La CEDH a confirmé l'arrêt Medvedyev - quoiqu'en dise le garde des Sceaux - et l'obligation d'assurer au justiciable l'accès immédiat à un juge indépendant. Exit la réforme de la procédure pénale et la suppression du juge d'instruction. Exit également le projet de loi Besson.
La Grande chambre ne réforme pas l'appréciation de l'arrêt du 10 jullet 2008 reprise au § 41 (le procureur n'est pas un magistrat indépendant) et elle adresse un avertissement clair au législateur : la privation de liberté doit être placée sous le contrôle d'un magistrat indépendant de l'exécutif et des parties :
124. Le magistrat doit présenter les garanties requises d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l'instar du ministère public, et il doit avoir le pouvoir d'ordonner l'élargissement, après avoir entendu la personne et contrôlé la légalité et la justification de l'arrestation et de la détention (voir, parmi beaucoup d'autres, Assenov et autres c. Bulgarie, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, §§ 146 et 149). Concernant la portée de ce contrôle, la formulation à la base de la jurisprudence constante de la Cour remonte à l'affaire Schiesser précitée (§ 31) :
« (...) [A] cela s'ajoutent, d'après l'article 5 § 3, une exigence de procédure et une de fond. A la charge du « magistrat », la première comporte l'obligation d'entendre personnellement l'individu traduit devant lui (voir, mutatis mutandis, WinterwerpIrlande contre Royaume-Uni, 18 janvier 1978, série A no 25, § 199) », soit, en un mot, que « le magistrat se penche sur le bien-fondé de la détention » (T.W. et Aquilina, précités, respectivement § 41 et § 47)... ; la seconde, celle d'examiner les circonstances qui militent pour ou contre la détention, de se prononcer selon des critères juridiques sur l'existence de raisons la justifiant et, en leur absence, d'ordonner l'élargissement (...)
128. Reste que cette présentation aux juges d'instruction, lesquels sont assurément susceptibles d'être qualifiés de « juge ou autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » au sens de l'article 5 § 3 de la Convention, n'est intervenue que treize jours après leur arrestation.
129. Or la Cour rappelle que, dans l'arrêt Brogan, elle a jugé qu'une période de garde à vue de quatre jours et six heures sans contrôle judiciaire allait au-delà des strictes limites de temps fixées par l'article 5 § 3, même quand elle a pour but de prémunir la collectivité dans son ensemble contre le terrorisme (Brogan et autres, précité, § 62). Elle a également jugé contraire à l'article 5 § 3 une période de sept jours avant d'être traduit devant un juge (Öcalan, précité, §§ 104-105).
La France a été condamnée pour violation de l'article 5§1 (atteinte à la liberté et à la sûreté).
Quant au Barreau, il a prit l'initiative de plaider devant la justice l'illégalité de la garde vue française - au regard du standard de la Convention européenne - en profitant d'une opportunité offerte par Synergie Officiers pour s'en saisir.
L'ensemble de ces débats judiciaires conduisent le gouvernement à revoir sérieusement ses projets de réforme et, notamment, à augmenter considérablement le nombre de magistrats "indépendants" pour être en conformité avec les droits de l'homme et les engagements internationaux de la France.