Retour a la pensée sauvage 2
Qu'est-ce que ça veut dire, sanctuariser l'école?
Il n'est plus possible d'entendre nos «dirigeants» glorifier hypocritement le Service Public tout en dévitalisant, par une seule pensée comptable, ce qui en est le cœur même, c'est-à-dire l'amour de la chose commune.
C'est un double discours manipulatoire par ceux qui se font gloire d'être les représentants des valeurs communes, et participent en réalité, à la déconstruction des liens sociaux, pour la plus grande gloire du profit individuel. Il nous faudra bien dénoncer et renverser un jour ou l'autre ce gouvernement, et plus largement les systèmes politiques ultra libéraux de nos pseudo-démocraties, qui entretiennent dans leur discours pervers, le double langage prônant la sacralisation du pacte social symbolique, au nom de la Laïcité, de la Démocratie, de la République, des Institutions, et qui, «en même temps», sert l’amoralité totale d'un système post-capitaliste globalisé, et sa marchandisation du vivant.
Le double discours rend fou, c'est-à-dire qu'il renvoie à l'impuissance des mots à changer les choses, donc à l'inutilité de la parole. Cela suscite le désinvestissement, la dépression, l'implosion autodestructrice, ou/et l'explosion, le passage à l'acte violent irraisonné.
La parole n'est plus incarnée dans ce double langage des politiques et des médias qui le relaient, elle n'a plus de valeur et perd toute fiabilité. Il n'y a plus de cohérence entre le dire et le faire, plus aucune garantie de représentativité pour ceux qui ont été nommés ou élus par le peuple. On joue sur tout les tableaux sans aucun scrupule, on peu dire tout et son contraire, le principal, c'est trouver les bonnes formules pour durer, pour jouir encore du pouvoir. Faire croire que tout va changer avec de nouvelles mesures alors que ces mesures sont là, au contraire, pour que rien ne change du système en place. Et si l'on parle encore des grands symboles unificateurs du peuple, Liberté, d’Égalité, Fraternité, si l'on fait encore avalanche de commémorations, de glorifications symboliques, c'est pour mieux tromper ce peuple en répondant hypocritement au désir profond d'attachement de celui-ci à un idéal commun.
Ils se servent des mots comme ils se servent des gens alors qu'ils devraient être au service des mots comme ils devraient être au service des gens.
Sanctuariser l'école est le dernier slogan à la mode dans le discours gouvernemental, l'école, l'assemblée nationale, la justice, la police, les grandes institutions comme organisateurs symboliques de la société. Les communicants sont passés par là, soufflant aux politiques les mots qui feront mouche, qui feront «vibrer le bon peuple» pour qu'il puisse continuer sa tâche sans esprit de révolte.
Mais qu'est-ce que ça veut dire sanctuariser l'école (Sanctuariser:: Consacrer un lieu en le rendant sacré)? Qu'est-ce que c'est qu'une sacralité laïque, une sacralité démocratique? Comment est-elle née, comment la retrouver, comment la faire vivre? Est-ce que les portiques à l'entrée, les systèmes de reconnaissance faciale, les flics, les vigiles, l'exclusion des élèves au discours suspect, déviant, ou les cours obligatoires d'empathie avec évaluation de la spontanéité des élèves, seront à même de réanimer cette sanctuarisation?
Retrouver la valeur socialisante d'un espace commun sanctuarisé, c'est-à-dire sacralisé, c'est-à-dire n'appartenant à personne mais à toute une communauté, permettant juste l'idée supérieur que l'on se fait du projet humain et les moyens de le mettre en œuvre, ça, ça ne passe pas par des mesures et de la communication, ça passe par l'incarnation d'une parole vivante, la seule chose qui manque dans le discours politico-médiatique actuel.
Soigner, instruire, éduquer, protéger, contenir, gouverner, sont des taches impossibles. C'est pas moi qui le dit, c'est Freud qui dit à peu prêt ça, en ajoutant analyser bien sûr. Il l’écrit une première fois sous forme d'un «bon mot» dit-il, dans la préface qu'il fait pour le livre de August Aichhorn «Jeunesse à l'abandon» paru en 1925. Aichhorn est éducateur. Il peut être considéré comme un des fondateurs de l'éducation humaniste. La thèse défendue par Aichhorn est très simple: L'enfant délinquant n'est pas la conséquence d'une dégénérescence ou d'une tare héréditaire comme on le pensait au XIX siècle. Tout petit enfant, quel qu'il soit, n'ayant pas encore la parole, est en premier lieu asocial, car il est gouverné par la satisfaction immédiate de ses «désirs primitifs». Son devenir comme sujet socialisé, dépend avant tout de la qualité de l'environnement qu'il aura rencontré comme conteneur de cette énergie primitive (Pour ne pas dire Libido).
De l'eau a coulé sous les ponts depuis cette simple pensée humaniste (Une pensée en acte puisque Aichhorne a participé et fondé de nombreuses institutions éducatives).
Quel est cet environnement qui devrait être «suffisamment bon» pour que l'enfant puisse transformer et développer la puissance de ces pulsions en énergie partageable par la pensée, la réflexion et l'action?
Cette question dépasse de loin l'école uniquement, elle concerne tout les acteurs adultes de la société, à commencer par la mère et le couple parental, la famille, l'entourage immédiat, et toutes la société et toutes les formes d'institutions dans la mesure où elles instituent l'individu comme sujet de la communauté humaine.
Pourquoi taches impossibles pour les professeurs, les éducateurs, les infirmiers, les policiers, les juges, les politiques (Ceux digne de ce nom), ces métiers dont la fonction première est justement de représenter le savoir, la loi, les limites, les droits, les espérances, dans toutes leurs capacités socialisantes? Parce que ces tâches mettent à une place de pouvoir dans un rapport dissymétrique à l'autre, dans ce que l'on pourrait appeler une position haute par rapport à un autre qui lui, serait dans une position basse. Choisir une de ces tâches, choisir cette place là, est extrêmement périlleux, car cette place est une place symbolique, et le pouvoir qui y est exercé est uniquement un pouvoir représentatif symbolique, c'est-à-dire exercé par une parole-actes vraie. Mais il n'est pas de fonction symbolique pure, sans qu'il y soit mêlé le pouvoir de l'individu dans son narcissique imaginaire, et dans son pouvoir Réel de contrainte et de force physique. Seule le désir commun vers l'accomplissement de ces tâches humanisantes, peut être le juste fils conducteur entre ces deux écueils.
Tendre à réinstituer des lieux sanctuarisés correspondrait alors à recréer un environnement « suffisamment bons » où les mots, de nouveau, voudront dire quelque chose. Il faudrait alors peut-être commencer par l'Elysée
Pierre-Yves GACHET
20/10/23