Nous avons pu tous suivre cette semaine le feuilleton des déclarations sur Internet, à la télévision, dans les journaux, à propos de Roman Polanski, puis de Frédéric Mitterrand qui avait pris sa défense. Il me semble quela plupart de ceux qui se sont exprimés contre Polanski et Mitterrand et même quelques-uns sur le site de Médiapart semblent avoir confondus leurs fantasmes avec ce que l’on a du mal à appeler réalité.Tous ceux-là ont manqué – c’est mon avis – d’un peu de discernement. Il est vrai que c’était un peu compliqué, et que c’est plus simple de tout caricaturer. Cette logorrhée, tel un torrent de boue, a tout emporté, en mixant pêle-mêle toutes les condamnations, en jouissant de tous les amalgames. L’extrême-droite a réussi même à tirer les marrons du feu. Peu d’hommes politiques, peu de journalistes, peu d’intellectuels pour accomplir le boulot, remettre les pendules à l’heure. La grande majorité s’effraie de la montée de la colère populaire –, – elle se mesure où ? – constate le fossé qui s’élargirait entre les artistes et le peuple – où est cette faille. Tous s’écrient qu’il fallait une justice égale pour tous… Comme si la justice traitait de la même manière un SDF et un banquier ? La justice est si subjective, tellement changeante, et tout le monde fait semblant de croire que la justice est juste ? Un tas de déclarations péremptoires appuyées sur quoi ? Le buzz ? quelques écrits sur Internet ? Beaucoup de bruit pour rien, sans enquête, sans mesures, sans analyse, sans même de lecture. Parce que pour Frédéric Mitterrand tout le monde s’est contenté des bonnes feuilles en se torchant avec. Pour celui qui a lu le livre avant la polémique – comme je l’ai fait au moment de la nomination du Ministre - aucune ambiguïté : Frédéric Mitterrand est un homosexuel, pas un pédophile. Ceux qui ont attaqué Mitterrand n’aurait pas dit des choses bien différentes si l’homosexualité était considérée comme un crime. Il y a de quoi s’inquiéter ! Le premier chapitre du livre de Mitterrand ne parle justement que du soupçon qui pèse sur les gays, à propos de la pédophilie. Évidemment qui serait assez fou pour écrire des confessions sur des amours enfantines ? Pourtant cela a existé, mais, il y a trop longtemps pour que quelqu’un s’en souvienne, et les hommes politiques sont assez peu cultivés pour le savoir. De plus les écrits de Tony Duvert (Paysage de fantaisie Prix Médicis en 1973) ou de Gabriel Matzneff sont toujours en librairie, je suppose ? Et qu’on ne vienne pas me dire que je suis entrain de proposer que ces livres soient interdits.Il aurait suffi à Benoît Hamon de s’arrêter pendant une demi-heure pour lire un peu de cette Mauvaise vie afin de ne pas reprendre la formule de Marine Le Pen.
Il lui suffirait aussi de quelques heures pour se rendre compte que les mœurs changent, et que les déclarations idiotes restent. Je conseillerais d’ailleurs à tous ceux qui trouvent que la vie de Frédéric Mitterrand est condamnable de lire le sexe et l’effroi de Pascal Quignardpour comprendre que tout n’est pas si simple et que notre civilisation occidentale, gréco-romaine, n’a pas toujours stigmatisé ce qu’on appelle aujourd’hui les pédophiles. Un peu d’histoire nous montrerait que récemment le Ministère de la famille - quand Ségolène Royal était ministre - avait d’ailleurs fait une belle campagne médiatique pour ériger le pédophile au niveau du monstre qu'il est devenu. L'ordre juste peut avoir ensuite comme conséquence des affaires comme celle d'Outreau.
L'enfer est pavé de toutes les bonnes intentions de ceux qui hurlent aujourd'hui contre Polanski et Mitterrand.
Pascal Quignard montre comment l’érotisme joyeux des Grecs est passé à un érotisme de plus en plus effrayé, de plus en plus fasciné, dans le monde romain. (http://www.gallimard.fr/catalog/entretiens/01025213.htm). Cette mutation n’a mis qu’une trentaine d’années à se mettre en place (de - 18 avant l'ère à 14 après l’ère) et néanmoins elle nous enveloppe encore et domine nous passions, peut-on lire dans l’avertissement de Pascal Quignard, page 11 de l’édition de poche.30 ans c’est un peu moins de temps qui ne sépare l’arrestation de Roman Polanski à Zurich à la date des faits qui lui sont reprochés. Il y a des mots magiques, en ce moment : pédophilie, tourisme sexuel qui font bouillir les cerveaux avant même qu’il ne se soit mis à réfléchir, alors qu’il y a trente ans ces mots-là n’étaient pas usités. Ce genre de mots qui conduit à des erreurs judiciaires comme au procès d’Outreau ou à d’autres drames. Parce qu’il y aurait 1,7% de récidives, à la sortir de prison, chez les criminels sexuels (combien sont-ils en France ?), la castration chimique serait à l’ordre du jour, pour quelques individus alors que personne ne s’inquiète de la fuite des neurones chez une partie de la population française. Toutes les études menées depuis que les prisons existent montrent que la prison ne sert à rien. Tous les rapports démontrent que la situation dans les prisons est terrible. Mais un Frédéric Lefebvre préfère parler de castration chimique ! Il est plus facile d’avoir l’air efficace quand on soulève un problème qui n’existe pas, cela permet de le résoudre. Le parti de la peur est au pouvoir et tout est bon pour agiter des épouvantails ce qui évite de se poser les bonnes questions et d’augmenter le pouvoir d’achat. Au fait s’il y a une crise dans le monde capitaliste, c’est d’abord et avant tout parce que les salariés ne sont pas assez payés… Parlons de cela !Le fait que Frédéric Mitterrand - que je défends ici - soit éclaboussé par toutes ces polémiques, pourrait être amusant – puisqu’il fait partie d’un gouvernement dont la légitimité est due en grande partie à la manipulation du sentiment d’insécurité – mais toute cette confusion fait du dégât et pas seulement dans son camp. Je me souviens d’un poème que Paco Ibanez chantait du temps de Franco, où il disait : On est entrain de toucher le fond.Et c’est ce qui se passe en France, le niveau zéro du débat, l’impossibilité d’envisager quelques nuances, le blanc et noir, point barre. Ok, je suis un peu dur, l’émission Mots-croisés, de France 2, sur les suicides à France Télécom, a permis à un syndicaliste de parler en direct à la télévision ce qu’il disait était incroyablement fort. Et pourtant au Zapping le lendemain c’est l’attaque violente contre Mitterrand de Marine Le Pen, pendant le deuxième débat de l’émission, qui est passé… J’ai même entendu qu’elle avait un peu changé le texte d’une mauvaise vie en accolant jeune au mot garçon dans la citation, mais je n’ai pu vérifier. De là à dire que Marine le Pen a planté l’arbre qui cache la forêt ? En tout cas plus personne ne parle de Roman Polanski qui est toujours en prison et là c’est un vrai scandale – et je pèse mes mots. Tout de même cela tombe très bien, cette arrestation au moment où la Suisse tente de se refaire une virginité en ce qui concerne les évasions fiscales et le secret bancaire. Si je défends Roman Polanski c’est parce que c’est juste une évidence. Dès que des voix se sont élevées pour prendre sa défense, il y a eu un contre-feu qui a tout embrassé. Si Roman Polanski s’est rendu coupable d’un crime, d’un viol sur une fillette, quand on écoute son avocat, l’histoire n’a pas l’air si simple. Le cas a été jugé, la victime désire par dessus tout qu'on ne revienne pas sur cette histoire. La parole a été donnée à la défense après que Frédéric Mitterrand se soit fait attaquer. Quelle est cette justice américaine qui plus de trente ans après repasse le plat, comme on fait revoter aux Irlandais, la constitution européenne. Polanski qui est Français à le droit d'être jugé par le droit Français, trente ans après le crime est proscrit.Roman Polanski devrait être en liberté dans l’attente du procès à propos de son extradiction, parce qu’à son âge et après temps d’année, il ne va pas récidiver. Les magistrats suisses ont l’air de ne pas avoir beaucoup confiance dans leur police en prétextant qu’il pourrait se sauver. La preuve que Roman Polanski ne bénéficie pas d’un traitement de faveur parce qu’il serait artiste, au contraire, est bien ici montrée.Les faits sont assez bien expliqués dans un texte de l’Associated Press que j’ai trouvé facilement sur le site du Nouvel Observateur. http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/international/ameriques/20091003.FAP6434/roman_polanski_avait_accepte_de_verser_500.000_dollars_.htmlNe comptez pas sur moi pour sortir les détails précis des accusassions, ni de publier la description des faits par la victime présumée –comme c’est bizarrement écrit par l’A.P. - lors de la procédure judiciaire. Samantha Geimer a autant envie que Polanski qu’on la laisse tranquille, et qu’on ne revienne pas sur son cauchemar. Du point de vue de la victime, il n’y a pas besoin d’un procès puisque apparemment il y a eu réparation. Pourquoi un peu partout des voix s’élèvent pour fustiger Frédéric Mitterrand ou les cinéastes signataires d’une pétition ?Il paraît assez clair que la seule chose qui justifie l’arrestation de Roman Polanski c’est un délit de fuite.Et j’ai lu, – je ne connais rien au droit américain - qu’à partir du moment où une nouvelle procédure est en marche tous les accords et les jugements anciens tombent.Il faut libérer Polanski.