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Billet de blog 7 février 2022

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Proposition institutionnelle absolument démocratique, c'est-à-dire communiste

Pour renverser le capitalisme, il faut dire par quoi on le remplace. Brandir la catastrophe écologique ou le scandale des inégalités est insuffisant : la crainte ôtée, la détermination fléchirait. Seul un principe peut affirmer sa puissance par sa seule existence : la démocratie.

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Avertissement

Ce billet entreprend de présenter mon livre : proposition institutionnelle communiste , c'est-à-dire absolument démocratique, publié en juillet 2021 chez l'Harmattan.

Restituer intégralement son contenu ici était une gageure, aussi j'ai fait le choix de reproduire la quatrième de couverture et le court chapitre de présentation pour donner l'angle du texte ainsi qu'un aperçu de son contenu. Ça n'est pas un geste commercial pour forcer l'achat : je trouve le livre déjà trop résumé pour l'être à nouveau sans lui porter tort. Je m'y étais astreint à la concision en pensant ainsi faciliter le franchissement de la barrière éditoriale.

J'ai commencé à l'écrire vers 2015, il ne s'agit donc pas d'une réaction à l'élection d'Emmanuel Macron (quel que soit le mal que j'en pense), ni au mouvement des gilets jaunes (quel que soit le bien que j'en pense), ni à la pandémie de Covid (quoi que je pense de ses causes). J'ai résisté autant que j'ai pu à la conjoncture, qu'elle semble valider ou non mes intuitions de départ. Je dois cependant reconnaître que le mot de communisme ne m'est pas venu immédiatement et c'est grâce à des lectures dont certaines revendiquent de tirer parti de ce contexte que je l'ai endossé. Elles me sont chères par dessus tout et je leur dois un peu du courage qu'il fallait, beaucoup des mots qui me manquaient, et aussi de m'avoir signalé certaines difficultés.

Mon geste soulève une double difficulté : d'une part, le mot de communisme est frappé du stigmate de l'histoire ; de l'autre ma proposition est hérétique à une certaine promesse communiste reçue du marxisme. Je me place donc dans un cas particulièrement grave : je me scarifie d'un signe honni pour aussitôt en contester la signification aux irréductibles qui le revendiquaient encore.

Comme d'autres, j'estime que le communisme n'a pas eu lieu, et que les socialismes réels, quoiqu'instaurés par des partis appelés communistes, n'ont jamais atteint le stade du communisme. Leurs dirigeants eux-mêmes le reconnaissaient en général. Les historiens utilisent pourtant le terme pour distinguer les socialismes qui furent les plus despotiques et les plus meurtriers, mais je pense ici qu'une différence de degré dans le socialisme ne constitue pas une différence de nature. Communisme a été le nom du dégoût d'un échec politique à grand échelle, bien réel, et peut-être aussi du refus d'en comprendre les raisons jusqu'au bout. Car ce communisme putatif a effectivement fait des dizaines de millions de victimes, et ça n'est pas parce que des pitres déambulent dans l'espace public en multipliant par au moins trois le nombre de morts que les socialismes réels ont causés que je vais tomber dans un négationnisme symétrique du leur. Ou alors il faudra me débrancher.

On m'objectera qu'il y a loin de la coupe aux lèvres et que les révolutionnaires étaient pleins de bonnes intentions. Je ne juge pas cette objection infondée et entends même y répondre pleinement : je ne postule pas des principes généraux, mais montre comment ça marche. Le refus de l'abstraction et le réalisme anthropologique me conduisent à proposer une forme de vie collective où il n'y a plus de capital, mais qui s'écarte radicalement de l'idée qu'on se forme usuellement du communisme. C'est seulement ainsi que je crois possible de ne pas reproduire pas les catastrophes passées.

Dans ce communisme, il y a de la monnaie, du marché et de la mise au travail contrainte. Il y a de l’État, avec une séparation et un équilibre des pouvoirs, de grandes libertés publiques, un grand pluralisme de la presse, un multipartisme riche, une séparation entre la sphère publique et la sphère privée, une propriété privée de jouissance, toutes choses qui sont bonnes, déjà-là et qu'il convient d'approfondir. Ce communisme est libertaire et même libéral, adjectifs dont j'entends contester l'hégémonie aux tenants de l'idéologie dite néolibérale. Si le capitalisme néolibéral a jamais été libéral, on aperçoit désormais sa propension à contredire sa désignation nominale.

Montrer doit donc être compris de manière quasi démonstrative : il ne s'agit pas seulement d'afficher de nobles intentions, mais d'exhiber une organisation sociale positive, dont l'exigence des présupposés anthropologiques qui ont guidé son élaboration convainquent le lecteur de sa viabilité politique. Cette proposition devait donc être concrète et explicite autant qu'il est possible, et ne pas se retrancher derrière des principes ni remettre la résolution des difficultés à plus tard.

Je vais sans doute devoir consentir à ce qu'on ne me laisse revendiquer qu'un communisme plutôt que le communisme, mais je refuse de ne pas endosser le mot, tout comme je refuse de suivre intégralement d'autres dans la manière qu'ils ont de le reprendre à leur compte.

Ceux qui prétendent vouloir refaire le cadre sans dire communisme ne me semblent pas parfaitement conséquents : à quoi cela rimerait de refaire une souveraineté monétaire, industrielle, de déconcentrer les médias, de réformer radicalement la justice, la police, d'étendre la consultation et la participation des citoyens, sans pousser jusqu'à reprendre la souveraineté sur le travail et la production ? Et que feraient-ils de significativement meilleur, au moins à long terme, que les pouvoirs politiques et économiques actuels, s'ils n'étendaient pas la souveraineté démocratique aux champs du travail et de la production ?

Dans le cadre actuel, on ne gagne pratiquement plus rien sur aucun front, il faudra donc un événement politique majeur pour pouvoir changer ne serait-ce qu'un peu. Dès lors pourquoi proposer de faire les choses à moitié le jour où l'opportunité se présentera ? Avoir les idées claires sur ce qu'on veut ne peut que favoriser le travail politique d'ici là, en nous fournissant des indications sur la manière de hiérarchiser nos objectifs stratégiques. Puis bien nommer les choses ne peut qu'ajouter au bonheur du monde.

De manière symétrique, ceux qui monopolisent le mot communisme sans dire exactement en quoi il consiste et en restent à des principes très généraux suscitent mon incrédulité autant que quelqu'un qui voudrait bâtir une maison sans au moins l'ébauche d'un plan. Le fameux mouvement effectif réel a fini par devenir pour certains une interdiction de désirer politiquement, ou une incitation à ne jamais désirer qu'au futur.

Annonce

Je reproduis ici textuellement la quatrième de couverture.

Pour renverser le capitalisme, il faut dire par quoi on le remplace. Brandir la catastrophe écologique ou le scandale des inégalités est insuffisant : la crainte ôtée, la détermination fléchirait. Seul un principe peut affirmer sa puissance par sa seule existence : la démocratie.

J’appelle État démocratique les institutions qui convoquent en permanence le nombre à la décision effective, en toutes les matières dont il se saisit. Son concept implique de reprendre la souveraineté sur la reproduction matérielle collective et d'entraver de manière définitive la liquidité du capital. Faute de quoi, les intérêts privés finiraient par l’emporter sur le service du bien commun. Et selon leur sort dans la société devenue hostile, les citoyens tomberaient dans une crainte permanente de l’autre ou de la police.

Bien qu'absolue, la démocratie est le contraire d'une tyrannie. Elle se renforce de la liberté qu'elle octroie, et y ayant goûté, les citoyens ne sauraient renoncer à elle sans résister. Active à toutes les échelles et dans toutes les sphères de pratique, dont celle de la production, elle ne peut se donner d’autre nom que celui de communisme

Présentation de la proposition institutionnelle communiste

Je reproduis ici textuellement l'introduction du livre.

Les individus, même supposés libres et autonomes dans un certain état de nature, se groupent en corps politiques distincts, et engendrent en leur sein une forme de division du travail. Peu importe qu’elle soit moins le produit d’un contrat initial établi en conscience, qu’une production continuée et en grande partie involontaire. En pratique, il y a de la représentation politique, de la justice et un appareil de force. S’engendre également une sphère marchande et productive — sans préjuger de son extension — , soutenue par un certain régime de propriété. Il y a également une représentation médiatisée de la société à elle-même, ainsi qu’un pôle de production et de transmission des savoirs. Toutes choses qui sont à la fois des puissances de, et pour, la société, et des lieux de capture de sa puissance par certaines de ses fractions. Affirmer que le souverain (in)forme les esprits et meut les corps serait sans doute excessif. Mais si les sujets jugent et se meuvent par eux-mêmes, c’est dans des sphères de pratique qui leur préexistent largement et qui, en dernier ressort, répondent au souverain — une fois dit qu’il ne tient jamais son droit que d’eux. Tous ne seront peut-être pas d’accord avec cette série de il y a, figures d’une nécessité d’ordre onto-anthropologique. Mais quitte à demander au lecteur d’accepter mon postulat, je me devais de le lui livrer nettement d’emblée. Tout comme ceux qui aimeraient que l’on puisse s’en dispenser, je vois très bien la fatalité d’une telle productivité institutionnelle. L’Histoire enseigne que les structures engendrées par le grand nombre peuvent se changer en monstres froids broyant leurs occupants, et que ceux qui tiennent d’elles un pouvoir particulier finissent souvent par en abuser et susciter l’indignation. Je ne crois ni qu’il soit possible de se passer d’institutions, ni qu’il faille obéir aveuglément à celles que l’on a héritées. Aussi, dans ce texte, je prends le parti d’en proposer qui me semblent susceptibles de convenir à un nombre plus grand et ainsi, de repousser aussi loin que possible le moment de leur crise.


Plus précisément, je propose les fondements d’institutions que j’espère plus démocratiques que celles sous lesquelles nous vivons. Par institution j’entends toute fixation des manières collectives de juger, de sentir ou de faire; par fondements je n’entends ni le contenu des lois ni une constitution aboutie, mais les principes qui doivent présider à leur rédaction ainsi qu’à leur mise en œuvre. Les structures institutionnelles que j’aborde sont nombreuses, mais elles ont en commun de toutes relever de la définition proposée; et si aucune ne l’emporte absolument sur les autres, elles se soutiennent mutuellement, de sorte que j’ai dû les grouper en un texte unique. Au sujet de chacune, je ne cherche ni l’exhaustivité, ni l’érudition, mais m’attache simplement à décrire ses structures affective et étendue, et sa dynamique, c’est-à-dire ses régulations internes et externes principales.
L’ensemble pourrait être adapté à n’importe quel État, mais pour être illustratif, je ferai comme s’il s’agissait de la France. D’ailleurs, ce que je décris est concret et j’espère sa mise en œuvre prochaine, mais avant de chercher à convaincre, je suis tenu d’énoncer ma proposition aussi clairement et simplement que possible; et afin que mes inclinations partisanes et la lourdeur du lexique théorique que j’utilise par-devers moi pour la justifier ne lui portent préjudice, je m’abstiens de tenir des raisonnements abstraits, et n’aborde pas les circonstances de sa mise en œuvre politique, laquelle relève de la seule décision collective. J’en dis juste un mot ici pour n’y pratiquement plus revenir ensuite : si ce dispositif requiert un temps politique un peu plus lent pour être présenté, débattu et éventuellement amendé, son activation appelle une bascule, brève et intense, pendant laquelle il faudra nécessairement retenir son souffle. Pour le moment j’invite le lecteur à le considérer comme une idée à enrichir et améliorer, ou réfuter, en espérant néanmoins susciter son désir politique. Afin de ménager les penseurs qui m’ont inspiré, j’ai finalement choisi de taire leur nom et de ne pas citer leurs travaux. D’abord, pour ceux qui les lisent ou me connaissent, ce mystère n’en sera pas un. Ensuite, ça n’est pas par une modestie exagérée que je tais ces inscriptions, mais par un soucis de concision et d’intelligibilité. Enfin parce qu’au centre de ces institutions se trouve une circulation monétaire hérétique, que je sais telle et dont je ne veux pas que l’aspect quelque peu scandaleux nuise à la réputation d’auteurs qui me sont chers.

Dans l’organisation sociale et économique qui est présentée, la monnaie est pleine, c’est-à-dire émise par pure subvention et non sous forme de dette, par le souverain; celui-ci n’a donc pas de compte pour soi et cesse d’être un agent économique comme les autres. La masse de monnaie en circulation est régulée par fonte à l’échange et dans le temps à des taux identiques pour tous les agents économiques, de sorte que la fonte opère à la fois comme substitut fonctionnel au remboursement des prêts et au paiement de l’impôt.


Un tel pouvoir de création monétaire fait courir le risque que des intérêts restreints ne se l’arrogent et décident à eux seuls des orientations économiques pour tout le corps social. Pour éviter ce danger, je confie ce droit à une structure représentative éminemment subsidiaire. Elle comporte quatre échelons : en bas la commune, au-dessus la communauté de communes et la circonscription, et au sommet une Assemblée nationale unique et absolument souveraine. Le système électoral garantit une rotation des élus à tous les échelons et une représentativité élevée. En plus de détenir le pouvoir législatif et de se situer au sommet de l’ordre judiciaire, ce souverain démocratique absolu détient le pouvoir économique. S’il décide des grandes orientations en cette matière, il délègue à son échelon le plus local, la commune, d’émettre la monnaie plutôt que d’y procéder directement et de manière centralisée; de sorte que le risque de capture est ainsi limité. Et si le droit d’émission d’une commune est en partie contraint par les décisions des échelons supérieurs, il ne l’est pas absolument, car le critère qui la limite n’est pas la quantité totale de monnaie qu’elle met en circulation, mais la seule contribution de sa circonscription d’appartenance à la balance extérieure des paiements, ce qui lui laisse une marge de manœuvre importante. Ce mécanisme les détermine toutes à coopérer entre elles, et permet qu’en toutes les matières des politiques publiques, l’adhésion des parties au tout soit sans cesse mise à l’épreuve. L’échelon national du pouvoir articule aussi sa propre souveraineté à celle des corps politiques extérieurs, tant en matière diplomatique que pour assurer la réciprocité des échanges, autant que faire se peut. Afin de disposer de tous les moyens requis pour atteindre ces fins, le souverain en assemblées commande aux corps armés et aux administrations.


Mais je dois maintenant évoquer la sphère productive, car je sais être attendu sur ce point, certains lui donnant une importance plus grande. Sans même chercher à la situer dans une hiérarchie bien arrêtée, je dois simplement insister sur le fait que, selon moi, elle relève tout autant du fait institutionnel que le système représentatif. Pour que la démocratie ne s’arrête pas à leur porte, les collectifs de production sont généralement remis à leurs usagers, à parts égales, mais selon un mécanisme de bascule original. Seulement lorsqu’ils le demandent et seulement s’ils le demandent, les salariés d’un collectif
donné en reprennent la propriété à ses détenteurs actuels, mais contre une indemnisation monétaire, versée au propriétaire non pas par les salariés, mais par le souverain lui-même, de sorte qu’il ne s’agit pas de spoliation mais de préemption. Comme les salaires sont abondés par la puissance publique, mais d’autant plus que le degré d’égalité salariale et politique est élevé au sein du collectif considéré — la détention commune étant l’un des critères, ainsi que le caractère écologique de ses productions — , les salariés sont en permanence incités à en reprendre le contrôle. Il résulte de ce mode d’accès aux moyens de production que les participations croisées entre États et les investissements directs sont impossibles. Dès lors, la seule façon pour des citoyens étrangers de détenir un collectif de production particulier sur le territoire national, est d’accéder à la double nationalité et de participer à sa détention commune au même titre que d’autres citoyens. En contrepartie, l’accès à la nationalité est facilité et ses délais sont raccourcis, de sorte que le dispositif général est ouvert à la circulation des personnes, visqueux à celle des marchandises et étanche à celle du capital.

Je commence par décrire la forme et le fonctionnement des pouvoirs ; je continue par une proposition économique classique : système des paiements nationaux et internationaux, mécanismes de régulation et de lutte contre la sédition monétaire, et enfin, circulation de la propriété dont celle des moyens de production ; et je termine par une politique des corps, c’est-à-dire des forces qui les meuvent et les émeuvent. Prise dans son ensemble, cette structure institutionnelle n’est pas autre chose qu’une économie affective de vie collective, dépassant autant qu’elle l’enveloppe la seule question productive; son
motif est la démocratie absolue en tout.

Invitation

Ce livre part à la rencontre de ceux qui pensent ou désirent la sortie du capitalisme. Par ce billet, je souhaite me rendre visible d'eux et solliciter leur avis. S'ils me lisent, j'espère qu'ils apprécieront l'originalité de ma contribution et la trouveront utile en quelque manière.

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