Attention Travaux De Philosophie Politique Sauvage 29
L'humain est un «drôle» d'animal
Faut-il être bête comme un homme (parce que si les bêtes sont bêtes comme des bêtes, cela apparemment ne leur pose pas de problème, ni à elles, ni à leur environnement ). Faut-il être bête comme un homme (pardon, comme un homme ou une femme, enfin, comme le genre humain, oui parce que moi, je pense qu'il n'y a qu'un seul genre, c'est le genre humain avec des hommes et des femmes). Faut-il être bête comme un humain donc, pour imaginer une extension illimitée dans un environnement limité? Pour refuser l'idée que l'éternité est un concept qui dépasse l'humain, et que son rôle serait plutôt de chercher à ordonnancer l'ici et maintenant de sa vie, plutôt que de vouloir péter plus haut que sa condition. Que la recherche de l'équilibre entre ce que l'on prélève et ce que l'on donne, pour toutes choses, devrait être au centre de toutes recherches humaines. Que l'homéostasie naturelle est le premier modèle dont devrait s'inspirer les sociétés modernes.
Faut-il être bête comme un humain, où totalement immature pour réagir comme un enfant et se cacher derrière ses mains pour ne pas voir l'énorme bêtise que l'on a faite avec ce gros pétrolier où cette belle centrale, ou ce gène rigolo que l'on peut trafiquer comme une mobylette. Faut-il être bête, ou immature ou un peu malade dans sa tête, pour penser être au-dessus du vivant et croire que notre supériorité innée, arrivera toujours à trouver une solution pour vider les poubelles planétaires ou pour déménager ailleurs. Pour penser que rien ni personne ne pourra arrêter la consommation, la croissance, la production (même durable!). Oui, peut-être faut-il être un peu malade pour avoir une telle soif, que dis-je une soif, une telle potomanie, une telle boulimie du toujours plus, d'avoirs, toujours plus de droits individuels au dépend des droits collectifs, toujours plus de libertés égoïstes, toujours plus de jouir, jouir de tout, jusqu'à ne plus voir son semblable crever à côté de lui, ou, à la rigueur, lui donner quelques miettes pour s'acheter de surcroît une bonne conscience.
Cette maladie ne date pas d'hier, ni d'avant hier. On aurait même du mal à dire de quand ça date, cette histoire de mégalomanie du genre humain. Beaucoup s'y sont essayés,
On parle de la révolution technologique et numérique de ce début du 21èm siècle qui transforme le monde des objets comme du vivant en supermarché virtuel.
D'autre font remonter la maladie plus avant, à la révolution industrielle et économique du 19èm siècle. Pour certains comme Max Weber, plus avant encore, à la naissance du protestantisme, milieu du 16èm . D'autres encore, avancent l'idée que cette maladie que l'on peut nommer Capitalisme à un moment donné, qui entraîne une régression des facultés de conscience et de raison, daterait du début de l'époque moderne vers le milieu du 15èm siècle, avec l'exploration, la conquête et l'exploitation des richesses naturelles et des hommes, par d'autres hommes, occidentaux, il faut bien le dire.
Mais ne peut-on pas remonter encore plus loin/ Des traces de cette inflation mégalomaniaque de l'humain sur son environnement seraient déjà présentes dans la bible. Drôle d'histoire que cette rencontre singulière d’Adam et Eve, Ils pêchent dans le dos de Dieu et choisissent les fruits de la connaissance plutôt que de rester peinard au Paradis. Du coup, ils cherchent eux-même à se faire leur propre Paradis, et là les ennuis commencent jusqu'à transformer ce projet de Paradis en portes de l'Enfer.
Certains mythes grecs peuvent transmettre aussi la même idée. Prométhée par exemple. La version du sophiste Protagoras de Céos, cité par Platon. Prométhée et son frère Epiméthée sont chargés par les Dieux de distribuer les qualités et les dons physiques parmi les êtres vivants. Epiméthée oublia les hommes qui restèrent nus et sans défenses. Pour compenser cet oubli, Prométhée vola à Zeus le feu, qui était sa propriété, et en attribua les hommes. Au passage, il le payera très chère, se faire bouffer le foie (la foi?) éternellement par un aigle.
C'est tout de même un peu fort! Les humains se prennent pour les Dieux qu'ils ont eux-mêmes inventés ! Et ça dure depuis belle lurette cette histoire paradoxale !
Les Grecs appelaient ça l'Hubris. Le plus fort, c'est que c'est grâce à cet Hubris là, grâce à cet «excès» d'imagination et de créativité, par rapport à leurs collègues animaux, grâce à la force de leurs désirs mégalos, que les humains ont pris le dessus sur leur environnement. Grâce à cela si nous arrivons aujourd'hui si prêt des étoiles, si prêt des secrets du vivant, si prêt des secrets de l'atome, si nous sommes arrivés à de telles prouesses intellectuelles, médicales, artistiques, les pieds de plus en plus dans la merde.
Alors est-ce dans le destin de l'homme de s'élever au dessus de la nature avant de disparaître ?
Il est un principe qui tendrait bien à confirmer ce cruel constat, c'est le principe d’entropie. L'équilibre entre les dépenses et les ressources, entre l’énergie émise et l’énergie consommée, la fameuse homéostasie, est un équilibre fragile, précaire, et surtout temporaire. L'entropie en est le pendant. Il est la tendance inéluctable, avec le temps, d'une désorganisation des structures et d'un retour à l’indifférenciation, un retour au chaos.
Le rapprochement de ces deux principes vient « naturellement » avec le destin de l'humain et de la civilisation ; homéostasie et entropie, Éros et Thanatos, sociétés traditionnelles et sociétés industrielles.
Faut-il être bête comme un homme, ou aveugle, pour ne pas avoir voulu comprendre que l’existence veut dire ex-sistere, en latin, «sortir de», se manifester auprès du monde, donc sortir de l'immuable, sortir de l'atemporalité, donc accepter le séjour dans la vie avec un début et une fin, accepter le fait que la fin soit corollaire au début, inséparable du début, donc accepter des limites, donc accepter d'être limité dans son expression singulière et civilisationnelle.
Ce monde consumériste suicidaire, porté par le système capitaliste, effondre les organisateurs symboliques nous permettant de supporter l'angoisse existentielle face aux limites, aux pertes, et in fine, à la mort, Ce dénie, paradoxalement, entraine notre perte.
Alors, aujourd'hui que nous voyons plus distinctement l'horizon du Réel s'embraser, et se rapprocher de nous à tout allure, faut-il se désespérer et se recroqueviller dans un narcissisme hautain ou chercher encore et toujours, parmi ses semblables, des compagnons et des compagnes avec lesquels on pourra continuer la route avec peut-être, cette fois, un peu plus de lucidité.