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Billet de blog 2 mars 2014

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La disparition d'Alain Resnais

Alain Resnais est mort, je me permets d'écrire ici ce petit billet en hommage à l'homme qui, avec son compère Chris Marker, m'a donné envie de devenir cinéaste.

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Alain Resnais est mort, je me permets d'écrire ici ce petit billet en hommage à l'homme qui, avec son compère Chris Marker, m'a donné envie de devenir cinéaste.

Grâce à mon camarade Christophe Ruggia, j'ai pu voir son dernier film, Aimer, boire et chanter, une œuvre incroyablement intelligente et subtile. Une adaptation de la pièce de théâtre Life of Riley d’Alan Ayckbourn qui sort ce mois-ci en salle. Les acteurs y sont particulièrement justes. Ils interprètent un texte qui les fait naviguer selon leur rôle et les péripéties, entre la sincérité, les confidences, le mensonge, les manigances, et la répétition d'une pièce. Alain Resnais nous entraîne à sa suite, lentement tout d'abord, puis complétement, dans une jubilation intellectuelle qui est bien trop rare aujourd'hui. On voit dans ce film, à la fois le plaisir qu'il a à mettre en scène et comment il trouve des solutions au manque de moyens...

Dans ce film on voit bien que tout est possible aujourd'hui et qu'Alain Resnais est adepte du collage, de l'utilisation de toutes les techniques qu'il trouve à sa disposition. Je ne vais pas écrire ici un article de critique de cinéma, ce n'est pas mon rôle. Mais au lendemain de sa disparition, je me souviens qu'Alain Resnais avait fait ses études à l'IDHEC comme monteur, et j'ai choisi de suivre exactement sa trace. Je me souviens que modestement, il s'entourait d'auteurs brillants, Marguerite Duras, Jean Cayrol, Jorge Semprun, Jacques Sternberg. Ce que j'admirais le plus dans son œuvre, quand j'étais étudiant, c'est qu'il était pour moi le prototype de cet honnête homme, réalisant à chaque fois des œuvres maîtrisées, aux formes différentes, mais totalement construite, tout en traitant de sujets politiques, moraux, que si peu travaillait.

Il a fait des films, pas traité des sujets. Pourtant c'est lui le premier qui a réalisé un film sur la destruction des juifs en Europe, à une époque où un silence complet régnait. Je me souviens du choc, de la révélation pour moi à onze ou douze ans quand j'ai vu Nuit et brouillard. Je me souviens de ma joie, en montrant, à un de mes enfants, alors âgé de 10 ans, qui est resté scotché devant Les statues meurent aussi. Alain Resnais a construit une œuvre profondément politique, ancré dans son époque, jouant le rôle même dévolu aux artistes: émouvoir, faire réfléchir, prendre position, ne jamais injurier l'avenir.  

Le producteur, Jean-Louis Livi, a fait une petite introduction avant la projection, parlant de lui comme d'un jeune cinéaste préparant déjà le suivant. Tout le monde savait dans la salle qu'Alain Resnais était vraiment malade.
Quand je suis rentré à l'IDHEC, Louis Daquin m'a demandé ce que je voulais faire, et je crois bien lui avoir répondu par bravade: "Je veux faire Alain Resnais". Je crois, modestement, que j'ai bien réussi, à suivre cette voie: je serais toujours, quoiqu'il arrive, en train de préparer le prochain.

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