Daniela Magalhães da Nóbrega, une des soeurs du milicien, dans l'écoute téléphonique* autorisée par la justice, raconte à une tante, le 11 février 2020, soit deux jours après la mort violente de son frère - dont les conditions exactes de la mort par balles, lors d'une traque et d'une chasse à l'homme nébuleuse de la police militaire à Esplanada, dans l'Etat de Bahia, n'ont jamais été clairement établies - qu'elle a eu connaissance d'une réunion, au Palácio do Planalto à Brasilia, impliquant le nom de son frère et de son désir qu'il devienne une " archive morte ".
La conversation en question dure exactement 6 minutes et 51 secondes.
" Il [mon frère, Adriano] était déjà au courant de l'ordre qui a été donné pour qu'il soit une archive morte. Il était déjà une archive morte. Ils avaient déjà offert des postes comissionnés au Planalto pour sa vie, déjà. Ils ont tenu une réunion avec le nom d'Adriano au Planalto. Tu as compris, ma tante ? Il le savait déjà. C'était un vrai complot ".
Daniela Magalhães da Nóbrega, encore : " Il [Adriano] m'a dit qu'il ne se livrerait pas car ils allaient le tuer là, dans la propriété [à Bahia]. Ils allaient le tuer là, dans la propriété même. Il pensait à se rendre. Quand ils l'ont pris, ma tante, il a décidé de ne plus vivre ("desistiu da vida").
Quelques minutes plus tard, la même tante, dont le nom n'a pas été identifié, s'adresse à une autre soeur de Adriano, Tatiana: " Elle en sait des choses, Daniela, hein ? "
La ligne écoutée était, ce jour-là, celle du téléphone de Tatiana Magalhães da Nóbrega, autre soeur du milicien Adriano.
Contactés, le Palácio do Planalto et la défense de Daniela Magalhães da Nóbrega n'ont pas répondu. La police civile de Rio de Janeiro n'a pas commenté jusqu'au petit matin du jeudi 7 avril 2022.
Marcus Vinícius de Almeida Braga a été le chef de la police civile de Rio de Janeiro du 3 janvier 2019 jusqu'au 30 mai 2020. Lui a succédé le commissaire Flávio Marcos Amaral de Brito, qui n'est resté à ce poste que trois mois. Le 14 septembre 2020, a été nommé par le gouverneur, le commissaire Allan Turnowski, toujours à ce poste en avril 2022.
Une autre mention à Jair Bolsonaro était présente dans le rapport, écrit, de la police civile de Rio de Janeiro. Elle venait de Luiz Carlos Felipe Martins, surnommé " Oreille " - sergent de la police militaire (PMERJ) accusé d'être l'un des bras droits de Adriano da Nobrega - qui parlait à un homme non identifié :
" Il [Adriano] me disait : " Oreille, j'ai jamais vu cela. Nous nous faisons baiser pour être ami du président de la République. Merde, tout le monde voulait une telle merde. Je suis ami du président de la République et je me fais baiser ". Et Luiz Carlos Felipe Martins de prolonger : " Il [Adriano] est mort à cause de cela ".
"Oreille" a été tué dans une embuscade, devant chez lui, le 20 mars 2021, deux jours avant que les mandats d'arrêt et les mandats de perquisition de l'opération Gargouille ne soient signifiés. Ce meurtre n'a toujours pas été élucidé. Martins a été tué dans la rue Carumbé, dans le quartier populeux de Realengo, à l'ouest de la ville de Rio de Janeiro. Des tueurs, en voiture, ont fusillé le proche du feu milicien Adriano da Nobrega, lui même proche du fils aîné Bolsonaro, Flavio Bolsonaro, qui lui avait rendu hommage à l'assemblée législative de Rio de Janeiro (Alerj) en octobre 2003, par écrit, puis dans l'enceinte législative, en novembre de la même année. Un autre policier militaire et une femme ont été aussi atteints par balles, mais ont survécu. Luiz Carlos Felipe Martin, 50 ans, était dans la PMERJ depuis vingt-deux années.
Un jour auparavant, le 19 mars 2021, The Intercept Brasil (TIB) avait révélé des informations tirées du rapport de la police civile de Rio de Janeiro qui décrivait le différend concernant les biens et le patrimoine laissés par Adriano après sa mort. Le 10 février 2021, TIB, dans une enquête de Sérgio Ramalho, avait également révélé les résumés des dialogues dans lesquels "Oreille" et Tatiana Magalhães da Nóbrega évoquaient Jair Bolsonaro.
Notre opinion:
Cette écoute ne prouve, à elle seule, rien. Elle est un point de départ et non pas un point d'arrivée. Ce contenu audio, qui n'avait pas été inclus - pourquoi ? - dans le rapport d'enquête officiel de la police de Rio de Janeiro sur la mort d'Adriano da Nóbrega, voudrait associer la mort de Adriano comme l'élimination physique d'une archive vivante et détentrice de secrets inavouables au seuil de la porte du bureau de Jair Bolsonaro, à Brasilia, depuis son palais.
De toute manière, Bolsonaro a toujours défendu les miliciens, d'une forme générale, depuis son poste de député fédéral. Son fils aîné, Flávio Bolsonaro, a décoré plusieurs miliciens, dont Adriano da Nobrega, quand il était député de l'Etat de Rio de Janeiro. Adriano, celui qui a commandé le "Bureau du crime", la plus grande milice de Rio de Janeiro, est également pointé comme l'un des possibles commanditaires de la mort de la conseillère municipale Marielle Franco et de son chauffeur, en mars 2018. Flavio Bolsonaro est aussi cité dans l'affaire tentaculaire, et toujours en cours, des "rachadinhas", ces soustractions en espèces des salaires de son cabinet de député de l'État. Dans ce même cabinet, Flávio a employé plusieurs années la mère et l'une des sœurs d'Adriano da Nóbrega.
Au moment de la mort d'Adriano, en février 2020, Jair Bolsonaro a déclaré que Adriano da Nobrega était un " héros de la police militaire " et que c'était lui-même qui avait demandé, plusieurs années auparavant, à son fils aîné Flávio de l'honorer en lui remettant la médaille Tiradentes. À l'époque où il exerçait des mandats de député d'État à Alerj, peu après l'hommage à la médaille de Tiradentes.
Etc.
Fabricio Queiroz, l'un des bras droits du milicien Adriano travaillait aussi dans le cabinet de Flavio Bolsonaro, comme assistant "à tout-faire" tandis que l'ex-femme de Jair Bolsonaro, Ana Cristina Valle a travaillé également dans le cabinet de Flavio durant de nombreuses années où elle gérait l'argent soustrait aux assistants parelementaires réels et fantômes du cabinet. De fortes suspicions dirigent ces flux d'argent vers la milice, aux nombreux tueurs à gage, qui était commandée par Adriano da Nóbrega, le "Bureau du crime" qui agissait dans des favelas situées à l'ouest de la ville de Rio de Janeiro.
En juillet 2020, Flávio Bolsonaro a admis, dans une dépositon au parquet de Rio de Janeiro (MP-RJ) qu'Adriano da Nóbrega était son instructeur de tir et qu'il l'avait rencontré par l'intermédiaire de son ancien bras droit Fabrício Queiroz. Selon le fils aîné Bolsonaro, Adriano da Nobrega et Fabrício Queiroz étaient à l'époque membres du bataillon des opérations spéciales de la police militaire (PMERJ), le redouté et mortifère Bope.
La divulgation, ce 6 avril 2022, d'une écoute judiciaire pourrait donc signaler l'impatience ou le chantage de certains éléments de la direction de la police civile de Rio de Janeiro, qui, selon plusieurs sources, connaissent, depuis février 2020, précisément, la totalité des identités des commanditaires de la mort de Adriano da Nóbrega. A l'approche du premier tour de l'élection présidentielle, début octobre 2022, cette impatience de la police civile pourrait même décupler.
(*) Cette écoute fait partie de celles réalisées par la police civile de Rio de Janeiro dans le cadre de l'"Opération Gargouille" (Operação Gárgula) qui est centrée sur le réseau de blanchiment de d'argent et le réseau milicien d'entraide monté autour de Adriano da Nóbrega et qui lui a permis d'être en fuite de longs mois avant d'être tué par la police.
-------------
Tous les billets de blog, ici écrits, sur Adriano da Nobrega :
Adriano Magalhães da Nóbrega