ayant les mêmes caractéristiques antigéniques que celui de la variole, a été abandonnée parce qu'elle provoquait, avec une fréquence non-négligeable, des cas mortels d'encéphalites vaccinales. C'est aussi par application de ce principe que certaines vaccinations, à base d'agents pathogènes atténués ont été abandonnées, pour faire place à des vaccinations à base d'antigènes, qui ne présentent aucun danger infectieux. Et c'est par application de ce principe que je n'aurais jamais pris la responsabilité de faire courir à mes enfants le risque d'une maladie grave par défaut de vaccination.