BRÉSIL Écroué, l'ex-chef de la police civile de l'État de Rio de Janeiro

C'est bien plus qu'un tremblement de terre carioca qui vient de se produire. Les plus hautes autorités de police civile liées au gouverneur, bolsonarista, viennent d'être en partie décapitées. Beaucoup de secrets qui entourent les activités d'une partie des Bolsonaro, et du premier d'entre eux, sont connus d'eux seuls ou presque. L'arrestation de l'ex-super flic Allan Turnowski, lors de l'opération intitulée Aigle dans la tête ("Águia na Cabeça"), ce 9 septembre 2022, est en effet le résultat d'enquêtes en cours depuis 2021, lorsqu'un commissaire de la police civile

a été arrêté le 30 du mois de juin. Selon le ministère public de l'État de Rio de Janeiro, ce commissaire, Maurício Demétrio Afonso Alves a négocié et perçu des pots-de-vin auprès de commerçants de la rue Teresa dans la ville de Petrópolis (RJ). Ce jour-là, le procureur du MPRJ Diogo Erthal avait déclaré à propos de l'organisation commandée par le commissaire que " la police civile (PC) a été utilisée comme instrument d'une organisation criminelle. C'est seulement la pointe de l'iceberg ".

En ce mois de septembre 2022, selon le Groupe spécial de lutte contre le crime organisé (Gaeco) du ministère public de Rio de Janeiro, Maurício Demetrio Afonso Alves et Turnowski sont suspects d'avoir agi pour le compte de mafieux locaux des jeux de hasard ("bicheiros") : Fernando Iggnácio (mort en 2020) et Rogério de Andrade, écroué depuis août 2022. Demetrio, dit l'organisme public Gaeco, était un interlocuteur entre les patrons criminels et les policiers tout en négociant avec des hommes politiques la nomination d'alliés à des postes stratégiques dans la police civile.

La plainte du MP-RJ qui s'est soldée par l'arrestation de l'ancien chef de la police civile Allan Turnowski met en évidence une relation très étroite entre ce dernier et le commissaire Maurício Demétrio. Selon le parquet, depuis 2016, ils intègrent une étroite organisation criminelle axée sur l'exploitation des jeux d'argent. Dans des messages extraits de téléphones portables saisis chez Demétrio, allié du mafieux des jeux de hasard ("bicheiro") Fernando Iggnácio de Miranda - gendre du plus grand mafieux carioca et milliardaire des jeux de hasard, feu Castor de Andrade - également grand délinquant et trafiquant, assassiné le 10 novembre 2020 -, le commissaire Demétrio cite au moins trois plans pour tuer le bicheiro rival et neuveu de Castor de Andrade, Rogério de Andrade (écroué depuis août 2022, comme supposé commanditaire de l'assassinat de Fernando Iggnácio de Miranda).
 

Dans le document du ministère public du 9 septembre 2022, l'organisme public affirme, noir sur blanc, que le commissaire de police Maurício Demétrio et son interlocuteur - Marcelo José Araújo de Oliveira (autre informateur, dénoncé par le MP) - ont établi, en 2016, via des messages audio Whatsapp retrouvés par les enquêteurs, le montant exact à être payé à l'ex-policier civil Jorge Luiz Fernandes, dit "Jorginho", pour organiser l'assassinat du "bicheiro" rival Rogério de Andrade.
Ce seraient trois millions de reais (600.000 US*) à diviser en trois parts : pour le commissaire Maurício Demétrio, pour l'informateur Marcelo José Araújo de Oliveira et pour le commissaire Allan Turnowski.

Mauricio Demétrio a demandé au commissaire Antônio Ricardo Lima Nunes, à l'époque chef du commissariat de la police civile dans l'immense favela Rocinha, de "planter" quelque chose sur le trafiquant Celso Luís Rodrigues, dit "Celsinho". Fernando Iggnácio était mécontent car ce trafiquant rival, Celsinho, avait coupé ses machines à sous dans la zone qu'il dominait. Le trafiquant Iggnácio avait alors demandé "l'aide" (!) du commissaire de police Maurício Demétrio.
Ce dernier a alors proposé 150.000 R$ pour que l'autre commissaire Antônio Ricardo Lima Nunes invente un motif pour transférer de prison fédérale où il était depuis 2014, le trafiquant Celso Luís Rodrigues, dit "Celsinho", chef de la milice ADA, dans la favela Rocinha. Le 9 mai 2017, le trafiquant Celso Luís Rodrigues est arrivé à la prison Laércio da Costa Pelegrino, dite "Bangu 1" à l'ouest de Rio de Janeiro ...

Toujours dans le document de septembre 2022 du parquet de Rio de Janeiro, est relaté un événement important pour ces autoritaires judiciaires : en mai 2020, les commissaires de police Turnowski et Maurício Démetrio Afonso Alves, quand la police fédérale (PF) a annoncé la nomination de leur nouveau chef, à Rio de Janeiro, le commissaire de police fédérale Tássio Muzzi, Allan Turnowski, dans un message Whatsapp, a déclaré que " deux commissaires doivent venir joints " les nommés Fábio Galvão et Jaime Cândido. Ces deux derniers étaient des ennemis jurés de Turnowski, dans la police.

" On est foutu " a répondu Démetrio à Turnowski. " Pluie de merdes ”, a répondu alos Turnowski. Dans la foulée, Turnowski a envoyé un audio Whatsapp à son collègue Démetrio : " Mon gars, s'il m'arrête, il va t'arrêter aussi. Je dois me protéger via ta personne. Oublie-moi ! Tu es dingue ou quoi ? Nous sommes comme un seul numéro d'identification ! Frères par embryon !" ("Guru, se ele me pegar ele vai te pegar, Guru. Tem que me proteger por você! Me esquece! Porra, tá maluco? Nós somos um CNPJ, um CPF só! Irmãos de embrião!").

Allan Turnowski, qui est dans la police civile depuis vingt-sept années, est arrivé au commandement de la police civile en avril 2009, dans l'administration du gouverneur (2007/2014) Sérgio Cabral Filho (incarcéré pour corruption depuis le 17/11/2016). Turnowski a occupé ce poste jusqu'en février 2011.

De janvier 2019 à août 2020, le commissaire Allan Turnowski a de nouveau occupé de hauts postes dans la police civile : directeur général de la police de la capitale Rio de Janeiro, nommé par le bolsonarista et gouveneur Wilson Witzel (1/1/19-30/4/21). Puis en septembre 2020, il prend pour la deuxième fois le commandement de la corporation dans l'État de Rio de Janeiro et est nommé au poste de secrétaire d'État à la police civile.

L'arrestation de M. Turnowski, le 9 septembre 2022 à son domicile dans le quartier huppé de Barra da Tijuca, à 8 heures, est donc intervenue bien après le déclenchement de l'"opération Guillotine", en février 2011, au cours de laquelle des officiers de la police militaire ou civile ont été arrêtés et accusés d'avoir aidé des trafiquants de drogue, des miliciens en leur fournissant des informations sur les opérations de police, en négociant du matériel de saisie et même en accordant leur protection à des criminels.

L'un des autres puissants directeurs de police, à Rio de Janeiro, le commissaire

, ex-directeur du commissariat des homicides (DGHPP) de janvier 2019 à mars 2022, a aussi été arrêté le 9 septembre 2022, lors de l'opération "Aigle dans la tête".

Comme Allan Turnowski, Antonio Ricardo Lima Nunes avait démissionné de son poste en mars 2022 pour être candidat à député. Ricardo l'était au niveau de l'État de Rio de Janeiro, tandis que Turnowski l'était au niveau fédéral. Dans ces deux cas, ces candidatures des deux directeurs de haut rang dans la structure policière de Rio de Janeiro, n'étaient-elles pas effectives pour que l'immunité parlementaire protège ces deux policiers de haut rang d'actions en justice ? 

Turnowski et Nunes ont donc été arrêtés le 9 septembre pour organisation criminelle et participation à des jeux d'argent. L'action a été menée par le Groupe spécial d'action pour la répression de la criminalité organisée (Gaeco), qui dépend du ministère public, et les mandats ont été émis par le juge Bruno Rulière, du 1er Tribunal pénal spécialisé.
Turnowski et Nunes ont toujours nié toute implication dans des irrégularités.

  
Turnowski est incarcéré dans la prison José Frederico Marques, dans le quartier de Benfica, au nord de Rio de Janeiro.

La police civile de Rio de Janeiro a réagi avec un communiqué en disant que le "Secrétariat d'État de la police civile (Sepol) informe que c'est sous la gestion actuelle du gouvernement de l'État de Rio de Janeiro que les trois chefs des principales bandes criminelles, Rogério Andrade, Bernardo Bello et José Caruzzo Escafura, Piruinha, ont fait l'objet d'enquêtes et de demandes d'arrestation adressées à la justice".