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En tout cas, pour la "gestion" de ces deux dossiers, le Président de la République s’est aligné sur une pensée d’ultra-droite, masculiniste qui ne correspond en rien à l’idée que la majorité des français se font de leur fierté.
C’est Éric Zemmour qui cherche à reconquérir pour tous les hommes la place dominante que le patriarcat en pleine débandade perd (bien trop lentement); c’est lui-aussi qui veut que le « droit du sang » détermine l'identité; enfin lui demande un soutien absolu à Israël…
Si Emmanuel Macron flirte avec cette ligne - la ligne Zemmour - il devrait pourtant savoir que ce n'est pas celle-ci qui a été adoubé par le vote des Français.
Si j’écris ces lignes, ce n’est pas pour rajouter mon grain de sel à la mauvaise sauce qui mousse dans l’actualité, mais pour indiquer que chez ceux qui travaillent dans les métiers du cinéma (au sens large) - qui seraient coupable de complicité avec le « monstre sacré » - il y a des personnes et des œuvres que le Président de la République aurait du choisir d'entrendre plutôt que de suivre certains acteurs ou metteur en scène de théâtre…
« Il rend fier la France » a dit d’un ton grave et pénétrant le Président… Je ne suis ni juge, ni procureur, mais franchement, même si Gérard Depardieu n’avait pas prononcé des phrases dégueulasses ou été filmé en plein harcèlement de la pauvre traductrice coréenne, le fait même qu’il se soit rendu en Corée du Nord, avec l’objectif de serrer la pogne d’un dictateur (ce qu’il fait avec d'autres depuis des lustres) aurait du « empêcher » Emmanuel Macron de le dire.
« Il rend fier la France »?
Ce qui rend fier d’être français, par exemple, c’est de vivre dans un pays qui depuis François premier donne la nationalité à tout individu qui naît sur le sol de France, pas les blagues salaces, les mains baladeuses et la vulgarité.
Or Emmanuel Macron avec son Ministre de l’intérieur (lui aussi mis en cause et blanchi pour des questions de sexualité trouble) écorne magistralement notre fierté (à nous tous) en continuant à désigner les immigrés comme des personnes potentiellement dangereuses alors même que la « réalité » des études économiques ou sociologiques prouvent que nous avons un besoin énorme d’immigration, que nous ne sommes pas du tout le pays qui en accueille le plus en Europe, et que le lien qui est constamment fait par l’extrême droite (et maintenant la droite, et d'autres dans la minorité présidentielle) entre immigration et délinquance est juste fantasme, une chimère, un épouvantail à l’usage de politiciens sans programme.
Le mélange entre « sexualité » « droit du sang » « délinquance » « immigration » « sécurité » appartient à la nébuleuse identitaire d’ultra-droite.
Consciemment ou non, quand Emmanuel Macron mentionne Gérard Depardieu de manière élogieuse, il participe à une mobilisation très bien décrite par Médiapart: « (une) contre-offensive qui s’organise par l’intermédiaire de réseaux d’extrême droite, entre médias réactionnaires du groupe Bolloré et soutiens d’Éric Zemmour. » . Prétendre que les images de Corée du Nord ont été manipulé (ce qu’un huissier convoqué par la direction de France Télévision avait déjà démenti) ne fait qu'accréditer un mensonge… https://www.mediapart.fr/journal/france/291223/affaire-depardieu-une-c...
Comment pouvons-nous tolérer qu’un Président de la République accrédite ce genre de fake news?
Seul 1% des violeurs sont condamnés par la Justice! Comment s’étonner alors que ce soit les réseaux sociaux ou les plateaux télé, les journaux - dont Médiapart - qui instruisent des prçcès? Si la Police et la Justice s'organisaient pour protéger réellement les femmes avec des crédits suffisants, il n’y aurait pas la tentation d’un tribunal populaire qui ne correspond en rien à nos valeurs démocratiques.
Les moralistes Macronien ne peuvent pas nous évoquer la « présomption d’innocence » quand à propos de la violence faite aux femmes, la justice n'est rendue que dans une proportion chétive qui permet à bien des agresseurs de continuer à vivre innocemment. Nous ne vivons pas sous la protection de l'état de droit mais plutôt dans une société où le droit de cuissage de l’ancien régime continue de sévir, dans bien des milieux...
Quand le Président de la République évoque le nom de celui qu'il voit en "monstre sacré", il oublie le sens du mot "monstre". Ne défend-il pas le privilège du seigneur méchant homme?
Quand il fait sien les propos de Yannis Ezziadi à propos de la manipulations des images par l'équipe de Complément d’Enquête, il s'adonne à la propagation de Fake news et d'autres mensonges de Yannis Ezziadi qui parle de « terreur » en expliquant que « les hommes auraient peur des plaintes ». L’immense majorité des plaintes n’aboutissant jamais les hommes de droite ou d'extrême-droite manqueraient-ils à ce point de courage? Le mot "plainte" aurait-elle le pouvoir d'une gousse d'ail face à ces vampires?
Emmanuel Macron aurait évidemment dû « en même temps » qu’il parlait du Grand Gégé parler des victimes et il aurait été bien inspiré d'inciter les citoyens à regarder l’excellente série « Sambre » réalisé par Jean-Xavier De Lestrade qui décrit parfaitement l’aveuglement de la Police, de la Justice, des gens ordinaires et la profondeur des traumatismes créés, la destruction définitive des vies pour certaines femmes agressées qu’on n’a pas cru, qu’on n’a pas aidé et à qui on n’a pas rendu justice.
https://www.france.tv/france-2/sambre/
On pourrait aussi regretter que Brigitte Macron ou lui-même n’ai pas regardé le téléfilm du même Xavier De Lestrade sur l’affaire Courjault où ce réalisateur démontre avec brio que les MONSTRES n’existent pas et que cette meurtrière de nouveaux nés, les siens, a d'abord été une victime du patriarcat régnant, et de la domination masculine.
Il n'y a de "monstre sacré", de "monstre", de "barbare" que dans les fantasmes de ceux qui croient aux légendes urbaines comme celle du grand remplacement, qui attisent le sentiment d’insécurité, construisent de fausses corrélation entre immigration et délinquance. Il n'y a que la triste condition humaine qui pousse certains politiciens à utiliser des fables pour obtenir le pouvoir. Une phrase à propos de Gégé qui nous rendrait fier n'est pas anodine, puisque les statistiques, la réalité des faits, la recherche sociologique indiquent que les agressions contre les femmes est phénomène de masse
Xavier De Lestrade qui commença sa carrière en 1993 avec un film Viols et châtiments qui ne sera jamais diffusé, disait à ce propos:
« Le premier « vrai » documentaire que j’ai fait s’appelait un peu pompeusement Viols et châtiments. Je me suis rendu compte en regardant les rôles des tribunaux, partout en France, que plus de 50 % des affaires qui passent en cour d’assises concernent des histoires de violences sexuelles et pourtant ce n’est pas ce qui ressort dans l’actualité. Longtemps ce type de criminalité est passé sous les radars, considéré comme pas si grave. Cela dit beaucoup de notre société. Pour ce documentaire j’ai donné la parole à trois hommes condamnés, c’était une première et c’est d’ailleurs pour cela que le film n’a jamais été diffusé. On m’a dit qu’il était un peu dérangeant, que les spectateurs n’étaient pas prêts pour ce genre de sujet. C’était il y a trente ans… cela ne m’a pas découragé et j’ai enchaîné sur deux films sur les rapports de l’inceste et la justice, qui ont, eux, été diffusés et remarqués dans plusieurs festivals. »
https://www.lasemaine.fr/jean-xavier-de-lestrade-parfois-un-film-peut-faire-changer-la-societe-en-bien/
La télévision petite lucarne sur le Monde aux volets toujours clos sur bien des réalités.
50% des affaires concernent des violences sexuelles? Où sont les articles en UNE des journaux pour raconter cela? On sait par ailleurs que les féminicides, les viols sont la plupart du temps perpétrés dans les familles, par des membres de ces familles ou des proches. Mais CNews, BFMtv, l’actualité du service public ne nous parlent seulement que des crimes des rôdeurs (comme cette histoire d’un homme qui a embrassé sur la bouche de force une gamine de 7 ans au Trocadéro dans la soirée du samedi 30 décembre. A-t-il été condamné à 30 mois de prison - dont 18 fermes - pour nous démontrer que la Justice changeait?)
Le Président aurait été bien inspiré au lieu de défendre Depardieu d'expliquer combien il a échoué à faire baisser le nombre de féminicides en France, et que ce n'est pas en étant fier de Depardieu que ce triste bilan baissera... Non pas que l'exemple de l'acteur pousserait à frapper sa femme, mais qu'il serait temps de comprendre que l'incivilité majeur de nos sociétés c'est de ne pas avoir réussi à vraiment créer les conditions de l'égalité pure et simple entre les hommes et les femmes.
Le Président pourrait aussi regarder avec intérêt « Icon of French Cinema » de Judith Godrèche pour se faire une meilleure idée d’une certaine forme du cinéma français, mais il a tellement de choses plus importantes à faire.
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-024496/icon-of-french-cinema/
On pourrait regretté qu’Emmanuel Macron ne soit pas plus raisonnable, et ne cherche pas à surfer sur des opinions révélées par des personnes qui ont mal lu Norbert Élias et qui ont cru probablement plus aux textes de Renaud Camus.
Il faudra que je creuse dans un autre billet - pour bien commencer l’année- ce que la « décivilisation » veut dire... Elle ne vient pas des incivilités des gueux, mais plutôt de l’absence de morale, de pensée et de boussoles des dirigeants?
En tout cas défendre Depardieu de la sorte semble fort peu civil.