
Agathe Duparc rapporte le témoignage d'un ami d'enfance des deux criminels abbattus par la police à Dammartin : « Je suis assailli par une image : Saïd et Chérif qui entrent dans ces lieux et tirent à la kalachnikov, prêts à mourir eux-mêmes. C’est inimaginable qu’ils en soient arrivés là ! J’imaginais un autre avenir pour eux ! »
Cette remarque soulève la question du caractère sectaire du mouvement terroriste, dont il partage avec les sectes un autre aspect, jamais ou très peu débattu, la finance et le business. La police a enquêté sur l'ordre du temple solaire et de nombreuses autres sectes, dans lesquelles le crime s'accompagnait de captation de fortunes, de façon plus ou moins violentes.
Le "terrorisme" n'est qu'une forme de la criminalité organisée, dont l'essentiel est de faire de l'argent par des trafics, dont le chiffre d'affaires est investi et blanchi dans l'économie réelle.
" La criminalité transnationale organisée est une grosse affaire. En 2009, on estimait qu'elle générait 870 milliards de dollars par an[1], soit un montant égal à 1,5 % du PIB mondial[2]. C'est plus de six fois le montant de l'aide publique au développement accordée cette année-là, et l'équivalent de près de 7 % des exportations mondiales de marchandises. " (Agence des Nations-Unies contre le crime et la drogue)
Ce que l'on appelle "terrorisme" est une partie de ce commerce illicite : Trafic de cocaïne, une pièce négligée du puzzle sahélien

Les pays de l'Union européenne qui prétendent combattre le terrorisme comptent parmi eux des membres qui achètent leur pétrole à DAECH. (Voir aussi Hufftington Post). Le calcul du PIB se fait d'ailleurs dorénavant en incluant le chiffre d'affaires des activités illégales qui font la fortune de la criminalité organisée utilisant les mêmes réseaux de financement que l'évasion fiscale et la corruption.
La mafia a aussi pratiqué le "terrorisme" et on ne parle pas d'elle comme d'une organisation terroriste malgré des actes qui n'ont rien à envier à Action directe (assassinats de Paolo Borsellino et de Carlo Alberto dalla Chiesa)

La violence est la partie accessoire du phénomène. Il est dommageable de ne pas prendre les dispositions législatives efficaces pour en tarir l'essentiel, l'argent, les affaires, le commerce. Contrarier l'activité principale prive des ressources nécessaires à l'équipement et l'entrainement des personnes chargées de la violence.
S'attaquer à l'aspect financier du phénomène criminel, qu'il soit mafieux, "terroriste" ou fascistoïde (l'extrême-droite est l'idiot utile du capital) remet en cause les circuits financiers qu'emprunte l'évasion fiscale ("Ces 600 milliards qui manquent à la France", "Le pillage de l'Etat", L'escroquerie du discours sur la croissance et le désendettement), d'une part, et grossit considérablement le chiffre d'affaires des banques qui recèlent 30.000 milliards de dollars de fraudes fiscales (Tax Justice network The Economist).

Somme dans laquelle se confond l'argent sale de la corruption, de la drogue, du proxénétisme, du trafic d'armes, du détournement des fonds publics, etc.
Cela impose donc un courage politique bien plus grand que d'envoyer le GIGN ou le RAID. Le courage de Yann Galut, rapporteur du projet de loi contre la corruption, n'a pas été suffisant pour "contrer les hommes de Bercy qui convoquent chaque semaine les députés intéressés par le sujet" et "Les patrons du groupe socialistes (qui) se livrent à des intimidations sur leur collègues qui y croient (...) L'attitude de Bruno Le Roux, patron du groupe socialiste à l'Assemblée nationale a été incroyable. Le projet a été tellement rectifié qu'il n'a pas servi à grand chose" (Antoine Peillon, Siné Mensule N°38 janvier 2015, p.13)
Cet aspect de la problématique, s'il était mieux débattu et exposé au public, pourrait peut-être, c'est à espérer, mobiliser l'action publique, voire la contraindre, dans la direction la plus efficace et permettre de dissuader des jeunes gens à faire les dindons d'une imposture macabre et funeste ; laquelle imposture n'en a rien à faire de leurs personnes et dont ils sont les premiers à en supporter le prix. En acceptant d'être des tueurs, ils savent qu'ils se feront tuer (pour des escrocs, des violeurs, des trafiquants, du business louche pour le compte de sociétés inscrites officiellement dans des capitales européennes, ...). Ils pensent combattre le "système" mais ils ne font que l'entretenir.
Le pouvoir de l'argent fait que le "terrorisme" peut devenir un business dans lequel des criminels vendent ou louent leur savoir-faire à des Etats ou des organisations. Le crime a inventé l'autoentreprise bien avant que l'Etat en adopte l'idée.
La situation actuelle n'a rien de nouveau. La Bande à Bonnot, qui fut, lui aussi, abattu, sévissait au début du XX° siècle. Le pays est régulièrement secoué par des vagues d'activisme criminel, comme l'OAS, Action Directe, ...
Malgré la catharsis de deux guerres mondiales, la France n'offre toujours pas de réponse à une jeunesse, dont une partie d'entre elle se compromet toujours dans l'illusion de la violence ; pensant y trouver une issue, un idéal, un moyen de s'affirmer ou se consoler d'une situation qui ne devrait plus exister, en considération de l'enrichissement du pays, pour finir dans une espèce d'apocalypse de blockbuster, à l'issue d'un road movie criminel commenté en direct comme une course de cheval, auquel l'Etat participe à la mise en scène et au commentaire de ce lyrisme frelaté, par des moyens pléthoriques et un nombre considérable de munitions brulées.
Il faut arrêter de parler de terrorisme. Ce n'est pas un qualifiaction pénale sérieuse. Elle ne fait que flatter l'ego de ceux qui commettent leurs crimes et permet, à ceux qui les manipulent pour leurs affaires, de leur faire croire qu'ils se battent pour une cause, alors que ce ne sont que des assassins.
Pour lutter contre le terrorisme, il faut commencer par cesser de l'appeler ainsi. C'est le meilleur moyen pour le faire disparaître.
Ce sont des meurtriers. Le mobile est indifférent à la qualification pénale des faits.
Il faut aussi s'étonner de l'immunité du "milieu" bancaire, qui porte bien son nom en l'espèce. Les banques participent au financement des organisations criminelles. Elles en sont des complices par aide et fournitures de moyens. Mais elles ne sont jamais mises en cause. Le pouvoir accepte que des directeurs centraux de la police nationale aillent recycler leurs compétences dans le "milieu" bancaire au mépris du droit pénal : Hauts fonctionnaires et basse police : corruption ? - Mediapart
La pomme ne tombe jamais loin de l'arbre. Il n'est pas sérieusement possible de s'émouvoir d'une éventuelle corruption à la base de la police en laissant impuni des comportements illégaux à son sommet, lesquels créent un doute très sérieux sur l'ensemble de l'institution.
Le courage des femmes et des hommes de terrain ne doit pas servir de paravent ou d'excuse pour justifier l'immunité de la compromission ou l'incompétence du sommet qui contribue pour sa part à la bonne fortune d'une criminalité organisée et de ses complices, dont les plus heureux bénéficiaires n'habitent pas les cités ni ne s'ennuient dans les allées sombres des barres d'immeubles.
___________
Illustration : « Francisco Ferrer pensait que nul n’est méchant volontairement et que tout le mal qui est dans le monde vient de l’ignorance. C’est pourquoi les ignorants l’ont assassiné et l’ignorance criminelle se perpétue encore aujourd’hui à travers de nouvelles et inlassables inquisitions. En face d’elles pourtant, quelques victimes, dont Ferrer, seront toujours vivantes. » Albert Camus
Mise à jour :
ARTE " Daech - Naissance d’un État terroriste "
" Daech dépouille l’Irak d’une partie de ses recettes. Par l’intermédiaire des établissements situés sur son territoire, l’organisation accède également aux réseaux bancaires internationaux. Cette enquête montre que derrière ses succès militaires et sa puissance de feu, Daech affiche le visage d’une vaste entreprise commerciale, fonctionnant un peu à l’image des cartels du crime."
«Swissleaks» : HSBC abritait aussi des «parrains du terrorisme»
Swissleaks : des financeurs de Ben Laden avaient un compte chez HSBC
« SwissLeaks » : HSBC, la banque de tous les scandales
[Swissleaks, suite] Hervé Falciani : « Les vrais terroristes, c’est le monde de la finance »
20minutes.fr
Secte, mouvement islamiste ou groupe terroriste: Qui est vraiment Boko Haram?
Les jeunes djihadistes européens préoccupent Bruxelles
Les pays européens s’inquiètent tout particulièrement du nombre croissant de « combattants étrangers ». La plupart sont des jeunes citoyens qui rejoignent Al-Qaïda. Une fois recrutés au sein de cellules situées en Europe, ils partent à l'étranger grossir les rangs des forces combattantes dans divers conflits.
« La situation est particulièrement urgente au Royaume-Uni, » affirme Peter Knoope, directeur du centre international pour la lutte contre le terrorisme et co-président d'un des groupes de travail du réseau RAN. « Cependant, les combattants étrangers viennent de tous les pays européens, et [le phénomène] est devenu un problème à l’échelle européenne. »
La Commission estime à 1 200 le nombre de citoyens européens partis à l’étranger pour participer à des guerres civiles. Selon la Commission, les combattants se rendent de plus en plus en Syrie. Mais le phénomène se manifeste également dans des pays tels que le Soudan et la Somalie.
« En partie à cause de l'attention portée par les médias, la guerre civile syrienne attire les jeunes recrues, » explique Peter Knoope. « L'émotion suscitée par les conflits peut facilement entraîner les jeunes à s'engager. »
Des familles désespérées
La question de ces « combattants étrangers » a fait irruption dans de nombreux pays en Europe. Les cas de musulmans radicalisés partis combattre en Syrie ont fait la une de nombreux journaux au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas ou au Danemark.
Jejoen Bontinck en est un exemple. Ce jeune Belge était parti combattre en Syrie pendant huit mois avant de rentrer en Belgique en octobre dernier. Son père, Dimitri Bontinck, a abordé en toute franchise le cas de son fils et a demandé que l'on porte assistance aux combattants étrangers et à leurs familles.
« Jejoen tente de se réinsérer dans la société, mais il est confronté à de nombreux obstacles, » a affirmé Dimitri Bontinck à EurActiv. « La Belgique, ainsi que d'autres pays, ne possède pas de dispositifs pour s’occuper de ces jeunes, alors que des pays comme les Pays-Bas soutiennent les travailleurs sociaux et mettent en œuvre d'autres mesures. »
« Je me suis entretenu avec d'autres familles qui doivent faire face à une situation familière similaire ; elles sont perdues. Les hommes politiques doivent prendre leur responsabilité », a-t-il asséné. La couverture médiatique sur le sujet est suffisante, mais il faut vraiment que la sphère politique agisse, selon le père du jeune garçon.
Liens externes:
- Commission européenne : Renforcer l'action de l’UE face à la radicalisation et à l’extrémisme violent
- Affaires intérieures : Crisis & Terrorism; Radicalisation
- Radicalisation Awareness Network (RAN)’s official website
- RAN: Report ‘Preventing Radicalisation to Terrorism and Violent Extremism: Strengthening the EU’s Response’ with collection of best practices against radicalisation.