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Il est ici question du CETA : ce traité de libre-échange négocié entre l'Europe et le Canada ne pourra pas être signé dans les délais prévus en raison du véto de la Wallonie, qui, selon la constitution de la Belgique, interdit à cette dernière d'entériner le traité. La Belgique étant le seul état européen dans lequel les parlements régionaux ont un droit de véto sur un vote du parlement de la fédération.
Cette opposition exprime le "ras-le-bol" des citoyens, qui sont mis devant le fait accompli à la suite de négociations qui se déroulent dans la plus totale opacité, sans que l'on écoute ce qu'ils ont à dire. Le même état d'esprit s'exprime en France au niveau national (loi travail), régional (Notre Dame des Landes) ou local (Europacity). La différence déterminante, c'est que la Wallonie n'est pas gouvernée par une caste d'énarques bornés et suffisants, qui croient avoir la science infuse et la légitimité pour décider de tout !
Il y a pourtant, font valoir les média, des avancées par rapport aux clauses du TAFTA, notamment en ce qui concerne l'accès aux marchés publics, la sauvegarde des appellations d'origine contrôlées. Mais le point qui fait et fera toujours controverse est l'existence de tribunaux d'arbitrage pour résoudre les différents entre les multinationales et les entreprises qui se prétendraient atteintes dans leurs intérêts. Les citoyens disent clairement : non, ces tribunaux, quelle que soit l'appellation qu'on leur donne et quelle que soit leur composition, sont illégitimes : les décisions des états concernant l'interdiction d'exploiter les gaz de schiste, la commercialisation des OGN ou des pesticides, la mise en place de "paquets neutres", la mise sur le marché de tel ou tel médicament sont souveraines et doivent le rester. Les multinationales ne doivent pas pouvoir opposer leur potentiel de lobbying au pouvoir des états. Et, surtout, les états européens ne doivent pas renoncer à la protection qu'ils doivent à ceux qui les ont élus pour des motifs économiques liés aux intérêts des multinationales, dussent-ils mettre en péril la signature d'autres accords dans le monde. Junker et Justin Trudeau, premier ministre du Canada, menacent l'Europe des pires difficultés à conclure la vingtaine accords commerciaux en cours de négociation ? Les citoyens répondent : c'est de nos vies et de notre santé qu'il s'agit et elles ne valent pas d'être sacrifiées aux intérêts de Monsanto !
Sentant venir le problème wallon depuis quelques mois, la commissaire européenne au commerce et la ministre du commerce canadienne se sont fendues de "notes interprétatives" à l'accord, pour tenter d'expliquer que les tribunaux d'arbitrage n'entraveront ni le droit des états à légiférer, ni le principe de précaution, ni les services publics. Dans ce cas, ils sont inutiles et s'ils sont inutiles, pourquoi les traités les maintiennent-ils ? De plus, ces notes explicatives n'ont qu'une valeur juridique restreinte par rapport aux termes même du traité et cela, les wallons l'ont bien compris !
Il y a une autre raison : comme l'explique Raoul-Marc Jennar (encore un belge) dans un billet de blog, la combinaison ALENA-CETA rend inutile la signature du TAFTA, car les multinationales américaines, qui ont, pour la plupart, une filiale canadienne, pourront exercer leur pouvoir de nuisance en vertu de ces deux traités. Les opposants au CETA canadien rejètent donc ce traité comme étant le cheval de Troie de ces multinationales.
Le traité peut-il être avalisé sans l'accord de la Wallonie ? En théorie, non car cette opposition bloque la signature de la Belgique. Le processus de ratification est rappelé dans un article du Monde : il s'agit d'un traité entre le Canada et les 28 états qui ont donné mandat à l'Union Européenne pour le négocier en leur lieu et place. Ce traité ne peut entrer en vigueur qu'après la ratification à l'unanimité des 29 chefs d'état canadien et européens. Il devra être ensuite soumis pour ratification au parlement européen en ce qui concerne les clauses de compétence communautaire et aux parlements nationaux en ce qui concerne les compétences des états.
Comme on pouvait s'y attendre, les pressions ne manquent pas sur la Belgique. Mais elles n'ont aucune chance d'infléchir la position de la Wallonie, malgré les moyens de pression dont est coutumière l'Union Européenne. Comme le disait Jules César dans la guerre des Gaules, "de tous les peuples de la Gaule, les belges sont les plus braves".
Pour en savoir plus : un débat organisé par Médiapart