Je vous souhaite une très bonne et heureuse année 2012. Que cette année voit la paix et la justice progresser au sein des peuples.
Un tel progrès est d'autant plus possible que la liberté d'expression connaît une extension importante dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg.
Celle-ci a jugé, dans son arrêt Heinisch c. Allemagne N°28274/08 du 21/7/2011, que le licenciement d'une infirmière pour dépôt d'une plainte pénale dénonçant des carences dans les soins administrés par un employeur privé constitue une violation de l'article 10 de la Convention européenne et fait donc grief à la liberté d'expression.
La Cour semble faire prévaloir l'obligation d'informer ou le droit d'alerte sur la confidentialité professionnelle, fut-elle médicale, c'est-à-dire présumée comme absolue. L'arrêt Heinisch étend la portée de l'arrêt Guja.
Cette jurisprudence sanctionne l'Etat ayant laissé prospérer des dysfonctionnements et distingue une faute dans le chef de celui qui n'aurait pas agi pour les prévenir.
Christian Vigouroux, conseiller d'Etat, distingue une "obligation de non-réserve" du fonctionnaire à l'égard du politique sur les risques les dangers de telle ou telle solution (Déontologie des fonctions publiques, Dalloz 2006 p. 385).
Le fonctionnaire est ainsi tenu à une obligation de conseil dans le service de l'intérêt général quand il agit dans la direction et la conception du service public. Nier cette obligation remettrait en cause une des raisons d'être essentielles de la haute fonction publique. (Voir infra à ce sujet mon commentaire sur la )
La jurisprudence de la CEDH amplifie l'obligation de conseil de la personne chargée d'un service d'intérêt général (*) à l'égard du politique (ex. : principe de non régression des droits économiques, sociaux et culturels) et celle de loyauté à l'égard du public et de l'intérêt général. L'obligation de loyauté s'exerce avant tout en considération de l'intérêt général que du principe hiérarchique. Le second serait injustifié s'il contrariait le premier.
Les reproches contre l'agent seront mis en balance avec ces obligations, quand s'exerce le pouvoir disciplinaire et que la sanction serait susceptible de masquer un dysfonctionnement et d'éluder sa propre responsabilité .
Une telle interprétation peut trouver un début de confirmation dans la condamnation d'un Etat du fait de la perte par son administration d'un document lié à une requête (violation de l'article 34 - entrave de l'exercice du droit de recours - Buldakov c. Russie N°23294/05).
La jurisprudence de la CEDH semble donc s'orienter vers l'affirmation d'un devoir d'alerte puisqu'elle sanctionne l'Etat qui entrave l'exercice d'un droit d'alerte.
Cela soutient la légitimité de révéler des faits, qu'il s'agisse d'un journaliste (v. Wizerkaniuk c. Pologne Req. N°18990/05, Uj c. Hongrie N°23954/10), d'un chercheur (Altug Taner Akçam c. Turquie N°27520/07) ou d'un magistrat (Guja c. Moldavie préc.), lesquels contribuent au débat démocratique nécessaire à soutenir la confiance de l'opinion dans ses institutions.
La liberté syndicale, assez bizarrement, ne s'insère pas dans cette interprétation, alors que l'action syndicale vise la défense des intérêts collectifs. La Cour de Strasbourg semble cependant distinguer l'expression syndicale contre une personne privée, où elle appliquerait une analyse plus restrictive (modulée cependant par l'arrêt Heinisch), de celle contre une personne publique, où elle semble converger vers une solution de la Cour suprême des USA (NYT c. Sullivan).
Vue l'extension de la liberté d'expression, mes voeux pourraient paraître réalisés. Je les renouvelle néanmoins pour tous ceux qui y contribuent directement, à ceux s'expriment comme à ceux qui entendent et s'indignent. La liberté d'expression n'a aucun sens dans un pays où les journaux ne sont pas lus.
Je renouvelle mes voeux avant tout pour tous ceux qui se battent pour un monde de justice et de paix. Ils ne sauraient vaincre et faire progresser la démocratie sans la vigilance, l'écho de la presse et l'attention de l'opinion. L'espérance partagée de la justice, que permet la presse par son rôle de medium, est le moteur du droit humain.
C'est, me semble-t-il, l'essentiel de ce qui ressort des décisions commentées.
Une autre conclusion est qu'acheter et faire vivre un journal contribue à soutenir la résistance contre l'arbitraire dans le Monde.
"Utilisez vos libertés pour promouvoir les nôtres" Aung San Suu Kyi