
Photo : Alexia Tsagkari http://www.mediapart.fr/portfolios/terreur-en-grece
L'actualité soulève de plus en plus souvent la question de la légitimité du pouvoir. Ceux qui l'exercent peuvent de moins en moins s'abstenir d'y répondre et de se conformer à la réponse, qui paraît logiquement s'imposer : l'obligation d'impartialité. L'affirmation de cette obligation s'impose d'autant plus pour l'avenir que nous assistons à une dérive fascistoïde et entendons des propos banalisant cette dérive.
Qu'est-ce qu'un cadre de la Nation ?
Un cadre de la Nation est une personne dont l'activité permet d'influer rapidement sur la vie sociale. Les cadres de la fonction publique ne sont pas seuls à entrer dans cette catégorie. Il y a les politiques, les syndicats mais aussi de nombreuses professions dont l'action influe directement sur le pays.
Qu'est-ce que le pouvoir ?
Dans une société démocratique, celui qui a le pouvoir l'a réclamé. Ceux qui le lui ont confié lui ont transmis tous les devoirs qui s'y attachent. Avoir le "pouvoir", dans une démocratie, signifie avant tout avoir des "devoirs". Le but de la société démocratique est d'assurer le bine-être génral. Celui qui concourt au "pouvoir" réclame donc le "devoir d'agir dans le sens de l'intérêt général".
Force est de constater qu'avec la régression sociale, c'est tout l'Etat de droit qui recule. Le pouvoir s'est écarté de l'intérêt général en réduisant considérablement le cadre de son action et les garanties qui s'y attachent.
Une des causes réside dans le comportement des cadres qui ne respectent par ou plus leur obligation d'exemplarité (voir l'actualité abondante qui touche tous les domaines). Au-delà de la faute individuelle, il y a une tendance générale montrant que le souci dont témoignent les cadres de la Nation du respect de l'Etat de droit tend dangereusement à s'amenuiser. Il devient donc impératif de rappeler l'obligation d'exemplarité.
L'obligation d'exemplarité n'est pas une vue de l'esprit.
C'est une notion juridique qui, si elle n'est par formalisée, existe en droit. Elle s'intensifie avec les responsabilités exercées. C'est ce que répond le droit administratif, par exemple, à propos du manquement grave.
Il existe donc bien une exigence légitime d'exemplarité qui s'accroît avec le niveau d'études et de responsabilités.
Cette exigence est logique.
Elle découle de l'engagement collectif permettant à chacun de s'élever dans la hiérarchie sociale.
L'ascension sociale de chacun répond également à l'intérêt général, en fournissant à la Nation les cadres les plus aptes pour assurer et faire bénéficier à l'ensemble de la gestion la meilleure.
La politique de l'instruction publique poursuit cet objectif de vertu républicaine. Ceux qui en profitent et s'élèvent grâce à elle doivent donc répondre par un comportement républicain "vertueux".
Cette exigence de vertu républicaine trouve sa traduction dans les obligations déontologiques de la fonction publique mais aussi dans celles de la déontologie de nombreuses professions libérales.
L'idée même de déontologie pose le principe que l'exemple doit venir du haut.
C'est une conséquence de la forme républicaine de la société qui n'admet d'être gouvernée que par ceux qu'elle a choisi librement en considération de leurs qualités, de leurs compétences.
La Nation souveraine fait le meilleur choix. A cette exigence démocratique doit répondre l'exécution parfaite de celui qui a sollicité les suffrages. Le manquement de ce dernier est équilibré par le devoir de résistance du fonctionnaire ou la résistance à l'oppression.
Cette liberté de choisir les meilleurs repose sur l'instruction publique qui forment ces compétences dans l'intérêt de tous.
Le droit à l'instruction est un droit de l'Homme. C'est un droit social dont l'effectivité garantit la démocratie.
La contribution publique et la prise en charge par l'Etat des frais d'instruction est une obligation positive de l'Etat de droit qui répond donc à la fois à un souci politique d'assurer la forme démocratique des institutions et un souci social d'assurer l'effectivité du droit à l'instruction et son accès au plus grand nombre.
L'éducation des masses dans le respect des lois pruit une attente et une exigence logiques faisant que l'obligation d'exemplarité s'amplifie en temps de crise.
C'est d'ailleurs dans ces moments de crise que la Nation juge de la compétence des élites et sait si l'effort qu'elle consent pour les former et les entretenir est justifié ou non.
Le respect de l'obligation d'exemplarité a également une incidence politique.
Ce resepct de l'obligation d'exemplarité distingue les pays démocratiques, les Etats de droit, des pays totalitaires, les Etats policiers, dans lesquels les peuples, contraints par la menace et la violence, témoins du détournement des institutions au profit d'un petit nombre, sont gouvernés par des personnes incompétentes.
Les régimes totalitaires sont le milieu favorable à la prospérité des imposteurs.
L'obligation d 'exemplarité est une question d'intérêt général qui se pose d'autant plus en temps de crise qu'elle permet de prévenir la démagogie dans laquelle s'insinuent les discours stigmatisants, qui ne résolvent rien, et dont s'emparent en premier, ceux qui n'ont pas de proposition ni de compétence réelle pour résoudre les problèmes.
Le respect de l'obligation d'exemplarité permet de distinguer le fonctionnement des institutions conformément aux exigences démocratiques et à l'intérêt général.
Un Etat de droit n'est pas seulement un Etat formel où se manipule des formules, du texte, des apparences.
Le droit ne se limite pas à la lettre, il y faut l'esprit.
Un Etat de droit exige de ceux qui appliquent le droit et exécutent les lois de le faire conformément à l'obligation d'exemplarité. L'obligation d'exemplarité ne fait que synthétiser l'obligation d'impartialité, l'obligation de neutralité, l'obligation de désintéressement.
Le niveau de respect de l'obligation d'exemplarité discrimine un Etat gouverné par l'apparence du droit d'un Etat gouverné en conscience du droit.
L'opinion s'émeut donc très légitimement aux exemples de négligence à l'obligation d'exemplarité. L'indignation est un réflexe démocratique.
L'émotion est proportionnelle au niveau de responsabilité de celui qui méprise l'intérêt général malgré son pouvoir - son devoir aussi - d'assurer la justice sociale et l'égalité de tous.
Ces abdications sont graves. Elles confirment les plus modestes dans le sentiment de fournir un effort disproportionné en considération de l'immunité dont profitent les plus nantis dans la désertion fiscale, d'une part, et de l'augmentation de la charge publique sur leurs petites ressources, d'autre part.
La confusion et la porosité existant entre le monde de la finance, qui profite de la crise, et une élite politique, qui ménage la finance en culpabilisant et reportant la faute de la dette sur ceux qui sont victimes de la crise ; illustrent la négligence de l'obligation d'exemplarité des cadres de la Nation et portent à s'interroger sur la forme et la nature réelles des institutions.
C'est dommage ; parce que ce n'est pas tant l'édifice juridique qui est mauvais ou fragile, que celui qui en réclame les clefs. Un imbécile pourrait croire que c'est la clef qui confère du mérite à celui qui la porte. C'est une erreur. La clef ne confère rien du tout si celui qui en a la charge met la maison en ruine.
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Fascistoïde : adjectif
Fascsitoïde est un néologisme dérivé de la racine du mot fasciste auquel est ajouté le suffixe oïde.
Le suffixe -OÏDE sert le plus souvent à former des adjectifs qui signifient "qui ressemble à", au niveau de l'aspect, de la forme, de la couleur, du goût etc.). Il est utilisé en botanique pour qualifier la forme de certaines plantes, mais aussi en médecine ou en mathématiques. Une étude plus poussée de ce suffixe nous apprend que certains adjectifs en -OIDE signifient "qui se rapporte à" (ALBUMINOIDE : de la nature de l'albumine). (source)