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Billet de blog 7 septembre 2020

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De quelle dette parle-t-on ?

Lorsque l'imaginaire prend le pas sur le symbolique, on prend le Réel dans la gueule. Nous sacrifions à la dette comme on sacrifiait autrefois aux Dieux en engraissant les prêtres

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ATTENTION TRAVAUX DE PHILOSOPHIE POLITIQUE SAUVAGE 5

De quelle dette parle-t-on ?

Si vous tapez « dette public.fr », vous verrez un compteur qui indique l'augmentation constante de la dette public française. Elle augmente à cette instant T de 2665 Euros par seconde et en est à l'instant précis où je regarde mon écran à 2 487 473 140 950 Euros soit 39 600 euros par ménage.

Cette dette que le système économique fait endosser à l'état, donc à chaque citoyen, est définitivement impossible à honorer. Les seuls intérêts de celle-ci sont colossaux et permettent ainsi à une catégorie d'individus de s'enrichirent «  naturellement », sans aucune contrepartie. La production ne sert plus qu'à nourrir une plus-value exponentielle, sans limite. La plus-value, le plus de jouir disait Lacan, jouir, mais plus encore. Jouir à en crever. A ne plus savoir quoi faire de son fric mais en vouloir toujours plus. A chercher de plus en plus des désirs insaisissables au fur et à mesure qu'on les satisfait. Jouir à devenir esclave de sa jouissance. Le monde se divise alors entre les esclaves qui crèvent de jouissance, et les esclaves qui crèvent tout cours de privations, désormais fabriquant de combustibles pour alimenter une croissance mécanique homicide. Nous ne sommes plus dans un rapport de classe où patrons et ouvriers dépendent l'un de l'autre, nous sommes dans un système où tous, possédants et possédés, dépendent d'un seul maître totalement imaginaire.

Vous connaissez ce que l'on appelle le « trading à hautes fréquence » Des échanges financiers mondiaux qui se font maintenant en une fraction de secondes. L'avenir des transactions humaines livrée à des programmes d'ordinateurs.

Nous sacrifions à la dette comme on sacrifiait autrefois aux Dieux en engraissant les prêtres. Mais les Dieux sont partis et il ne reste que leur fantômes, la projection de leur image sur les tableaux des bourses financières. Du vent, du vide soufflant la désolation et la mort.

1 milliard, cent milliards, autrefois impossible à débloquer, aujourd'hui injectés dans cette économie de crise. Un trou de la sécu qui apparaît ; qui disparaît. Et la dette toujours, qui nous enchaîne à son service. Cette somme en excroissance permanente est irreprésentable, c'est-à-dire qu'elle ne s'attache à aucune représentation possible, elle est abstraite, imaginaire comme une image en abyme, comme le miroir d'elle même.

Le summum, c'est de nous faire croire que l'économie c'est ça. Je me demande si nos soi disant dirigeants (où est la direction?) ne se leurrent pas eux-mêmes. Si la soif du pouvoir politique ne les mènent pas à s'illusionner eux-mêmes sur leur marge de manœuvre alors qu'ils ne sont qu'un rouage passif de ce système capitaliste. Mais peut-être suis-je beaucoup trop naïf ?

L'économie parle des transactions entre les hommes. C'est une science des échanges, des circulations de biens et d'équivalences. C'est le champ de la circulation des possibles entre les hommes. C'est très con mais dans Notre économie, l'argent est un moyen, en aucun cas une fin. C'est un outil symbolique au service des hommes.

Mais lorsque l'imaginaire prend le pas sur le symbolique, on prend le Réel dans la gueule.

Alors, ce fric incalculable, incommensurable, c'est de l’esbroufe. Encore un leurre pour tromper une autre dette autrement plus fondamentale celle-ci, la dette envers ce qui fait de nous des être sujet de la parole, assujettis à elle. Je veux dire par là, que la figure de Dieu, ou de l'imago paternel, enfin, d'un truc là-haut qui chapeaute tout ça. Genre Signifiant maître pour parler le lacanien. Ce truc qu'on a mis à la place de Rien. Ce truc à quoi l'on se réfère, qu'on vénère, qu'on sacralise et qui nous tyrannise, dont on attend la bénédiction, l'autorisation, sous l'autorité de qui, dont on attend la légitimité à être en droit de pouvoir. Ce truc qui nous nomme et qui nous fait parler, c'est-à-dire nous séparer du Réel corps de la mère Je veux dire que ce truc, on lui est tout le temps redevable. On à une dette envers lui. Du coup, ce truc, qui est uniquement du registre du symbolique, on aura toujours une dette tout aussi symbolique avec. Payer, étymologiquement, c'est pacifier et « s'acquitter de ses dettes, c'est renouveler sans cesse un processus de pacification, le payement d'une dette infinie à laquelle on ne peut se soustraire » (Gory 1992). « Il y a donc bien une valeur subjective de la dette, l'inscription dans la filiation et la castration qu'elle impose prenant le pas sur une toute-puissance imaginaire.

Alors, les sacrifices pour le payement de la dette public, vous savez où vous pouvez vous les mettre ? Nous on a bien assez à faire avec une autre dette, qui nous porte elle à nous dépasser pour inventer la réalité. 

Pierre-Yves

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