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Billet de blog 11 janvier 2022

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Brésil: au Pará, une famille de défenseurs de l'environnement retrouvée exécutée

Tués pour vouloir élever des tortues. Depuis 2011 c'est à nouveau la droite qui dirige le Pará, immense État du nord où la concentration des titres fonciers est la plus forte au monde, où les mécanismes d’appropriation privée illégale, frauduleuse des terres publiques sont des plus sophistiqués. Gouverneur depuis 2019, Helder B. est le fils de l'ex-gouverneur Jader Barbalho (1983-1987, 1991-1994).

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Illustration 1
Zé do Lago, Márcia, Joene. © DR

C'est le fils qui a fait la triple découverte macabre, le dimanche 9 janvier au matin. Il pleuvait. Le corps de sa belle-mère, Márcia Nunes Lisboa, 39 ans, criblé de balles, était mi-flottant sur la rive du fleuve Xingu. Les corps de son père, José Gomes, surnommé Zé do Lago, 61 ans, et de sa demi-soeur, mineure, Joene Nunes Lisboa, 17 ans, étaient, eux, non loin de leur maison, en des emplacements différents, au sol, face contre terre (VIDEO, ICI, attention images fortes et violentes), également perforés par des projectiles, sur un chemin boueux, près de la rive du fleuve. Dix-huit cartouches, dont plusieurs de calibre 380, jonchaient le sol et témoignaient d'une probable exécution par des tueurs à gage, des pistoleiros. Les trois corps étaient en état avancé de décomposition, mais la date exacte de leur assassinat, probablement deux ou trois jours auparavant, n'a pas encore été établie par les forces de police.
La famille, unie, demeurait là, au sud-est de l'Etat du Pará, depuis une vingtaine d'années. Sur la rive gauche du fleuve Xingu, aux abords d'un lieu connu comme Cachoeira da Mucura, une espèce d'îlot, à quelques quatre-vingt dix kilomètres de la ville de São Felix do Xingu (136.000 habitants), une ville de la taille du pays Portugal, située à mille cinquante kilomètres de la capitale du Pará, Bélem.
 
La maison de la famille de Zé do Lago est proche de la ferme "fazenda Bom Jardim", dont le propriétaire est le maire de São Félix do Xingu, João Cleber de Souza Torres (MDB), né le 21 mai 1961, natif de l'Etat du Rio Grande do Norte, célibataire, élu au premier tour en 2020 et dont le mandat se terminera fin 2014, après avoir déjà dirigé la ville de 2013 à 2016. Ce jour là, celui qui n'a pas même été instruit dans le secondaire a déclaré un patrimoine de plus de quinze millions de reais (2,2 millions d'euros), dont 4 fermes ("fazendas") - dont la "fazenda Bom Jardim" - et 11.855 têtes de bétail. Sa ferme a déjà été la cible de dénonciations d'associations - telles que Greenpeace -  pour appropriation illégale et frauduleuse de terres ("grilagem") et également pour déforestation.
 
Dans son précédent mandat politique à la tête de la ville, João Cleber a été condamné pour détournement de fonds publics avec, entre autres élus politiques et responsables administratifs, l'ex-maire adjoint aux finances. En avril 2018, Cleber a été écroué 31 jours, lors de l'opération Tetrarca, menée par la police civile du Pará. Selon les enquêteurs, ils se partageaient les fonds déviés d'un impôt foncier, qui devait être payé aux mairies quand il y a changement de propriétaire d'un bien foncier.
 
En 2018, quand João Cleber a été candidat à suppléant de député, il a déclaré 6,955 millions de reais (1 million euros).
 
En 2016, João Cleber a été incarcéré temporairement, par la police fédérale lors de l'opération Reis do Gado, pour participation à un détournement de fonds publics de plus de 200 millions de reais, qui impliquait aussi la famille de l'ex-gouverneur de l'Etat du Tocantins Marcelo de Carvalho Miranda. 
  
En 2014, João Cleber de Souza Torres figurait sur la liste noire du travail esclave, pour les exécrables conditions de travail de ses employés, dans sa fazenda Bom Jardim.
 
La même année, Cleber a dû payer une amende, ordonnée par l'Instituto Brasileiro do Meio Ambiente e dos Recursos Naturais Renováveis (Ibama), de 6,635 millions de reais (2 millions d'euros).
 
En 2003, un rapport du parquet fédéral (MPF) décrivait João Cleber de Souza Torres comme principal commanditaire de la mort, criblés de balles, de sept travailleurs ruraux et d'un commerçant, à São Félix do Xingu. Selon les procureurs, avec son frère Francisco Torres de Paula Filho, également propriétaire terrien, de bétail et fermier, ils facilitaient l'invasion et l'accaparement de terres publiques dans la région, déforestaient puis y installaient du bétail. Gare aux dénonciateurs.
 
 
Le Pará est un État dont la superficie est deux fois et demie supérieure à celle de la France.
 
La ville de São Felix do Xingu intègre la plus forte quantité de bétail de tout le Brésil : 2,4 millions de têtes.
 

Illustration 2
La famille de Zé do Lago, au complet, il y a plusieurs années. © DR

José et sa famille étaient d'engagés défenseurs de l'environnement et protecteurs de la biodiversité, et projetaient d'installer, près de leur domicile, un élevage de plusieurs espèces de tortues ("quelônio").
En ce mois de janvier, en raison des fortes pluies qui se produisent dans la région, les accès en voiture, par la route, ne sont plus possibles. Les enquêteurs vont donc chercher à savoir avec quelle barque ou bateau à moteur les tueurs sont parvenus jusqu'au domicile de la famille.
C'est le commissaire en chef de la police civile de São Felix do Xingu, José Carlos Rodrigues dos Santos, superintendente régional de cette police dans la région du Alto Xingu, qui mène l'enquête et s'est rendu sur place, le mardi 11 janvier, en barque, avec son équipe. A son arrivée, le policier a seulement déclaré : " La police civile est en train de faire tous efforts possibles pour élucider ce crime qui a choqué la population de São Félix do Xingu. Une des difficultés est qu'il n'y pas de voisins proches qui auraient pu voir quelque chose. "
 
Segundo la Comissão Pastoral da Terral (CPT), la zone du domicile de la famille est inclue dans la zone de protection environnementale (APA) nommée Triunfo do Xingu, d'une surface de 1,67 million d'hectares, créée en 2006 par et sous la responsabilité et la gestion du gouvernement de l'Etat du Pará. Selon l'institut de l'homme et de l'environnement de l'Amazonie (Imazon), elle est aussi une des unités géographiques régionales où il y a le plus de déforestation.
  
 
Une video, ci-dessous, montre la famille et le père, Zé do Lago, s'exprime face caméra, le 10 décembre 2021, après avoir lâché dans le fleuve des dizaines de petites tortues 
 

Zé do Lago, face caméra, le 10/12/2021. © DOL CARAJÁS

 
A lire (PDF 28 pages) : " Les mécanismes d’appropriation des terres publiques autour de Santarem, Etat du Pará "
 
et
https://www.agter.org/bdf/fr/corpus_chemin/fiche-chemin-327.html
 
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En 2022, les chiffres relevés par la Comissão Pastoral da Terral (CPT) lors des quarante dernières années montrent qu'ont été assassinés 62 travailleurs engagés dans la défense de leurs terres, sur cette seule commune de São Félix do Xingu. A ce jour, aucun jugement n'a eu lieu et aucun suspect n'a été inculpé.
 
En 2018, dans cet Etat du Pará - dont la capitale est Bélem - huit militants "impliqués dans des conflits terriens avec des représentants de l'industrie du soja" ont été tués, selon l"ONG Global Witness.
 
En 2019, ont été assassinés au Brésil 24 défenseurs de la biodiversité. Selon Repórter Brasil, avec les sans-terre et indigènes victimes de conflits fonciers, le total passe à 31 personnes tuées. 
Exemple (infographie) : Rosane Santiago Silveira, 38 ans, tuée le 29/1/19.
 
En 2020, vingt défenseurs de la nature et de l'environnement ont été tués au Brésil, selon le décompte de la même ONG Global Witness, publié le 13/9/2021 et intitulé "A última linha de defesa" (PDF 36 pages). Global Witness réalise ce bilan annuel depuis 2012. "
 
Le 10 décembre 2021, l'enquête annuelle publiée - séparée en deux sections "morts en conséquence de conflits en zone rurale" et "morts pour conflit en zone rurale" - du Centro de Documentação da Comissão Pastoral da Terra (CPT) a montré que le nombre de victimes fatales, en 2021, avec pour cadre ces terres au Brésil, avait augmenté de 1.044 % par rapport à 2020. 103 personnes mortes, dont 101 indigènes Yanomamis. De ces 103 victimes, 26 ont été assassinées.
 
 
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Sources : enquête téléphonique personnelle, consultation de plusieurs publications et du site Deolhonosruralistas.com.br

 
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 Site " COVA MEDIDA " interactif et actualisé en permanence
par les journalistes de Repórter Brasil, incontournable :
il propose une "stèle" détaillée, de chaque victime, dans chaque Etat du Brésil.

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