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Billet de blog 7 octobre 2024

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De la fumée médiatique?

J'avais décidé de ne rien écrire aujourd'hui. Je n'arrive pas à regarder l'obscénité des programmes d'information, sur toutes les télévisions et ailleurs, ce jour... Mais la couverture de Libération m'a fait changé d'avis.

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Obscénité. © Libération

J'ai réalisé, dans ma vie,  deux films - des commandes - à propos du terrorisme. 
Philippe Alfonsi, un jour, me propose , par téléphone de produire un documentaire que je réaliserais sans pour autant me dévoiler le sujet... Voici en résumé la conversation: "On me dit que vous êtes un réalisateur courageux"... J'éclate de rire et nie en répondant: "Au contraire je suis très lâche! Mais de quoi s'agit-il?" Comme il prétendait ne pas pouvoir m'en parler au téléphone, et comme je suis curieux, j'ai "sauté" dans un taxi (sa maison de production s'appelait Taxi productions). Pendant le trajet, j'ai bien compris que j'avais déjà accepté la réalisation de ce film sans même en connaître le thème - alors que j'avais une aversion sans borne pour le terrorisme. 
J'ai donc repris les images d'une enquête de Louis-Marie Horeau (je ne dirais rien à propos de l'autre journaliste associé au projet) pour les assembler dans un film baptisé "L'homme qui n'existe pas". Ce principal personnage - que je n'ai jamais rencontré - n'existe plus (éliminé probablement par un quelconque Service Secret). Le reportage journalistique démontrait que l'attentat de la rue de Rennes, de 1986, contrairement à la version mensongère du Ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, avait été commandité par l'Iran et n'était pas d'origine libanaise. 
Depuis 1990, il y a eu de nombreuses publications, livres, émissions là-dessus qui ont établi les faits, mieux que ce premier film à ce sujet. Le documentaire expliquait bien d'autres choses que je ne répèterais qu'en présence de mon avocat (Ah ah!). Pendant toute la fabrication de cette "œuvre" nous avons été surveillé par "des membres des services". 
À la suite de la diffusion du film sur TF1 - seule chaîne l'ayant acheté - j'ai été convoqué rue des Saussaies où on m'a expliqué que le premier ministre iranien avait porté plainte contre moi (Ah ah!) et on m'a gentiment rassuré: "Je n'avais pas à m'inquiéter puisque la police étant bien faite, la France me protégerait" (Ah, ah!). Sympa de se sentir choyé et surveillé. Mais on m'a aussi dit que l'Iran était un pays patient et rancunier. Aucun des journalistes qui avaient réellement fait le travail (j'avais monté les différents éléments filmés en cachette et montrés ceux-ci dans une "habile" mise en scène où tous ces témoignages étaient diffusés sur des téléviseurs - quand vous mettez en dessous "récit de l'homme qui n'existait pas" ou "récit officiel" sous une autre, cela remet à sa place les discours: à distance) aucun n'a été inquiété... (Ah, ah!). 
Bref... Cela se passait au début des années 90. 


Bien plus tard au moment d'une affaire d'attentat à l'anthrax, un chargé de programme d'ARTE me téléphone : "Toi qui comprends bien les questions scientifiques et qui a de l'expérience, on voudrait que tu réalises un documentaire de 26mn pour expliquer quelles sont les différentes réactions chimiques ou autre des armes de destructions massives" Ce à quoi j'ai répondu: "Tu as peut-être envie, A., de proposer la diffusion d'un film qui va terroriser les téléspectateurs, et provoquer des traumatismes mais cela sera sans moi." 
Il était tellement étonné de ce que je disais, de mon refus - alors qu'il connaissait mes difficulté à faire accepter mes projets - que j'ai du lui expliquer pourquoi je ne voulais pas épouvanter le public. À la fin, il m'a dit de faire "ce que je voulais". Puis quand il a vu la première version de mon travail, il l'a refusé en bloc. Et plus tard, a accepté une autre version entièrement différente celle qui fut diffusée (beaucoup plus tard). 
La soirée prévue fut annulée. Le témoin principal de l'autre documentaire qui devait précéder le mien, avait été probablement assassiné par des membres des services (lesquels?) puisqu'il s'était officiellement suicidé, sans raisons apparentes. Et donc ce qui m'avait été demandé, c'était de réalisé un programme complémentaire à un reportage qui avait été simplement arrêté, du fait du décès prématuré du personnage qui devait tout divulguer.  "De l'usage politique des armes de destruction massive" s'est retrouvé vers minuit, sur la grille des programmes, qui attribuait le documentaire à un réalisateur allemand (par erreur, ou pour que mon n'apparaisse pas?) (Ah, ah!).

Pendant des années je n'ai plus entendu parler de mon ami, chargé de programme, qui ne m'a passé d'autres commandes. Quand le Président Français nouvellement élu a porté une autre étiquette que le précédent, dans une alternance prétendue, il m'a rappelé. J'avais dans "De l'usage politique des armes de destruction massive" un peu écorné l'image du Président Sarkozy (Ah, ah!). Ce qui est - convenons en- pas gentil du tout et surtout un peu prématuré. 
Mon ami programmateur m'ayant dit sans rire "J'ai revu ton film, et c'est drôle je l'ai trouvé bien meilleur qu'à l'époque."  (Ah, ah!) j'ai pu gagner ma vie en me mettant au service de sa chaîne encore une fois.

Mais si je raconte tout cela "précisément" c'est pour répéter et redire ce que j'ai déjà écrit ici dans mon blog. Mon second film, à propos du terrorisme, donnait la parole au Général Christian Chocquet (gendarme spécialiste des questions de terrorisme et auteur de deux livres sur le sujet, à l'époque où je l'ai rencontré) Au début du 26 minutes, il déclare: "Le terrorisme, c’est de la violence plus de la communication, c’est-à-dire que si l’acte terroriste n’est pas relayé d’une façon ou d’une autre par des médias, s’il n’est pas porté à la connaissance de la population il n’a pas d’effet. La violence elle-même, va faire un nombre généralement limité, sauf quelques exceptions, mais un nombre limité de victimes ce n'est pas efficace. L’efficacité de l’acte terroriste, c’est la peur qu’il va crée au sein de la population. Et donc il y a un effet multiplicateur de la violence par le fait des médias et c’est ce qui est recherché par le terrorisme." Il semble que "les médias" n'ont pas envie d'entendre la "leçon" et joue un drôle de jeu. Le jeu du spectacle et de la terreur... Alors qu'il faudrait vraiment ne pas s'étendre sur les descriptions, les images.

Je pourrais écrire un livre là-dessus, sur le jeu des images et des traumas... j'ai proposé cela à la meilleure éditrice que je connaisse, elle a accepté, au départ (après moult report de rendez-vous) puis plus rien. L'usage généralisé de la "go pro" par les terroristes du Hamas, le 7 octobre notamment, vaudrait bien des explications que je n'ai trouvé dans la presse que partiellement.


J'écris tout cela parce que les télévisions, les cinéastes, les documentaristes, le journaux jouent avec le feu comme le prouve la couverture obscène de Libération ce matin... 


Je vous laisse en parler, parce que moi, elle me révulse et j'ai presque honte de la publier. 



Le commentaire de début de mon "petit film" disait: « Selon certaines sources, en 2006, 2007, il y aurait eu dans le monde jusqu’à 14 500 attentats terroristes par ans. À l’exception de quelques-unes, toutes ces attaques se déroulent en dehors des pays occidentaux, en utilisant des explosifs conventionnels. Dans nos pays, pourtant, les discours politiques habituels prédisent une attaque terroriste qui emploierait des armes chimiques ou biologiques – des armes dites non conventionnelles. La lutte contre le terrorisme est avant tout une affaire de professionnels du renseignement. L’affaire des Services Secrets, où par soucis d’efficacité, les secrets sont bien gardés. L’information participe alors plus de la manipulation que de l’analyse des faits. Ce film se veut donc prudent sans évocation spectaculaire. » (…) 
L’information à propos du terrorisme me paraît toujours comme un rideau de fumée, le texte du premier commentaire de mon film se terminait ainsi: « Cette fumée serait la fumée de toutes les catastrophes probables : attentats, accidents industriels, cataclysmes nucléaires, bouleversements écologiques. Cette fumée symboliserait aussi le rideau de fumée établit par la plupart des discours sur la question. » 

Une fumée qui rend tous les discours impossibles, comme le disait Sabyl Ghoussoub, hier - dans "En Société", sur France 5- qui racontait, que depuis un an, il n’avait pas trouvé les mots (c’est un écrivain) et que les mots étaient inutiles. Il justifiait sa présence sur le plateau, apparemment contradictoire, en expliquant qu’il parlait aujourd’hui pour le Liban… 
À un autre moment de l’émission, il expliquait qu’il avait l’impression de « répéter, répéter, répéter, ce que l’on avait dit depuis plusieurs générations » 

J’ai l'impression comme lui - moi qui aurait bientôt 70 ans - que les discours sur la question Israël/Palestine (ou dans l’ordre inverse) soulèvent un nuage de mots qui forme un brouillard répétitif et inutile. Comme j’ai, avec ma solastalgie tenace, le même sentiment à propos du dérèglement climatique, j'ai l'impression que dans les deux cas, la question permet surtout de blablater, de "macronner" sans rien changer.

Les puissants veulent surtout détruire, massacrer la biodiversité ou les palestiniens (en masse) un peu moins les israéliens (espèce humaine protégée par des résolutions anciennes de l’ONU) plutôt que de préparer une paix durable entre humains ou avec la biodiversité.
La fumée des mots des dirigeants et l’obscénité des couvertures médiatiques se valent quand ils traitent de notre questions de survie... que cela soit à propos de l'existence d'Israël, de la protection des populations arabes ou palestiniennes, et de la biodiversité face à la sixième extinction. 


Les vieux comme moi se fatiguent, répètent, vous allez dire que je radote. 

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