« La politique de la France ne se fait pas à la corbeille » déclarait le général de Gaulle le 28 octobre 1966. Faute de l’avoir écouté, la politique se retrouve à la poubelle.
L’espace ouvert par la politique est caractérisé par la parole partagée : on y transforme les rêves (c’est-à-dire ce qui n’existe pas) en réalité (c’est-à-dire ce qui existe). C’est l’expression majeure de la liberté humaine car elle ne peut jamais prendre la forme de la nécessité sans trahir son essence : dès qu’un homme politique prétend qu’une action politique est soumise à la nécessité, à la contrainte, à l’obligation, la politique s’évanouit. Et c’est parce qu’elle est étrangère au règne de la nécessité que la politique implique la pluralité, c’est-à-dire plusieurs réponses possibles à un problème posé. Rien n’est plus étranger à l’action politique qu’une forme d’administration technocratique des hommes calquée sur la gestion des choses.
Cette conception arendtienne de la politique s’est retirée depuis la grande confusion des sphères politiques/sphères privées. L’homme politique ne se présente plus comme citoyen soucieux du bien commun mais au nom d’intérêts économiques, donc privés, qui, toujours, répondent a des nécessités impérieuses.
La conversion générale de toute activité humaine à l’économie a ainsi rendu l’homme étranger aux autres possibilités qu’il pourrait avoir d’habiter le monde. Plus grave encore : transformé en vaste fourmilière économique, notre monde voit déjà pointer de nouvelles formes de tyrannie imposées par les diktats du Marché.