Attention Travaux de Philosophie Politique Sauvage 15
«Une manif pour les Libertés»
A Lyon, ce samedi 28 novembre, il y avait du monde à la manif pour les libertés. Rassemblement aux Terreaux et très vite, arrêt devant la rue de la République, interdite pour cause de Black Friday. Notre République interdit la rue de la République pour se vendre en solde, amusant non? Départ à nouveau, détour par les quais du Rhône et nous espérons, retour dans la presqu’île par le pont de la Guillotière et la place Bellecour La foule était assez jeune, dense, belle, déterminée, le début d'une symphonie « Allegro ma non tropo ». Pour moi, une énième manif où je trouvais, en m'en réjouissant, les êtres de plus en plus jeunes (ou sans m'en réjouir, moi, de plus en plus vieux). Un beau rassemblement, une scène à ciel ouvert où chacun joue pour tous et avec tous, sa petite partition. Une manif comme une symphonie, comme un fleuve, (la Moldau : Smetana .. écoutez ce chef-d’œuvre). Un fleuve qui émerge d'une mystérieuse source et coule dans les rues de la ville. Un fleuve épisodique, entre Saône et Rhône, courant dans l'histoire des luttes sociales. Un fleuve dont la crue est très incertaine, qui glisse dans son lit mais peut tout autant, soudainement, déborder et détruire les rives en drainant des colères insupportées. La manif: Comme un fleuve d'énergie émanant d'une multitude de visages, de pas battant la rue, de voix, de rires, de cries, de blagues, d'invectives et de crâneries, de bravades et de trouille. Une multitude de désirs tressés dans un désir commun, dans un moment commun. Un concert de désirs, un cœur de désirs, un torrent de désirs salvateurs et dangereux.
Joie et excitation enfantine d'être là, mêlée de vigilance, devoir d'analyse de l'instant, nécessaire pour ne pas se perdre dans la masse.
C'était une belle manif pour les libertés conditionnées à la périphérie des choses. La rue de la République et la presqu’île nous étant interdite, nous passâmes par les quais du Rhône, rive gauche, côté préfecture où nous fumes (c'est le cas de le dire), gentiment attendus par les forces du désordre et leur nuage toxique. Ils nous forcèrent à prendre le pont de la « Guille » débouchant sur la rue de la Barre, à l'angle sud du très vieil Hôtel Dieu. L'Hôtel Dieu a été un monumental hôpital datant du XII èm siècle, rebâti par Soufflot au XVIII èm et toujours en activité jusqu'en 2010 (Les séropos au VIH des années 80 90 doivent s'en souvenir). A cette date, il fut vendu par les Hospices Civiles de Lyon pour en faire un Hôtel de luxe et une galerie marchande (Je rêve que les millions de gueux qui ont souffert et qui sont morts dans ces murs durant tous ces siècles, et leurs misérables soignants, dont Rabelais fut un temps, je rêve qu'ils se dressent pour maudire ces petits malins !)
L'hôtel Dieu et la presqu’île toute entière, le cœur de Lyon, verrouillés pour cause d'achat de Noël, le sauvetage économique de la France, et notre manif pour les Libertés toute désorientée. Nous devons continuer sur les quais, cette fois sur la rive droite, par petits groupes, transformés en manif errante, désorganisée, perdue. D'un côté, derrière un mur d'uniformes, une masse de gens se pressant dans les magasins pour des achats compensatoires (de quel manque?), de l'autre côté, une foule contenant difficilement sa frustration qui se disperse peu à peu.
Finalement, où est le chemin de la liberté dans ce tableau ?
La Liberté est une valeur, un droit, un acquit, une condition, un désir, un impératif, une volonté, une lutte, une exigence ? Peut-être que la Liberté est tout cela à la fois ? Peut-être que la Liberté est un principe intangible que l’humain a chevillé au corps ? Peut-être que c'est un choix difficile qui ne va pas de soi. Peut-être que la Liberté est une valeur éminemment subjective ? Peut-être que l'on peut être plus libre dans une cellule que dans un rayon de grand magasin ? Peut-être que la Liberté c'est une lutte pour la liberté ? Peut-être que la Liberté, ça s'acquière petit à petit, au fur et à mesure des expériences vécues, un genre de processus continu. Peut-être que la Liberté en soi ça n'existe pas, c'est juste un rêve, un songe de Liberté ? Mais l'homme c'est bien connu, se nourrit de songes, bien plus que d'objets. De songes, pas d'images sans paroles, sans mots. Avec juste la force émotionnelle d'un impossible Réel qui sidère la pensée. Flics salopards et casseurs, la violence légitimes et la violences illégitimes, où est la légitimité ? Les violences sont misent dos à dos dans ce jeu de dupes et l'on oublie alors la nécessaire violence, intime et collective qu'il nous faut pour faire vivre nos songes et avancer sur les chemins de Liberté.
LA politique est morte avec les politiciens, vive LE politique qui guide nos pas.