Le législateur a érigé un cas d'aggravation en infraction autonome, produisant ainsi des textes flous menaçant les libertés et droits fondamentaux.
Le terrorisme n'est pas une infraction parce qu'il se définit avant tout par le mobile de l'acte. La conscience de commettre une infraction n'est qu'un seul des trois éléments constitutifs de l'infraction : l'élément moral (auquel s'ajoute l'élément matériel – les faits – et l'élément légal – la loi définissant et sanctionnant l'infraction). La responsabilité pénale d'un individu ne peut être retenue que par la réunion de ces trois éléments.
Or, force est de constater que le « terrorisme » permet aujourd'hui de contourner ce principe et qu'il est désormais possible de poursuivre un homme et le priver de liberté en s'éxonérant d'élément matériel et moral sur le seul fondement de la qualification criminelle.
Adlène Hicheur n'est pas poursuivi pour un acte matériel ou un commencement d'exécution, une tentative, mais pour une seul propos auquel le ministère public, la justice et la police s'évertuent d'y voir une intention. L'intention à elle seule ne suffit pas à établir une infraction sinon pour les délits et les crimes politiques, les infractions d'opinion, de conscience. L'affaire de Tarnac, le commandant Matelly, etc. témoignent de la dérive du pharisianisme judiciaire gouvernemental.

Prétendre vouloir sanctionner un individu avant qu'il n'agisse - au motif qu'il "serait terroriste" - relève d'une prétention et d'une logique identiques à la théorie du "criminel-né" de Lombroso, l'anthropologie criminelle de Ferri, le positivisme de Garofalo ou le darwinisme social. Il ne s'agit pas de science-fiction. L'humanité a connu ces théories et les évènements auxquels elles ont conduit. Se le rappeler participe aussi au devoir de mémoire.
Le terrorisme n'est pas une infraction parce que son élément matériel n'est pas défini précisément comme l'exige le droit pénal.

L'élément matériel du terrorisme est flou et fluctuant, pouvant se rattacher à une simple dégradation de bien privé comme à la destruction d'installations officielles. Cela montrent à l'évidence qu'il peut n'y avoir aucune proportionnalité entre l'acte et la peine encourue dès que les autorités de poursuites décident de sanctionner l'auteur pour terrorisme.
Une telle plasticité d'un texte est contradictoire avec le droit pénal qui doit s'interpréter de façon stricte.
Le code pénal réprimant le terrorisme ne répond donc pas aux critères du droit pénal général. Il faut donc supprimer une législation trop dangereuse pour la démocratie. Elle ne répond pas à la recherche de la justice mais à une stratégie politique, comme l'a affirmé Charles Pasqua : « nous allons terroriser les terroristes ».

« Terroriser » et « terrorisme » ne sont pas des notions juridiques. Elles se prêtent trop à la subjectivité de celui qui juge (voyez l'ordonnance du juge Fragnoli).
Définir le terrorisme est impossible du fait du polymorphisme infini par lequel ce phénomène s'exprime. Tout acte accidentel soulève aujourd'hui systématiquement l'interrogation d'une « attaque terroriste », au point de susciter un doute sérieux sur le bon sens des commentateurs à entretenir une psychose collective. Pas pour tout le monde cependant.

Le terrorisme n'est pas une infraction parce qu'il érige le mobile seul en infraction tout en s'exonérant de le démontrer.
Un acte, quelqu'en soit le mobile, est punissable s'il répond à la qualification des infractions existantes protégeant les biens (destruction, vol), les personnes (homicide, blessures) ou l'Etat. L'intitulé de l'infraction qualifie un fait matériel, intentionnel ou non.
Le « terrorisme » ne qualifie pas l'acte mais le mobile, le but recherché. Le 11 septembre est un concours de qualifications : détournement et destruction d'aéronefs, destruction de biens privés, homicides volontaires. Le terrorisme ne qualifie pas juridiquement ce cumul d'infractions, au risque sinon d'exiger chaque fois une similitude d'actes. Quid alors des accidents d'avion involontaire ?
En érigeant le mobile en infraction, les Etats éludent les causes de l'infraction, l'intention, pour satisfaire aux exigences de la démonstration de la culpabilité, puisque l'intitulé de l'infraction entretient une confusion, laissant croire implicitement, et abusivement, à sa démonstration.

Une législation floue et son application hasardeuse concourent à entretenir l'opinion dans la peur. Un pays qui a peur n'est plus raisonnable, n'est plus rationnel. Il s'abandonne et il n'est donc plus une démocratie.
L'enquête sur le 11 septembre n'a pas exposé de façon satisfaisante l'élément moral. Elle l'a même éludé en s'appliquant à la plus grande chasse à l'homme de l'histoire. Les raisons de la destruction d'immeuble dans lequel se sont écrasés deux avions restent mal connues.
Le principal suspect a été assassiné par une opération commando au mépris de la souveraineté du Pakistan, au nom de la lutte anti terroriste. L'exécution extra judiciaire de Ben Laden montre qu'il n'a pas eu droit à un procès que les USA ont accordé aux criminels nazis, responsables de la mort de 60 millions de personnes. La violence et la barbarie institutionnelles sont mieux protégées juridiquement et bénéficent d'une plus grande mansuétude.

La qualification pénale de terrorisme est source d'arbitraire.
La législation rendant possible de poursuivre pour terroriste une personne dont il n'est plus nécessaire d'établir l'élément moral - ni même de le juger - permet à l'Etat de condamner n'importe qui pour n'importe quoi au seul prétexte d'avoir un jour lu un livre, adressé un mail, signé une pétition. En se s'attachant explicitement et exclusivement au mobile le terrorisme ne peut donc pas être considéré comme étant une infraction. La confusion dangereuse à laquelle aboutissent les lois sécuritaires explique les dérives judiciaires et policières.

Il serait bon donc de revoir une législation ayant tendance à tout qualifier de terrorisme - infraction attrape-tout ? - et dont la mise en oeuvre favorise l'arbitraire. C'est le mépris des droits fondamentaux et des individus qui terrorise les citoyens. Un tel pays n'est pas une démocratie. Il rappelle la Loi des suspects et la Terreur. Le droit français est en régression.

Le législateur rigoureux et soucieux de l'Etat de droit se doit d'y réfléchir.
Une voie serait de revenir aux qualifications classiques du code pénal et faire du terrorisme non pas une branche du droit pénal spécial mais le ramener à ce qu'il n'aurait jamais du cesser d'être : un cas d'aggravation de la peine (comme tous les textes spéciaux relatifs aux concierges, chauffeurs d'autobus, policiers, etc.).
Les lois Perben doivent être revues dans ce sens ou si besoin abolies. C'est une nécessité pour l'Etat de droit et la démocratie.