Pierre Sassier (avatar)

Pierre Sassier

Abonné·e de Mediapart

675 Billets

0 Édition

Billet de blog 18 mai 2024

Pierre Sassier (avatar)

Pierre Sassier

Abonné·e de Mediapart

Comment l'exposition au bruit nuit aussi à la biodiversité

Un bruit incessant, généré par les transports, aérien et routier notamment, fait aujoourd'hui partie de notre quotidien. Cette pollution sonore d'origine antrhropogénique nuit à la santé humaine, mais aussi à la biodiversité, comme le montrent plusieurs articles de parution récente.

Pierre Sassier (avatar)

Pierre Sassier

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une tribune du journal Le Monde publiée en décembre 2022 dénonçait le bruit dans les zones aéroportuaires comme un problème majeur de santé publique et suggérait que seule la décroissance du trafic aérien permettrait de protéger la santé des riverains des aéroports. Mais on peut supposer, avec une certaine vraisemblance, que ces dégâts qui affectent la santé humaine puissent concerner l'ensemble de la vie animale. 

C'est le thème d'une publication dans la revue Science par une équipe franco-australienne de postdoctorantes, qui a étudié les effets d'un bruit permanent généré par le trafic routier sur une espèce aviaire, le diamant mandarin : Leurs résultats ont été rapportés dans un article de la rubrique Science et Médecine du journal Le Monde, ainsi que dans un récent numéro de Courrier International : les expériences sur une espèce aviaire ont montré que l'exposition d'embryons à un enregistrement de bruits du transport  avait un effet jusque dans les oeufs : la probabilité qu'ils éclosent était diminuée de façon significative, mais également leur développement ultérieur. Et les chercheuses ont démontré qu'il y avait une différence significative entre la survie d'embryons exposés au bruit et leur développement ultérieur, plus lent que celui de leurs congénères non exposés aux nuisances sonores. La reproduction des individus ayant survécu à cette exposition sonore était deux fois moins élevée. 
Les chercheuses ont pensé à tout : peut-être était-ce l'absence de chants familiers qui provoquait ces troubles ? Aussi ont-elles ajouté au groupe témoin un autre auquel était appliqué en alternance le silence et l'exposition au bruit. Le résultat, intermédiaire entre le premier groupe témoin et le groupe exposé en permanence au bruit, démontrait sans équivoque la nocivité du bruit sur la reproduction et le développement des oiseaux. 

Et, malgré la prudence qui doit être de mise dans les transpositions des modèles animaux à l'humain, il est légitime de se demander si le bruit ambiant n'affecte pas aussi le développement in utero de l'embryon humain. En effet, l'étude DEBATS et les publications scientifiques mentionnées dans la tribune citée plus haut sont silencieuses sur ce sujet. Mais la publication de Science montre au moins un point : l'exposition au bruit des transports à un impact négatif sur la biodiversité. 

Tout comme, chez l'humain, le bruit peut affecter les facultés cognitives et les capacités d'apprentissage, un article d'une université américaine suggère un effet analogue chez le diamant mandarin : ces oiseaux, aux capacités cognitives très développées, sont sujets à des capacités d'apprentissage "dramatiquement réduites", selon un des auteurs de l'étude : ils savent moins bien - ou moins rapidement - prendre un chemin détourné pour accéder à leur nourriture,  la retrouver derrière un couvercle en papier (ce que l'on appelle en pédiatrie la notion de "permanence de l'objet"), et mettent deux fois plus de temps que le groupe témoin pour retrouver l'emplacement d'une cachette. Et le chercheur conclut : "De nombreux oiseaux chanteurs utilisent leur cerveau pour résoudre différents problèmes et apprendre du monde qui les entoure. Cet affaiblissement de leurs capacités cognitives pourrait donc avoir un impact significatif sur leur adaptation à l'environnement", et ce alors que le trafic automobile augmente". 

Et l'impact des nuisances sonores d'origine humaine s'étend jusqu'au milieu marin :  le journal Le Monde s'appuie lui aussi sur un article paru dans la presse scientifique pour évoquer "une  puissance invisible, mais dévastatrice" : le bruit, constitué ici de multiples sources comme le transport maritime, la prospection d'énergies fossiles, les sonars, etc. crée une cacophonie permanente de laquelle les cétacés ne peuvent se soustraire qu'en venant s'échouer sur les plages ou en remontant le cours des fleuves. Le bruit affecte même les espèces végétales qui n'ont pas d'oreilles, comme ces champs de posidonies dont les vibrations sonores impactent l'implantation.

Nos décideurs qui ne sont pas capables d'apporter une limitation aux nuisances aériennes et ceux qui ont en projet une voie rapide (le BIP) qui va accroître le bruit et la pollution dans huit villes de l'est du Val d'Oise, y compris à proximité des écoles, devraient être avertis s'ils savaient lire autre chose que les rapports qui confortent leurs idées préconçues. Mais ils n'ont à opposer aux données scientifiques que leur ignorance insondable et leur mépris pour le bien-être et la santé de leurs électeurs. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.