Pierre VUARIN

Socio créateur. pdt de l'université Internationale Terre Citoyenne (UITC)

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Billet de blog 19 juin 2025

Pierre VUARIN

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L’ urgence : former les jeunes, les citoyens pour faire face aux conflits de la vie

Les conflits font partie de nos vies. Mais rien n'est proposé de l'école primaire à l'Université sur la manière de faire face aux conflits du quotidien. Il existe pourtant des démarches, méthodes afin de mieux traverser et transformer ces conflits de manière constructive. Nous sommes face à une urgence politique nationale et internationale pour intégrer ces formations dans les systèmes éducatifs.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une jeunesse en tension, une société en aveuglement

Le meurtre d’une surveillante par un jeune de 14 ans, les scènes de violence, de destruction et de pillages après la victoire du PSG en coupe d’Europe, ou encore de nombreux faits divers du quotidien mettent en lumière une réalité dérangeante : une partie de la jeunesse traverse des tensions profondes, souvent sans accompagnement, et certains actes expriment une douleur ou un chaos intérieur non nommé.

Face à cela, le débat public se focalise presque exclusivement sur le rôle des réseaux sociaux, sur le temps passé devant les écrans, ou à d’autres moments sur le niveau en mathématiques et en français. Mais que propose-t-on aux jeunes dans le cadre de l’école, du collège, du lycée, de l’Université pour explorer leurs vécus, leurs émotions, leurs conflits personnels et collectifs ? Rien. Cette absence est une faute grave, un énorme angle mort de notre système éducatif.

Ce que l’école n’aborde pas : les vécus du quotidien et de la vie

Chaque jour, des enfants, des adolescent·e·s, des étudiant·e·s arrivent en cours marqués par des événements de leur vie. Cela peut être des tensions, un conflit familial ou dans sa classe, une rupture amicale, une opposition avec des amis, un sentiment d’injustice, une humiliation, un deuil, une peur. Certains peuvent en parler en famille ou être accompagnés.  Mais la plupart restent seuls, en contact avec les réseaux sociaux, avec ce qu’ils ressentent, sans réel espace  pour le dire, le comprendre, le transformer.

Or, quand on est profondément touché, émotionnellement bouleversé, comment être disponible pour apprendre ? Le cerveau n’écoute pas si le cœur saigne. On ne peut pas faire l’économie d’un travail sur ce que vivent les élèves et les étudiant·e·s. Cela ne veut pas dire faire de l’école un lieu psychothérapeutique, mais intégrer à l’éducation un travail sur les émotions, les tensions, les conflits — internes, interpersonnels, collectifs.

Un impensé éducatif, un trou noir politique

Ce silence éducatif est plus qu’un oubli : c’est un impensé massif, un trou noir dans nos programmes scolaires, universitaires mais aussi dans les formations pour les enseignants, les éducateurs, les travailleurs sociaux. Tellement profond qu’il en devient invisible. On n’enseigne quasiment rien sur la manière de comprendre les conflits humains, les mécanismes émotionnels, les dynamiques de groupe, de bouc émissaire et les liens avec les conflits internes et personnels des jeunes.

Cet impensé n’est pas seulement éducatif. Il est politique. Il y a une cécité politique à voir ce que tout le monde pourtant perçoit : que nos sociétés sont traversées de tensions, de conflits et qu’ils font partie de la vie. Les jeunes sont particulièrement sensibles dans leurs découvertes de la vie, à tous les conflits qu’ils rencontrent. C’est aussi, à travers eux qu’ils se construisent.

En fait, nous avons, collectivement laissé cette question des conflits, des attitudes à développer vis-à-vis des conflits en général, aux religions. Historiquement, elles ont été créées pour éviter les conflits et le passage à la violence. Mais aujourd’hui, elles ne sont ni suffisantes, ni toujours accessibles, ni neutres. D’autres part, très peu de responsables politiques ont participé à des formations sur l’approche des conflits.

Reconnaître les besoins de formation pour aborder, transformer les conflits de manière constructive .

Nous avons pourtant accumulé des savoirs, des connaissances sur le fonctionnement humain. Il existe pourtant des démarches, des pratiques – Thérapie Sociale Communication Non Violente, Approche et Transformation Constructive des Conflits, Processwork/Démocratie profonde – qui considèrent les conflits comme des opportunités de changements. Elles réalisent un travail dans différents lieux de notre société (entreprises, associations, écoles et lieux d’apprentissages.). Mais ces pratiques sont malheureusement encore marginalisées. De manière générale, on les classe dans la case « bien être personnel »

Nous devons franchir un seuil : développer dans les programmes, de la maternelle à l’université, des temps de formation explicites à la compréhension et à la transformation des conflits. Cela doit se faire aussi dans les formations professionnelles, dans le service national universel, dans les institutions éducatives, culturelles, sociales. Il ne faudra pas oublier tous les autres citoyens auxquels on devrait reconnaitre et favoriser l’accès à ce type de formation. Ceci devrait passer par le lancement d’une expérimentation à grande échelle.

Un pays qui osera cette mutation éducative gagnera en cohésion, en santé collective, en capacité d’agir dans la complexité. Ce sera aussi un moyen augmenter le niveau scolaire car les enfants pour aborder les autres cours avec plus de capacité à écouter ! Il ne s’agit pas de faire disparaître les conflits, ni d’en diminuer le nombre, mais de mieux les vivre, les transformer pour éviter qu’ils ne dégénèrent en violences, en replis, en souffrances durables.

Pierre Vuarin

Président du Conseil de l’Université Internationale Terre Citoyenne. (UITC)

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