Mathilde Mathieu et Ludovic Lamant commencent leur dernier article par une phrase assez savoureuse : "À l’Assemblée, c’est devenu le credo officiel : les députés auraient besoin des lobbyistes et de leurs « informations privilégiées » pour se bâtir une expertise." Le lobbying, en quelque sorte, c'est le haschich de la politique. On sait que cela se fait, on ne peut plus rien faire contre, il faut l'accepter.
Si je comprends bien, les députés tentent d'expliquer qu'ils sont trop bêtes pour comprendre les problèmes qu'ils prétendent vouloir résoudre lorsqu'ils se présentent comme candidats ?
Les programmes des partis ne valent donc pas grand chose non plus.
Ce n'est pas de nature à renforcer la confiance du pays réel dans le pays légal.
Plus pragmatiquement, problème que pose le lobbying est de défendre des intérêts particuliers quand l'Assemblée vote la loi au nom de l'intérêt général. Prétendre pouvoir concilier les deux relève de la résolution de la quadrature du cercle dont Martine Orange en donne une illustration : Dassault: cent ans de subventions
Si l'évidence à échappé aux plus fins juristes des cabinets internationaux - auquel a appartenu l'actuelle président du FMI empêtrée dans une obscure affaire aux multiples rebondissements - il y a tout de même comme un parfum consubstantiel de conflit d'intérêt.
D'autant que les caractères de la loi sont d'être générale, abstraite et impersonnelle.
On imagine bien, par exemple, que l'intérêt d'une certaine société à vendre des céréales abondamment arrosées de pesticide ne réside pas dans son souci d'améliorer la santé publique mais bien plus sûrement d'arrondir ses profits. Même Cadichon le comprend.
Le lobbyiste est donc un type qui veut convaincre un ou plusieurs députés que défendre des intérêts particuliers - dont le but est souvent le même et le seul : le pognon (pour leurs actionnaires exclusivement - faut pas rêver non plus) - est bon pour le bien-être général.
On pourrait interdire le lobbying. Cette hypothèse radicale peut s'envisager.
Il est cependant difficile d'imaginer pouvoir mettre une barrière étanche entre les députés et ceux qui veulent s'introduire auprès d'eux, pour les influencer. Non pas dans le sens de l'intérêt général, mais au profit de ceux qui les payent (les lobbyistes) ; lesquels "clients" disposent de moyens financiers qui feraient pleureur d'envie des élus, pour leurs bonnes oeuvres associatives, comme Médiapart rapporte le souci de certains d'entre eux :
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La frontière entre le Lobby et la corruption apparaît donc très mince. Mais il n'y a rien de surprenant à cela, les Romains le savaient déjà : Fraus omnia corrumpit
La porosité entre ces deux activités - lobbying et corruption - impose donc, en plus de la tenue d'un registre et de l'obligation de s'y inscrire (comme cela existe dans les instituions européennes), d'assurer la plus parfaite transparence des démarches des "représentants d'intérêts" - l'expression soulève moins la suspicion que le mot "lobbyiste" et satisfait à la loi Toubon sur l'usage de la langue française - pour écarter, le plus possible, tout doute qui peut naître dans les esprits des ignorants, forcément suspicieux. Surtout s'ils sont modestes et en fin de chaîne de consommation (L'esclavage a été aboli mais il existe des chaînes de magasin, des chaînes de montage, du travail à la chaîne,...).
De prime abord, pour celui qui ne le connaît pas, le lobbyiste est à la loi ce que PRISM est à internet.
Il s'agit donc, pour améliorer son image et garantir la respectabilité du député, de faire preuve de pédagogie à l'égard du plus grand nombre, c'est-à-dire "transmettre des connaissances".
Cette activité de lobbying fort respectable va donc oeuvrer à rassurer l'opinion le plus efficacement possible en adoptant un encadrement transparent - pédagogie oblige - sur sa méthode de travail par l'adoption de règles pédagogiques comme :
- Pas d'accès direct aux députés, sans demande de rendez-vous préalable motivée et précisée inscrite sur un registre public accessible en ligne (précisant le nom, l'adresse et la qualité du lobbyiste, les coordonnées de l'entreprise représentée et son interlocuteur, le sujet traité, le débat parlementaire, le projet ou la proposition de loi concernés), sinon c'est de la tentative de corruption. La demande de rendez-vous est accompagnée d'un dossier complet, dont les informations sont précises et exactes.
- Ces demandes sont transmises par l'intermédiaire du secrétariat de l'Assemblée. Seuls les demandes de rendez-vous et les dossiers adressés par un lobby inscrit au registre sont traités.
- pas d'invitation ou de cadeau, sinon c'est de la corruption.
- obligation du lobbyiste de délivrer une information précise et exacte, sachant qu'elle peut être rendue publique ou consultable par toute personne qui le souhaite. Il y a une obligation de résultat sur l'exactitude et la précision des informations adressées au député avec une présomption de mauvaise foi, comme cela existe à l'égard du professionnel.
Ceux qui trouvent cela trop lourd sont forcément des gens qui ont quelque chose à cacher.
Ce qui est parfaitement incohérent quand on a la prétention de "conseiller" un député.
Comment expliquer, en effet, qu'on veuille cacher quelque chose, ou même simplement garder une certaine discrétion, en démarchant la représentation nationale, qui par essence représente la Nation souveraine, et tient la chronique de son travail dans le Journal officiel ?
La démocratie repose sur la publicité des débats et l'Assemblée nationale est la représentation populaire, pas celle du monde des affaires ; dont le Médef et les banques donnent régulièrement l'occasion de mesurer le peu d'intérêt qu'ils portent au peuple.
Le B A BA de la pédagogie du lobbyiste commence donc d'abord à ne pas confondre la préparation de la loi avec d'obscures décisions de conseils d'administration. Le B A BA, pour les députés, est de ne pas se laisser confondre avec d'obscurs administrateurs.