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Billet de blog 6 mai 2024

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Génocide

Alain Finkielkraut a été reçu, hier, dimanche 5 Mai 2024, durant l'émission BFM politique, comme s’il était un leader indispensable à la compréhension et la marche du Monde… Je cite une de ses phrases, une seule : « parlez de génocide à Gaza, c’est être antisémite ».

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Illustration 1
Capture d'écran © BFMtv

Il pourrait paraître amusant de regarder s’agiter un « vieux réac » (c’est lui qui se définit ainsi) éructer à la télévision, si tout ceci ne se passait pas à la veille d'une nouvelle offensive Israélienne. 

Le tragique n'a rien d'amusant, la volonté génocidaire des ministres fascistes israéliens ne fait aucun doute... alors l'usage du mot "antisémite" devient un voile impudique sur l'horreur.

Ce personnage, obsolète, « immortel » et perdu, ne devrait pas bénéficier d'une heure de médiatisation sur un platea pour y déverser des contre-vérités plus grosses que lui. La propagande pro israélienne contamine l’information en France. Il y a des milliers de personnes, plus diplômés, plus travailleurs, plus experts, plus intéressants que ce vieil homme animé par son seul ressentiment et qui bénéficie encore d’une heure d’émission par semaine sur la chaîne radiophonique dite culturelle et où il a déjà officié 827 fois, sans pour autant apporté quoique ce soit de vraiment positif. 

Que le terme « génocide » - employé pour définir le projet de Benyamin Netanyahou- lance une si grande polémique - à sens unique - au détriment des faits, de l’histoire et de la raison, montre combien, en France, au moins, cette notion reste floue et incomprise. Mais surtout cela démontre combien le débat démocratique lui aussi est de plus en plus vicié.

Les écrits de Tzvetan Todorov sur la "compétition victimaire" ne sont pas parvenus à la conscience des animateurs de télévision. Tout se passe comme si la structuration de la p,ensée raciste allemande (et non Nazi) ne s’était pas constitué en Namibie en 1904, avec un Eugen Fischer, durant le Second Reich Allemand (pas le troisième). Tout se passe comme si les militaires allemands, en 1915, n'avait pas "conseillé" les génocidaires turcs pendant le massacre des Arméniens. La Shoah est dans l'esprit de certains un événement unique dans l'Histoire.

Alain Finkielkraut nous interdit de prononcer le mot « génocide » pour désigner les massacres perpétrés par Tsahal, ou la politique annoncée, proclamée, revendiquée par l’extrême droite israélienne de  « vider le territoire de Gaza » et de s'approprier la Cisjordanie, au nom de quoi? D'un credo, d'une foi, d'un catéchisme qu'il n'utilise comme un perroquet. Ce n'est pas une pensée élaborée, c'est un dogme qu'on lui laisse prêcher à longueur d'antenne…

Il fallait voir le même « journaliste », Benjamin Duhamel - l'héritier de son micro- s'en prendre à Rima Hassan, répétant, répétant, comme dans un interrogatoire caricatural de police, la même question. Autant il avait écouté pieusement, a midi, Alain Finkielkraut, autant il exigeait que la septième sur la Liste des Européennes de LFI - qu'il traitait comme une prévenue - avoue ses pêchés au cours de son émission "C'est pas tous les jours Dimanche".

Alain Finkielkraut ne parle, ni de faits, ni d’une analyse, mais d’une sacralisation que Benjamin Duhamel s'octroie.

Pour Alain Finkielkraut, Auschwitz c'est le point zéro de toute réflexion, un point indépassable. Alors qu'Auschwitz est l'aboutissement de toute une culture, d'une économie et d'une idéologie bien ancienne, qui continue à irriguer nos sociétés. Jacques Ellul, à l'inverse de tous ces contemporains écrivait, dés 1945, qu'Hitler "avait gagné". Alain Finkielkraut a-t-il jamais lu ce penseur écolo-protestant?

De nouveaux génocides sont probables quand des politiques coloniales ou impérialistes sont mises en pratique sur des territoires conquis.

Il serait enfin temps de décrire (parce que cela empêche de voir et d’entendre, de comprendre les faits et la période que nous vivons) autrement et s'en tenir à la définition scientifique de «la destruction des juifs en Europe »  -  le terme historique consacré-

Les génocides pullulent dans l'Histoire... même si ce mot est né de celui perpétré pendant la deuxième guerre mondiale... Mais qui parle des Roms? Des Slaves?

Pour ne pas écrire un billet trop long, je vais donner une référence lointaine l

La lecture de la traduction - parue cette année au éditions Wildproject - d’un livre d’Amitav Ghosh « La malédiction de la muscade » pourrait faire taire bien des excités. Mais encore faudrait-il le lire.

Cet ouvrage commence par la description d’un génocide perpétré par des Hollandais, dirigés par Jan Pieterszoon Coen qui débarque, le 27 février 1621, à Fort Nassau aux Banda (annexé prélablement en 1511) à la tête d’une flotte amenant 1655 Européens, 286 javanais, 100 samouraïs (des rōnin), auxquels s’ajoutent la garnison déjà en place ne comptant que 250 militaires pour une expédition punitive qui deviendra un véritable génocide. Mot qui n’existant pas à l’époque, n’a pas été utilisé et n'a pas qualifié le massacre permettant de remplacer toute la population. Pour être plus précis encore, cela commence par un éposode organisé par un officier, Martin Sonck, le 21 avril 1621.« Il a fallu moins de dix semaines pour mettre fin à leur monde » est-il écrit page 40. Ce qui ne veut pas dire que toute la population fut massacré, certains furent mis en esclavage et déplacés, une centaine ou plus réussissant à s’enfuir. Mais  « La malédiction de la muscade » déroule comme dit son sous-titre « une contre histoire de la modernité » pour, à la fin, essayer de démontrer que le génie du lieu, le paysage, la végétation, la nature a recréé aujourd’hui une communauté similaire  (c’est mon terme pour aller vite) que celle qui fut détruite au XVIIème siècle, alors que les habitants d’aujourd’hui, viennent tous d’ailleurs et de bien des contrées, et n’ont donc plus rien à voir avec ceux d’avant. 

C'est juste la "nécessité" économique du contrôle du commerce de la noix de muscade, c'est à dire la volonté d'hégémonie et de monopole qui a "autorisé" ces conquérants au massacre. Une possession à la noix.

Mais revenons au sujet de ce billet.

Raphaël Lemkin, le juriste qui inventa à la fin de la seconde guerre mondiale le terme de « génocide» le définit comme « tout acte commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel » Selon lui, il suffit d’une conspiration pour employer ce terme. Les multiples déclaration des extrémistes de droite en Israël qui ont été souvent répétés et rapportés, suffisent à établir - sans juges, et sans procès - cette intention, ou ce souhait d'une partie de ceux qui gèrent l'attaque du territoire de Gaza. Ce sont des faits "avérés".

Si Rima Hassan, ou les étudiant de Sciences-Po sont tous admonestés par des « gens du bien » pour les faire taire, qui les soupçonnent ou les accusent d'antisémitisme cela relève plus d'une intimidation que d'un débat démocratique. Mais l'agitation créée révèle une altération incroyable de la liberté d'expression.

L’Histoire jugera, mes propos et tous les autres.

Mais qui dans ce pays s’intéresse à autre chose qu’à une pseudo histoire officielle, plus prêt des hagiographies médiévales que des preuves archéologiques. 

Le premier novembre 2023, Didier Fassin écrivait, lui aussi, dans AOC, je crois, à propos de la Namibie « On estime que seuls 15 000 des 80 000 Hereros ont survécu. Ils sont mis au travail forcé dans des "camps de concentration" où beaucoup perdent la vie. Le massacre des Hereros, qualifié par les Allemands de "guerre raciale" est le premier génocide du XXème siècle, considéré par certains historiens comme la matrice de la Shoah quatre décennies plus tard. Dans Les Origines du totalitarisme, la philosophe Hannah Arendt elle-même a établi un lien entre l’entreprise coloniale et les pratiques génocidaires.  Comparaison n’est pas raison, mais il y a de préoccupantes similitudes entre ce qui s’est joué dans le Sud-Ouest africain et ce qui se joue aujourd’hui à Gaza.»        

Ce que généralise Amitav Ghosh, à la page 53, de son ouvrage: « Le massacre de Banda suivi donc le modèle repris lors de la plupart de premières "exterminations" coloniales, car la technologie de l’époque ne permettait pas de perpétrer des massacres à l’échelle industrielle. Généralement, les populations étaient éliminées par la destruction d’éléments essentiels au réseau vital qui les alimentait : par exemple, par la déforestation, ou l’abattage massif d’animaux indispensable à leur alimentation »
Le génocide des îles Banda avait été perpétré uniquement pour assurer le monopole du commerce des épices pas les Hollandais, absolument pas pour des raisons raciales (notion qui n'existait pas non plus à l'époque).  

On aimerait qu'Alain Finkielkraut, Benjamin Duhamel lisent avec honnêteté ce genre de livre ou d'articles.

On aimerait que Benjamin Duhamel quand il rappelle  au soit-disant philosophe sa participation à Mai 68, en lui offrant un statut d’ancien combattant idéologique, on aimerait qu'il soit plus précis.  Est-ce que l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJCml),  organisation à la quelle appartenait Alain Finkielkraut, si je ne me trompe, a participé vraiment au mouvement de Mai? Il me semble qu'elle avait qualifié de petite bourgeoise cette agitation, tout en soutenant aveuglément la Révolution Culturelle Chinoise dont le bilan macabre varie considérablement, allant de centaines de milliers à 20 millions de victimes. 

Qui est Alain Finkielkraut pour nous donner des leçons de vocabulaire?

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