Les charges de Donald Trump contre Zelenski donnent un avant goût de ce que seront les négociations futures avec Poutine : le président ukrainien serait "un dictateur sans élections" , dont le pourcentage d'opinions favorables ne serait que de 4%. Par contre, un potentat qui emprisonne et assassine ses opposants et emprisonne leurs avocats au mépris des droits de la défense ne serait pas un dictateur ! Pour faire bonne mesure, Donald Trump accuse aussi l'Ukraine d'avoir déclenché la guerre.et de n'avoir pas négocié il y a trois ans avec un dirigeant qui se prend pour Pierre le Grand. C'est oublier que le conflit couve depuis 2014, date de l'annexion forcée de la Crimée par le pouvoir russe.
Cet afflux consternant de désinformations outrancières est révèlateur des intentions du président américain, à la veille de négociations censées mettre fin à la guerre : la réthorique de Trump va jusqu'à reproduire quasiment mot pour mot les allégations du président russe . Cela traduit une absence de pensée personnelle mal occultée par la vantardise du personnage : on peut être sûr qu'il fera la paix aux conditions russes en maintenant l'Ukraine - et même l'Union Européenne - à l'écart des traités de paix. Et s'il croit posséder Poutine, on peut augurer qu'en réalité, c'est Poutine qui le possédera. Les conditions sont donc réunies pour un accord à la Munichoise, dont les signataires avaient cru assurer la paix au prix d'un abandon des sudètes aux appétits hitlériens. Les ingrédients de cet accord étaient les mêmes : accord signé sans la participation des principaux intéressés - les tchèques qui avaient eu alors le même sentiment d'abandon que celui qui habite aujourd'hui les ukrainiens. En Europe occidentale, un seul homme avait compris la véritable nature du nazisme, Winston Churchill, qu'on n'avait pas écouté en raison de son discrédit politique. Aujourd'hui, il faut reconnaître à Emmanuel Macron une certaine lucidité, car il est même prêt à aller défendre sa position auprès du président américain. Mais sa politique éhontée en faveur des plus riches insupporte l'opinion française et discrédite l'idée d'un effort de réarmement qui reposerait sur le citoyen ordinaire, au travers de coupes sombres dans les services publics et la protection sociale.
"Nous devons formuler très clairement les paramètres de la paix", déclare Andreus Kubilius, ancien premier ministre lituanien et secrétaire européen à la défense. Céder aux exigences russes serait remédier à tous ses points faibles sans pour autant garantir une paix durable : on doit refuser toute restriction des capacités militaires ukrainiennes ; la levée des sanctions prises contre la Russie ne garantirait en rien l'abandon d'un effort d'armement en vue d'une attaque contre l'Europe qui, selon les services de renseignements de plusieurs pays, pourrait avoir lieu avant 2030. De plus, la question des réparations pour les destructions en Ukraine doit être posée et les avoirs russes doivent restés gelés tant qu'un accord n'est pas trouvé sur le sujet. Mais il paraît peu probable que Trump soutienne ces conditions et encore moins que Poutine les accepte.
Pas plus que les deux baudruches Chamberlain et Daladier, Trump ne peut signer un accord de paix durable sans aucune garantie. Et on touche là le côté illisible de la politique américaine : ces garanties ne peuvent venir ni de l'OTAN en raison du retrait de l'Amérique, ni de l'ONU - où - il faut le rappeler - les russes possèdent un droit de véto contre toute décision prise à leur encontre - mais seulement d'un déploiement militaire européen. Il est donc illégitime et illusoire de vouloir chercher la paix en écartant l'Europe. Mais les russes se déclarent hostiles au déploiement de troupes venant de pays de l'OTAN, que cela se fasse ou non sous la bannière de l'alliance atlantique.
A moins que la paix durable en Europe ne soit, en réalité, le cadet des soucis des américains, beaucoup plus préoccupés par la montée en puissance chinoise que du maintien de leur présence en Europe. Alors Munich ou Yalta ? Sans doute l'un et l'autre, car les deux larrons en foire pourraient bien profiter de l'occasion pour redéfinir leurs zones d'influence sur notre continent. Jusqu'à ce que le pacte vole en éclats, à l'instar de son antécédent germano-soviétique. Ce qui remettrait d'actualité le commentaire de Churchill à l'issue des négociations de Munich : "vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre. Vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre."
Conte tenu de cette conjoncture, la prétention de Trump au prix Nobel de la paix 2025 illustre la vanité du personnage : comment peut-il imaginer qu'un accord aux termes voulus par Poutine serait acceptable pour le Comité Nobel d'un pays qui serait en première ligne le jour où le président russe aurait les mains libres ?