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Billet de blog 16 décembre 2020

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Grande opération du capitalo-scientisme: Ablation totale et définitive de la psyché

Finalement l'angoisse alors, et les troubles qui lui sont liés, est que c'est existentielle, c'est à dire, est-ce que ça a à voir avec ce phénomène bizarre, contrariant et envahissant que l'on appelle la psyché, ou est-ce que c'est neurologique, une histoire biochimique en quelque sorte ? Et bien les deux mon capitaine, mais pour les affaires, le neurologique est beaucoup plus rentable.

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Attention Travaux de PhiloPsycoPolitique Sauvage 17

Grande opération du capitalo-scientisme: Ablation totale et définitive de la psyché

L'homme occidental (ça commence mal, l'humain voulais-je dire, et occidental, ça sent le souffre. Encore faudrait-il se re-représenter ce que pourrait désigner l'occident ? L'homme dés-orienté devrait-on peut-être dire, c'est-à-dire privé des repères, essentiellement religieux, représentatif de son occident) Bref, l'homme occidental va mal, tout les médias le disent, relayant la plupart des intellectuels patentés.

Tout fout le camp. Et en plus maintenant, il y a cette saloperie de virus qui nous empêche de vivre normalement

En télé, dans les journaux, sur le net, tous l'affirment, cette crise économico-sanitaire provoque un accroissement plus que significatif des troubles psychiques (pardon, des troubles mentaux). C'est la déprime générale. Contrairement aux artistes, les psys de tout poils auront du pain sur la planche, et l'industrie pharmaceutique va vers une croissance exponentielle.

Entendu sur France-inter l'autre matin. Des éminents spécialistes chercheurs en médecine se demandent si le coronavirus ne provoquerait pas des atteintes neurologiques entraînant des troubles de l'humeur et de la dépression. Étonnant non ? Dirait Desproges.

Comment réagir face aux angoisses massives générées par cette épidémie sur la population, venant s'ajouter, de surcroît, à une époque pour le moins anxiogène ? Comment répondre à cette inflation galopante de dépressions sévères, sur un grand nombre de gens, entraînant, non seulement des suicides et des passages à l'acte, mais surtout, des arrêts de travail, voir même, des pensions d'invalidité ?

Le système capitaliste a une réponse toute trouvée pour cela.

Elle a depuis longtemps préparé le terrain. Voila quelques temps déjà ; quand le situer ? Peut-être dans les années 70, 80, une révolution mondiale c'est produite qui a fait basculer les fondements même des organisations sociétales. Le système capitaliste, triomphant des idéologies progressistes adverses, a su s'approprier toute la puissance des moyens technologiques modernes et au premier plan, la puissance démiurgique de  « l'intelligence artificielle ». Moyen idéal pour aliéner totalement chaque individu à lui-même (il faudrait que je développe, mais je pense que le télétravail et les travailleurs indépendants en sont un tout petit exemple). Les instituions du service public, missionnées pour soigner, instruire, éduquer, en payent un terrible prix.... Plus de sujets, que des cas à traiter, des symptômes à éradiquer, des capacités à satisfaire, des compétences à remplir, des exclus à réadapter.

La dernière grande opération qu'il resterait à effectuer pour le capitalo-scientisme, pour en finir une bonne fois pour toute avec la subjectivité, ce serait l'ablation définitive pur et simple de la psyché (la psyché, vous savez, cette chose que l'on ne sait pas vraiment ce que c'est, que l'on arrive pas vraiment à localiser dans le cerveau, qui échappe à l'imagerie médicale. Cette espèce de chose qui n'est ni matière, ni énergie, ni économie, cette espèce de phénomène bizarre qui se met à exister dès que l'on pense, dès que l'on parle, ce phénomène incontrôlable, par personne, à commencer par soi-même. Cet étrange phénomène à la fois libre et foireux, extraordinaire et raté. Il serait tout de même beaucoup plus simple, rationnel, efficace, productif, de s'en débarrasser. D'autres ont essayé en d'autres temps, la lobotomie a eu ses heures de gloire, mais aujourd'hui, on fait beaucoup mieux et de façon beaucoup plus socialement correct.

Finalement l'angoisse alors, et les troubles qui lui sont liés, est que c'est existentielle, c'est à dire est-ce que ça a à voir avec ce phénomène bizarre, contrariant et envahissant que l'on appelle la psyché, ou est-ce que c'est neurologique, une histoire biochimique en quelque sorte ?

Et bien les deux compère, mais pour les affaires, le neurologique est beaucoup plus rentable. La psyché avec les pulsions, les défenses, les résistances, la libido, l'inconscient et tout ça, il vaut mieux qu'on le garde pour nous, gens initiés, gens de culture et de savoir, gens de pouvoirs, tireurs de ficelles. Cela nous est très utile pour la communication, la pub, le merchandising et la politique. Pour les masses par contre, les consommateurs/usagers/outils-de-production, le message doit être tout autre. Ils ne comprendraient pas de toutes façons. Pour cela, on a la quasi totalité des media en notre possession.

Voilà le message: Le monde ne peut être autrement que comme il est, et il n'y a pas d'autres systèmes possible que le système existant. Par contre, si l'on fait des erreurs et que l'on ne sait pas tout maintenant, on finira forcément par tout savoir. La science et la technique n'ont pas de limites. Ce sont les seules possibilités d'accéder à la vérité vraie, au savoir pur. En dehors de la science point de salut.

En raison de cela, si les gens sont malheureux, c'est parce qu'ils leur manquent quelque chose que nous aurons toujours la possibilité de leur donner. Et si ils sont malheureux, c'est parce qu'ils ne le savent pas encore. Pour commencer, il faut adopter les bonnes techniques, les bonnes attitudes. Ils n'ont pas, chaque matin, arrosé leur pot de résilience, ils n'ont pas pris le recul nécessaire, celui de la sagesse, de la méditation, du retour aux sources, ils n'ont pas su adopter une attitude positive sûrement par manque d'amour de leur parents, ce sont des victimes, mais si ils le veulent vraiment ils peuvent renverser la vapeur et passer de loser à winner. Et puis, une bonne alimentation saine, pourquoi pas un idéal véganien (c'est bon pour l'industrie agro-alimentaire) et une bonne aide médicamenteuse, devrait faire l'affaire.

Vous connaissez ce film de Marcel Carné sur des dialogue de Jacques Prévert , «Les visiteurs du soirs» »? La dernière scène du film représente le diable, joué par Jules Berry, face aux deux amants qu'il a transformé en statue. Il s'approche d'eux et l'on entend crescendo le battement de deux cœurs.

Le diable est furieux.

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