Les expulsions d’étrangers sont-elles morales ? Bon nombre d’entre nous ne peuvent se soustraire à la question car beaucoup connaissent désormais un proche, un ami, une relation ou un collègue de travail susceptibles d’être un jour expulsés.
Les uns justifient les expulsions et les autres les condamnent. Tous deux le font au nom de concepts intellectuels parfois douteux.
Tentons de pratiquer une analyse lucide.
On peut bâtir l’impératif d’éviter le mal en partant du postulat suivant : L’intelligence d’un homme s’élabore uniquement dans l’intersubjectivité. L’Autre est dès lors la condition sine qua non de l’émergence de mon intelligence. Sans l’Autre, je ne profiterais pas de mon inné pour édifier un comportement humain*. Tout homme est donc de valeur équivalente et de dignité égale. Dès lors le bien est tout ce qui respecte la valeur de l’Autre et, réciproquement, le mal est tout ce qui la nie.
Lorsque la France expulse la famille Kurtishi (le père, la mère et trois enfants), elle nous suggère de respecter exclusivement ceux qui lui ressemblent c’est-à-dire les Français. En d’autres termes, elle ne respecte rien qu’elle-même, refuse les différences créatrices et ruine tout espoir d’ascension car l’ordre pour l’ordre prive l’homme de son pouvoir essentiel qui est de transformer et le monde et soi-même.
N’importe quel gouvernement démocratique ou tyrannique pourrait satisfaire nos besoins matériels. Mais l’homme n’est pas du bétail à l’engrais. La prospérité et le confort ne sauraient suffire à le combler tant pèse lourd une simple rencontre avec ses semblables… tous ses semblables.
Dès lors, on peut affirmer avec force que l’absence de solidarité en matière de décisions politiques n’a pas de légitimité morale.
Alors oui, les expulsions d’étrangers honnêtes et respectueux de la France ne sont pas morales.
* « si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente » écrivait Saint-Exupéry – Lettre à un Otage – Gallimard – Page 68.