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Billet de blog 11 janvier 2021

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La différence entre hommes et femmes est irréductible

Le discours du capitalisme techno-libéral dénie la fonction du manque en termes économiques et productifs, mais aussi et essentiellement, en terme d'économie psychique. Cette fonction du manque, comme matrice symbolique séparant et liant en même temps les êtres entre eux, et ayant comme modèle premier, une différence irréductible des sexes.

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La différence entre hommes et femmes est irréductible

Je suis un homme ; et si je parle de cette place là, je m'aperçois qu'il m'est impossible de parler à la place d'une femme/ Me mettre à la place d'une autre (modèle de l'autre) m'est impossible. Cette autre là a un rapport au monde radicalement différent du mien, c'est un autre radical La différence homme femme est au cœur de l'altérité C'est un autre différent de moi, avec le jeu des identifications, des projections et des opposés. 

Il m'est impossible de parler à la place d'une femme et c'est bien de cet impossible là dont il s'agit lorsque l'on se donne pour tache de parler véritablement. Je ne peux pas parler à SA place, me mettre à SA place, mais je peux LUI parler. Parler vrai, je crois que c'est toujours une demande faite à une inconnue. La parole serait un désir adressé, celui de se re-connaître en l'autre. La recherche d'un lien de re-connaissance mutuelle non pas malgré l'écart des différences, mais par et à travers cette radicale différence. En cela la parole est une matrice symbolique qui humanise hommes et femmes autour d'un manque constitutif (le désir d'un ailleurs dans le voyage, illustre bien cette nécessité existentielle. C'est se reconnaître dans l'étranger qui est en l'autre, mais qui est aussi en nous, c'est peut-être ce que l'on va chercher à vivre lorsque l'on voyage).

Je suis constitué d'une part de l'autre dont je fais également partie

.… je est un autre je est un autre je est un autre je est un autre je est un autre je est un autre je est un autre je ..... ....

Je suis moi, mais je suis aussi un autre radical. Je crois que Winnicott appelait ça un paradoxe créateur. Il semble que nous soyons en perpétuelle tension entre une recherche imaginaire d'identité propre, et l'assignation à cette chaîne signifiante d'humanité (chaîne, dans le sens que vous voulez, selon votre « humeur »).

Le « mal nommé » Phallus et le monde phallocrate

 Être un homme, être une femme, être un autre pour l'autre dans une perspective de réciprocité et de complémentarité, en partageant cette différence comme on partage un espace à habiter ensemble, cela doit être l’aspiration du couple comme cela devrait être l'aspiration de la communauté. Cet espace symbolique ne peut plus être occupé par le pouvoir patriarcal. Ainsi, dire que la différence entre hommes et femmes est irréductible ne signifie pas défendre l'idée phallocrate séculaire d'avoir ou ne pas avoir le phallus tout-puissant, c'est-il dire de posséder « naturellement » en tan qu'homme, le Phallus. Ce que j'essaye de développer ici, c'est au contraire défendre l'idée que cet écart entre les deux sexes, constitue un espace, un vide, un impossible à combler, qui marque définitivement hommes et femmes d'un manque à une totale complétude. Autrement dit, homme et femme, il nous manque toujours quelque chose, et c'est pour cela que l'on s'exprime, pour cela que l'on parle, pour cela qu'on marche, pour cela que l'on se bat. Dans l'ordre du symbolique cet écart pourrait s'appeler le phallus (bien mal nommé par les hommes car il n'a rien à voir avec le pénis, il pourrait tout autant s'appeler Lingam ou omphalos mais c'est une autre histoire qu'il nous faudrait développer ailleurs).

A l'origine. Les hommes ont pris le dessus sur les femmes parce qu'ils ont toujours eu une peur bleue de ce qui leur échappaient (ce beau bleu des Divinités hindous). Ce qui échappe, c'est le Réel. C’est-à-dire les effets de toute-puissance de la nature, du corps, de la mort, de la naissance, et puis , une peur bleue de cet autre, à la fois si familier et si étrange, si inquiétant, dont ils sont issus, la mère, et ce représentant direct du Réel que sont les femmes (Il faut bien se résoudre à ce que, jusqu'à présent, hommes et femmes soient issues d'une matrice première « l'origine du monde »).

L'affaire a mis du temps à se mettre en place pour constituer un monde de domination masculine

Premier temps de l'animisme, première religion (au sens de ce qui relie l'homme au Réel d'une nature et d'une temporalité). Représentation d'une nature divinisée et premières figurations de Divinisées féminines. Femmes, animaux, divinisé-es, sacrifié-es.

Puis vint la pensée organisatrice d'un monde sociale, économique, philosophique et politique où le transcendant s'organise en figures spéculaires (monde polythéiste, premiers récits, grands mythes cosmogoniques où forces telluriques et forces célestes, entités féminines et entités masculines, Dieux hommes et Dieux femmes se confrontent et s'unissent dans une grande saga cosmique).

Mais le monde s'organise du chaos initial. Les femmes sont à l'origine du vivant, du petit d'homme. Cette «contingence» là (comme l'appelait le couple Beauvoir/Sartre entre autre), cet implacable Réel qui échappe toujours, ne peut les rendre Maitresses de la destinée des hommes. Il faut les procéder pour les dominer. Les hommes vont « masculiniser » ce qui leur échappe et chercher à maîtriser et transformer cet autre sexe en sexe faible et soumis.

Dans la Grèce antique qui inspire nos modèles démocratiques, cette phallocratisation du monde est déjà opérante, entre paires masculins, citoyens hommes de la cité, seuls dominant décisionnaires, et les esclaves, les femmes, les enfants et les étrangers,

Pour ARISTOTE

« Dans l'âme, il existe par nature une partie qui commande et une partie qui est commandée, parties auxquelles correspondent des vertus distinctes, l'une étant douée de raison, l'autre en étant dépourvue. L'homme libre commande à l'esclave autrement que le mâle à la femelle et l'adulte à l'enfant. L'esclave est totalement privée de la partie délibérative, la femme la possède, mais sans possibilité de décision, l'enfant la possède, mais inaccomplie ».

A Athènes, au IV siècle avant JC, il y a 28000 citoyens hommes pour 80000 femmes et enfants, 150000 esclaves et 10000 métèques (étrangers) (Rosalvolgi Préparatoire HEC)

Pour Aristote, le corps social est à l'image de la « psyché» (âme), avec ce que l'on peut saisir (au sens intellectuel), et ce qui échappe, l’irraisonnable. Dans la cité, l'acte raisonné appartient seul à l'homme, la femme ne peut que spéculer (même racine que spéculaire).

Puis venant d’Égypte peut-être, (Râ, Amon et le Moïse de Freud) vint le monothéisme et les religions du livre. Durant «des siècles, des siècles» les sociétés se sont organisées autour d'un agencement pyramidal, avec Dieu le père tout en haut, référence absolue à une éthique commune, et une hiérarchisation de chacun et chacune à tous les niveaux de la vie, de la naissance à la mort. Le pater familia, devait avoir une descendance pour servir Dieu, et pour cela, il devait avoir femme. Le genre homme et le genre femme étaient forcément déterminés par une construction sociale axée sur les lois divines, la famille, la fonction de chacun dans le couple. Les êtres qui transgressaient cet ordre, et je ne doute pas qu'il devait y en avoir un certain nombre, étaient stigmatisés, rejetés, mis à la marge et peut-être aussi enviés. En cela, ils permettaient de déterminer les normes

« Le progrès » matériel, industriel, scientifique, les lumières, la rationalité et le positivisme, la désacralisation des représentants de Dieu sur terre, dirigeants de l''église, papes et rois, ont perdus de cette place de pouvoir absolue. Et par effet domino, toutes les places en ont été bouleversées . Sur la durée, se fut la noblesse, les maîtres, les seigneurs, les patrons, les chefs en tout genre, mais aussi, les professeurs, les curés, les médecins, jusqu'au père de famille. Cet espace de pouvoir (LE pouvoir DE pouvoir être et faire) étaient occupé part d'autres acteurs mais toujours dans un discours social où la parole venait symboliser les différences : Ce que Hegel a appelé dans « La phénoménologie de l'Esprit » : « La dialectique du maître et de l'esclave ». Des forces s'affrontaient autour d'idéaux opposés dans un espace d'interdépendance. La bourgeoisie, le peuple, La lutte des classes.

Le discours pernicieux du monde techno-libéral

Ces dernières décennies ont vu apparaître une autre forme de discours porté par le capitalisme triomphant des idéologies communistes, libertaires et sociales.  Dans ce discours qui nie le manque constitutif de chaque être, les différences entre individus tendent à n'exister qu'à travers l'acquisition de pouvoirs Pouvoirs de l'argent et des objets matériels avant tout, mais aussi pouvoir médiatique, argumentaire dans un discours creux qui ne cherche qu'à manipuler et produire de l'effet .On possède suffisamment d'argent, de relations, d'amis, de mots désincarnés, alors on est  "suffisant", sinon, "on est rien" comme a pu le lâcher Macron. On parle de soi à l'autre ou à la place de l'autre, on cherche du même que soi pour faire pression, pour faire céder les détracteurs. On hyper communique pour ne rien se dire mais pour se montrer et se reconnaître entre-soi, on ne laisse plus aucun espace pour le peut-être (le peut être). La fonction symbolique de la parole est écrasée, le manque est dénié, il n'y a plus de mystère et tout est question de pouvoir (seul survit encore le discours de l'art et de l'amour, et  parfois du soin, et de l'éducatif).

On est un Wenner «suffisant» ou un looser «plaintif». Il n'y a plus d'espace entre les deux.

La vie se montre comme l'image d'une perpétuelle fête où celui qui ne participe pas est définitivement exclu.

En 1968, ce qui était des slogans situationnistes émergeant lors de moments de renversements propres aux fêtes, où le sentiment de liberté domine toutes réflexions «Il est interdit d'interdire», «jouissez sans entraves»  sont devenus des mots d'ordres, dans un plus de jouir consumériste obligatoire.

Il est remarquable de penser que les mouvements révolutionnaires internationaux des années 60, 70, arrivent en même temps que la révolution numérique. Ces mouvements révolutionnaires qui n'ont pu aboutir à un changement de société ont été «récupérés» par le discours techno-libéral qui n'en a gardé que l'illusion d'une liberté absolue.(«Ce n'est qu'un combat, continuons le début» disait Coluche)

Sortir du dénie

Il faut arriver à l'aube de ce troisième millénaire pour assister au retour de ce Réel qui vient renverser les illusions de toute-puissance portées par le capitalisme triomphant. L'infiniment petit du viral qui balaye l'infiniment grandiose des réalisations humaines.

e discours du capitalisme techno-libéral dénie la fonction du manque en termes économiques et productifs, mais aussi et essentiellement, en terme d'économie psychique. Cette fonction du manque, comme matrice symbolique séparant et liant en même temps les êtres entre eux, et ayant comme modèle premier, une différence irréductible des sexes.

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