La guerre en Ukraine est apparue dans nos vies avec une puissance meurtrière sans pareil et avec des risques de destruction massive pour l'humanité par le possible usage ou accident lié au nucléaire .
Depuis le début de l'humanité, les hommes ont toujours cherché à éviter que les conflits se transforment en violence et en guerre. Ils ont inventé toutes sortes de pratiques, de rituels et de religions afin de tenter d'éviter ces dérives . Aujourd'hui les religions sont toujours utiles dans cette perspective, mais au nom de celles-ci, des violences et guerres sont encore pratiquées et conduites.
Nous sommes le produit des conflits que nous avons traversés
Dans tous les pays du monde ont été inventés des systèmes éducatifs publics et privés avec toute une graduation de niveaux pour former les jeunes, les adultes, les citoyens. Il existe donc une offre de formation importante mais qui est encore peu présente dans certains pays. Dans le même temps, chaque habitant de la planète est confronté à toutes sortes de conflits dans sa vie : conflits entre deux parties de lui même qui s'opposent, conflits interpersonnels, conflits dans sa famille, dans son couple, dans sa communautés, dans les associations auxquelles il participe, dans l'entreprise dans laquelle il travaille et il est aussi confronté à tous les conflits présents dans la société. Tous ces conflits peuvent prendre des formes violentes. On le voit en particulier avec les féminicides. Quelquefois ces conflits se transforment en guerres. Comme le dit Maurice Brasher « Nous sommes le produit de tous les conflits que nous avons traversés ! ».
Rien sur le fonctionnement humain dans les systèmes éducatifs
Vis à vis de tous ces conflits auxquels nous avons été confrontés, nous nous sommes débrouillés comme nous avons pu, avec pour appui ou pour béquille, pour chacun et chacune, notre milieu culturel et religieux propre qui nous a proposé quelque repères, règles de vie...Nos familles, nos proches, quelques enseignants nous ont aussi proposé quelques règles de conduite. Mais le plus souvent, nous avons fait ce que nous pouvions. L'école met souvent en avant les paroles de Socrate « Connais toi toi même ! » . Mais qu'apprend t-on à l'école, au collège, au lycée, à l'Université, sur le fonctionnement humain ? Oui, nous apprenons des connaissances sur notre système respiratoire et sanguin ou même cérébral. Mais qu'apprend t-on concernant nos émotions, concernant le fonctionnement humain individuel et collectif ? Qu'apprend t-on pour faire face aux conflits de toutes natures que nous rencontrons ? Rien ou si peu. C'est la triste réalité de nos sociétés, pas seulement de nos sociétés occidentales mais de l'ensemble des sociétés du monde...
Des sociétés qui se disloquent
Il existe donc un grand trou noir qui est d'autant plus grand que nous ne le voyons pas. Nous nous sommes habitués à cette situation. Et puis comment enseigner des connaissances concernant des domaines qui touchent aux émotions, aux passions, aux désirs, au mimétisme humain, aux maladies sociales qui peuvent se développer dans les sociétés ? Au niveau des sociétés nous n'osons pas aborder ces questions dans les écoles ou si peu. Quel en est le résultat ? Des sociétés actuelles qui se disloquent . Des conflits qui se développent mais qui sont mis sous le tapis, évités et qui ressortent de plus belle sous forme violente ! Des réseaux sociaux qui peuvent avoir pour effet d'éviter les réels frottements humains en présentiel et peuvent isoler les sujets dans leurs convictions et leurs situations. La qualité de la relation est donc en crise dans beaucoup de nos pays.
Des démarches pour agir et travailler les conflits.
Pourtant, les sciences sociales ont progressé. Nous comprenons bien plus de choses sur le fonctionnement individuel dans sa relation avec les autres, sur le fonctionnement humain de manière générale. La place des émotions dans nos vies en relation avec nos besoins, nos désirs, avec les processus de décision, avec nos actions a été plus décryptée et analysée. Il existe un capital de connaissances, de pratiques, de démarches qui sont disponibles, en particulier, celles qui considèrent que l'on doit travailler à partir de toutes les formes de conflits existants, en cherchant à les transformer de manière constructive. Il existe quelques lieux d'échanges, des associations, des écoles de pratiques qui se développent sur ce thème. L'Université Internationale Terre Citoyenne (UITC) y contribue mais de humble manière. Mais au niveau de la France comme de la communauté mondiale, nous ne sommes pas au niveau des enjeux.
Un enjeu politique majeur qui est ignoré !
Peu de personnes ont pu se former actuellement sur ces questions. Nous espérons qu'en France, le Président de la République, les députés, le plus de responsables politiques possibles s'emparent de ces questions même si très peu d'entre eux sont formés sur ce sujet. C'est une question politique urgente. Comment développer le plus rapidement possible des temps de formation explicites à l'école maternelle, à l'école primaire, au collège, au lycée, à l'Université, à l'occasion du service national universel sur ces questions, ces démarches ? Nous sommes prêts à utiliser toutes les voies qui se présenteront afin de développer ces formations à l'approche des conflits, à tous les niveaux (mondial, régional, national et local) et dans tous les milieux. Différentes méthodes en France existent avec des débats entre les promoteurs et promotrices de ces démarches. Ceci est la vie et fait partie des débats et conflits à ne pas éviter. Historiquement la Communication Non Violente (CNV) a donné des premiers repères en insistant sur les émotions et les besoins frustrés. Mais d'autres démarches comme la Thérapie Sociale, Approche et Transformation Constructive des Conflits (ATCC), Processwork/Démocratie Profonde ont pris leur place et montrent toute leur pertinence en considérant que les conflits sont aussi des opportunités de changement, qu'il est nécessaire de les traiter et qu'il ne faut pas les mettre sous le tapis au risque qu'ils ressortent de manière bien plus violente. Au niveau international, d'autres pratiques et méthodes existent qu'il est important de repérer, de comprendre, de partager. Elles nous permettront d'enrichir la gamme de pratiques et de démarches existantes.
Un immense avantage pour les pays qui développeront ce type de formation
Nous pensons qu'un pays qui développera ces types de formation à tous les niveaux (de la maternelle à l'université en passant par le service national ) donnera l'occasion à un maximum de ses citoyens d'aborder dans de bien meilleures conditions, les situations sociales et économiques, complexes, localement comme globalement, dans les entreprises, dans les communautés, les associations, la société. Il n'y aura pas moins de conflits, mais ceux-ci seront mieux abordés et avec une réduction des souffrances, des maladies sociales, et des résultats positifs en matière de changements et transformations systémiques.
Agir sur les conflits pour éviter les violences et les guerres !
L'humanité est, avec tous les peuples qui la composent, face à des enjeux considérables. Comment aborder localement comme globalement les conflits qui se présentent ou se présenteront sous des formes variées et en particulier dans le cadre de la nécessaire transition écologique ?. Nous pensons que si les peuples ont à travers leurs citoyens une meilleure capacité à aborder les conflits (toutes les sortes de conflits), ils éviteront beaucoup de violences. Un tel défi vaut la peine d'un grand investissement pour créer des lieux et moments pour se former, pour mieux travailler les conflits, tous les conflits qui se présentent afin d'éviter les violences et les guerres !
Pierre VUARIN
Président du Conseil de l'Université Internationale Terre Citoyenne (UITC)
Le 14 novembre 2022