Affaire Morice c. France : La Justice française a été condamnée pour la violation de l'obligation d'impartailité dans le cadre de l'affaire du juge Borrel.
La décision a été longement attendue. Des années de procédure pour vaincre une mauvaise volonté, impardonnable, celle de l'Etat, censément être impartial, neutre, juste.
Comme quoi, il ne faut désepérer non plus.
Mais quand même... Un scandale, qu'il devienne permanent ou ordinaire, ne peut pas être banal. L'affaire Borrel, qu'il soit rendu hommage tant à l'homme qu'à son épouse qui se bat, est emblématique de l'état catastrophique et de la mentalité de l'appareil judiciaire. Cette femme mérite d'être remerciée et son avocat aussi.
Monsieur De Maistre, dont on peut douter qu'il s'inscrive exactement dans la même démarche intellectuelle que Madame Borrel, va encore, à sa manière, mettre la justice française dans un très sérieux embarras.
Les aventuriers de la Cour d'appel de Versailles et le dernier arrêt de la CEDH ne vont pas contribuer à la sérénité de l'institution du quai de l'Horloge.
En effet, il s'agit ni plus ni moins de pouvoir dire à l'avenir, par cette décision, qu'un magistrat aussi peut faire "échec à l'exécution de la loi" (432-1 du code pénal) et qu'une décision de justice qui s'apparente à un "stratagème", une cour faisant une "interprétation par trop formaliste de la légalité" ou "a fait preuve en l’occurrence d’un formalisme excessif" (voir RTBF c. Belgique, 29 mars 2011, req. n° 50084/06 §71 et §74), peut constituer une "escroquerie au jugement" (voir jsp de la Cour de casation elle-même sur la dénaturation des faits).
Cet arrêt de la CEDH pose en et tout état de cause, un ultimatum à la France en matière d'organisation judicaire, tant sur le droit que sur les moyens et exposent les magistrats bien plus que les politiques, alors que ce sont ces derniers les véritables responsables.
Les condamnations qui s'amoncellent sont le signe d'un Etat qui manque durablement à son obligation positive d'offrir aux Français un appareil judiciaire conforme aux exigences modernes de la Démocratie et de l'Etat de droit.
La pensée politique française paraît mépriser le droit. Il est pourtant temps que le pouvoir en France fasse la distinction entre l'apparence du droit et la conscience du droit, sous peine d'être poursuivi comme un criminel, un faussaire, avec la bénédiction du droit du Conseil de l'Europe, s'il ne sait pas évoluer avec son époque.
Mais le plus exposé n'est pas celui qu'on croit et les magistrats auraient tort de trop se sentir à l'abri. La décision de la CEDH est un coup de semonce. Compte tenu de l'accès direct des particuliers au CSM, l'évolution n'est pas anodine.
Comme la décision de la Cour de Strasbourg le montre, les magistrats sont en première ligne et risquent de payer pour l'exécutif. La frontière entre une décision de justice manifestement erronée et le faux en écriture publique tend en effet à s'amincir sérieusement.
La magistrature est donc directement interpelée quant à son avenir et doit s'inquiéter très sérieusement du degré d'incertitude judiciaire dans lequel la place le politique avec ses discours hallucinés et ses dérapages juridiques.
Il devient de plus urgent pour l'autorité judiciaire de s'émanciper véritablement de l'influence d'un pouvoir politico-administratif délirant - comme l'illustre le ministère de l'intérieur avec les Roms ou le délire sécuritaire - ou du monde de l'argent - voir l'affaire Bettencourt - dans laquelle elle risquerait d'être entraînée et disparaître avec lui.
Le mot magistrat a une étymologie qui le rend incompatible avec l'esprit de domesticité publique qui tend à caractériser l'inertie de la médiocrité fascitoïde qui domine les affaires publiques et désespère Billancourt.
Une démocratie dans laquelle le droit apparaît comme un recours contre le politique n'est plus vraiment une démocratie. C'est le problème de la France d'aujourd'hui. Et c'est de Strasbourg que vient l'alerte. Non seulement le fossé s'accroît entre le pays réel et le pays légal, mais en plus, la CEDH nous explique, par chacune de ses condamnations, que le pays légal n'est même plus légal. Finalement, avec un tel héritage UMP et une telle inertie PS, le FN n'a plus grand chose à faire.
Avec de tels moulins à vent, il est étonnant que l'éolien n'ait pas rencontré plus de succès en France.
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