L'article de Louise Fessard évoque un cas particulier du système à la dérive, celui de la république des notables, comme l'appelle Jacques Ellul dans son histoire des institutions : A Lille, des notables mis en cause pour des affaires immobilières
Un célèbre liquidateur judiciaire lillois, déjà condamné pour corruption, fait à nouveau l'objet d'une enquête, tout comme sont visés plusieurs notables de la région, dont l'actuel procureur de la République d’Arras. L'objet : la mise en liquidation judiciaire d’un couple originaire de Béthune pour acquérir à bas prix leur propriété familiale.
Cette affaire de collusion n'a hélas rien de nouveau comme l'illustre richement le rapport parlementaire sur les tribunaux de commerce intitulé "une justice en faillite ?". L'interrogation témoigne de la politesse gênée des rédacteurs et de l'étendue du problème qui dépasse largement les limites du sujet dont ils étaient saisis. L'actualité qui remplit les colonnes de Médiapart en a donné une confirmation incontestable.
On trouve dans l'affaire Tapie des acteurs identiques : " professeur agrégé de droit, ainsi que par plusieurs notables (avocats, notaires, magistrats, élus) ". Voir aussi l'affaire du Carlton de Lille, de son grand stade, de son htel de police ou de la PJ de Lyon. C'est le même problème à l'origine des obstacles rencontrés par Mme Borrel pour faire avancer l'enquête sur l'assassinat de son mari. On relève un comportement étonnant de la police et de la justice contre les lanceurs d'alerte et la connivence de certaines organisations représentatives du personnel à sanctionner ces lanceurs d'alerte.
Le net est rempli de témoignages de ce genre sur la République détournée des notables et l'inertie des apparences.
Tout ceci est contraire à l'intérêt général et porte gravement atteinte à la démocratie. Le fascisme ne naît pas des classes populaires mais des injustices de ceux qui les gouvernent. De telles affaires montrent clairement où se trouvent les véritables fascistes.
Alors peut-on parler de complot ?
Il y a deux erreurs à ne pas commettre à propos de la question du "complot" : en voir partout et n'en voir nulle part.
La Cour de cassation parle de "stratagème" et elle sanctionne l'escroquerie au jugement comme l'article en illustre un cas.
Cela prouve bien que le "complot" peut exister.
Le problème ne réside donc pas dans la question de savoir si cela peut exister mais dans la difficulté à l'évoquer et le faire poursuivre et sanctionner éventuellement.
Cela pose alors la question de la liberté d'expression, d'un droit à la calomnie (reconnue par la cour suprême des USA dans l'affaire NYT c. Sullivan), et de l'indépendance de la justice liée aux conséquences néfastes de son embourgeoisement, comme en témoigne la dernière affaire de Lille.
Le procureur de la République est garant de l'exécution de la loi. Il suit contrôle les procédures collectives et il est tenu à une obligation d'impartialité (article 31 du code de procédure pénale).
Il est donc tout à fait anormal qu'une procédure collective dérape et cela engage la responsabilité du magistrat qui a failli.
Cet aspect lié à la personne de celui qui conduit et contrôle la procédure ne doit pas être négligé. Un particulier a la possibilité de saisir le CSM et les tribunaux sanctionnent les dysfonctionnement de la justice (Voir l'affaire Grégory).
Un comptable public est responsables sur ses deniers publics. Il serait normal qu'un juriste public, agissant dans le cadre d'une mission posée par la loi (notaire, commissaire aux comptes, chef du parquet, ...) soit pareillement responsable sur sa personne des conséquences de ses fautes, commises par négligence ou, pire encore, volontairement.
Le droit ne doit pas, dans l'inconscient collectif, se limiter à une abstraction toute théorique juste bonne à soumettre ceux qui n'ont pas de "réseau". La démocratie ne peut pas se contenter d'un jeu d'apparences au profit de personnes malhonnêtes.
Au delà du fait qu'il appartient à chacun de revendiquer et d'agir en sorte pour que la raison l'emporte sur l'argent et les conséquences de l'impécuniosité chronique de ceux qui en ont déjà beaucoup trop, il manque une société solidaire pour s'aggréger aux résistances individuelles. Les syndicats manquent ainsi à leur mission. L'ANI et la loi Sapin, dans un autre domaine, témoignent de cet échec ou de cette collusion. La réforme des retraites aussi. Qu'il s'agisse du droit des procédures collectives ou des droits sociaux, la mécanique est la même. Un petit nombre organise la misère à son profit.
Un livre d'enquête sur le problème mériterait d'être fait tant l'état des lieux paraît être sinistré et ne peut plus être ignoré du politique.
A quand une enquête d'ensemble sur le problème ? Cela mériterait d'être fait tant l'Etat des lieux paraît être sinistré par la Nomenklatura. Gorbatchev la dénonce comme rassemblant ceux qui doivent leur place et leur poste plus à leur obséquiosité qu'à leurs qualités. Il explique que la Nomenklature n'hésite pas, pour sauver ses intérêts ou ses avantages, à jouer avec le pays , voir le détruire. L'Etat de droit est très fortement compromis en France.
La nouvelle affaire de Lille s'ajoute donc à de nombreuses autres qui interpellent sur la moralité publique, ou ce qu'il en reste, et la manipulation de l'opinion par un tout petit nombre qui détourne les institutions à son profit : la république des notables.
Voilà la question que pose l'article de Louise Fessard. Elle relaie celle, identique, que soulèvent pareillement Marine Turchi, Mathilde Mathieu, Stéphane Alliès, Laurent Mauduit, Fabrice Arfi, Michel Deléan, Lénaïg Bredoux, Lorraine Kihl, Juliette Chapalain, Rachida El Azzouzi, Carine Fouteau, Nicolas Chevassus-au-Louis, Mathilde Goanec... :
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