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Souvenons nous au début de cette élection (cela paraît si loin) avant les primaires des partis, le récit médiatique prédisait une histoire simple : Les français se désintéressaient de la politique et l’équation électorale n’avait pas d’inconnue : Alain Juppé l’emporterait sur la femme infâme… Pourtant Juppé appartenait à la vieille garde appelée à valser comme tous les autres. On se souvenait de sa condamnation qui se métamorphosait bizarrement en une vertu morale, lui avait endossé avec courage et fidélité la faute des autres.
Mais dans la réalité le peuple comme le roi réclamait un changement d’étoffe.
Durant le tissage de la nouvelle fibre, dans le conte d’Andersen, les courtisans et les ministres sont envoyés un à un en éclaireur pour répondre à l’impatience du roi. Leurs yeux ont beaux scruter le métier à tisser, ils ne voient rien puisqu’il n’y a rien à voir. De peur de se découvrir « sots et/ou inaptes », pour donner le change (c’est joliment politique) ils s’ingénient alors tous à vanter la couleur, la brillance, le touché de la matière révolutionnaire. Au moment de la présentation du costume, le roi lui même ne perçoit que du vide dans les mains des deux escrocs, mais pris au piège des apparences, prétendant à la vérité, il s’habille de mensonge.
Seul un enfant, à l’étoffe d’un héros, lancera l’alerte en criant « le roi est nu. »
Cette histoire est cousue de fil blanc, et j’ai bien raison de vouloir raccorder la fable à la réalité… Andersen a écrit cette fable pour parler du président Hollande, tous les historiens vous le diront.
Comme l’écrivain, Simon Leys au moment de la Révolution culturelle en Chine fut le premier a dénoncer Mao en s’appuyant sur Andersen : « L’auteur de ces lignes (…) s’est trouvé poussé sous la pression de l’évidence issue des textes, des faits et des témoignages personnels (…) à s’exclamer comme l’enfant du conte: « Le grand-duc Mao est tout nu ! »
Nous sommes tous capables aujourd’hui dans une situation bien moins atroce de crier à la nudité flagrante des politiciens professionnels ! L’élection d’Emmanuel Macron serait une manière (si l’on se veut optimiste) de renouveler la garde-robe politicienne.
Nous savons tous depuis le début, qu’avec la présence du Front National annoncé pour le deuxième tour, n’importe quel pingouin aurait été élu pour qu’il ne passe pas.
Nous le savons, mais pourquoi est-ce Macron Emmanuel qui ce dimanche 14 mai 2017 devient, si jeune, le Président de la République en remplacement de tout autre ?
Rappelons une phrase de l’évangile qui est tout à fait d’actualité : « Ils ont des yeux pour ne pas voir ». Cette phase est digne de Sigmund Freud: La perception que nous avons des faits n’est jamais réelle. C’est notre foi qui nous fait voir et pas nos yeux. L’électeur, lui en adulte consentant et crédule boit les discours, croit plus sa foi dans son candidat ou son programme alors même qu’il a sous les yeux la preuve du contraire. Ceci est valable pour tous les électeurs, moi y compris.
L’anthropologue Maurice Godelier parle de Magie dans le rituel catholique ! « Ceci est mon corps, ceci est mon sang ! » Si nous sommes un pays à tradition chrétienne pas étonnant qu’avec une telle pratique magique de cannibale, on puisse être si loin de la réalité.
On peut expliquer l’importance du vote pour Marine Le Pen avec des arguments savants et des études sur les conditions sociales des électeurs du Front – c’est juste – mais il peut y avoir bien d’autres manières de l’expliquer en même temps. Chacun perçoit parfaitement la laideur crue de la candidate d’extrême droite – le débat d’entre les deux tours était bien éclairant-. Mais ses électeurs - 11 millions !- continuent d’aimer la fable qu’elle raconte. Plus celle-ci se détache de la réalité sensible, plus ils aiment ses discours: Selon eux, Marine Le Pen les écoute, les représente, crie, vocifère crache pour eux. Ils votent Le Pen comme on joue au loto, ils mettent leur bulletin dans l’urne comme on pose 2 euros 20 sur le comptoir du bar tabac, ils s’achètent un peu de rêve. Ils imaginent le jour formidable où tous les arabes, les noirs ou les juifs auront quittés leur quartier. Ils votent, et oublient en rêvant que justement dans leur quartier, il n’y a aucun arabe, aucun noir, aucun juif et que la question n’est pas là. Ils veulent bien rejouer au loto électoral, chaque fois, pour rêver à un monde blanc de blanc qui n’a jamais existé. Exclus, perdus, abandonnés, ils rêvent à une Mère Noël qui n’a même pas besoin de remplir sa hotte de cadeaux. Toutes les promesses du Front National sont toujours tenues puisque jamais appliquées sur le plan national.
Pourtant quelque fois, par hasard, il y a des joueurs de lotos qui gagnent, et ce n’est pas parce que les électeurs du Front National ne sont que des rêveurs, qu’à un moment Marine Le Pen ne gagnera pas un jour. Pour empêcher cette catastrophe, il faudrait un vrai combat politique qui n'a pas existé. Emmanuel Macron a même protéger son adversaire en ne l'attaquant pas au fond...
Au soir du 7 mai, pour ce qui nous concerne, pendant la longue marche du président élu vers le podium dressé devant la pyramide du Louvre, en regardant les images nous avons eu tout devant les yeux. La vérité éclatait dans cette mise en scène. Et certain sont resté tout aussi aveugle que les électeurs d’extrême droite.
Il nous suffit pourtant d’écouter l’enfant qui est en nous : De Révolution (titre d’un ouvrage du candidat Macron) il n’y en a pas ! Dans l’ombre d’Emmanuel Macron se profile la statue du commandeur, la momie de François Mitterrand incarnée grâce « aux forces de l’esprit !» Aucune nouvelle idée ! Les forces du progrès et de l’avenir s’habillent dans les draps du fantôme du passé. La pyramide ne promet aucune transparence elle est opaque dans la nuit. Macron va tout changer pour que rien ne change comme dans Le Guépard de Visconti. La jeunesse, le progrès, la nouveauté - notre petite voix enfantine nous le crie bien fort dans l’oreille- tout cela est une fable. Macron est bien plus vieux que son âge, le progrès n’est plus une valeur depuis longtemps, quand à la nouveauté Business as usual ! Tout va continué comme avant… en pire ! Empire ? Du haut de cette pyramide, une paye de fable vous contemple.
La préservation du fief de Manuel Valls, ou de la circonscription de Myriam El Khomri en est un premier indice… Et la nomination du premier ministre apportera probablement une nouvelle preuve de cela.
Emmanuel Macron suit la même politique qui sévit depuis 1983, sans aucune autre prétention que d’habiller celle-ci dans une histoire de réconciliation, de dialogue et d’unité nationale… Ce qui paraît peut-être charmant mais rigoureusement impossible.
Mais alors puisque nous ne sommes pas si bête comment fait-il pour gagner ? Notre voix enfantine nous le souffle pourtant… la fortune – la chance - d’Emmanuel Macron c’est de jouer le rôle de cet enfant à la parole transgressive, il n’est pas le roi, il est l’enfant qui crie. Il n’a pas trahi, il a seulement dit et répété, sous tous les tons, et de toutes les manières que le Président normal était nu… Tous les autres sont restés fidèles au costume endossé: Valls, poignardant sans le dire, Hamon grognant sans partir. Emmanuel Macron lui a quitté le navire, bien avant, sans se soucier de sa sécurité matérielle. Et nous l’avons entendu dans Les coulisses de la victoire, le joli reportage hagiographique de TF1, diffusé 24h après le résultat, il a répété: « Les mecs de la sécurité, c'est pas eux qu'il faut écouter. Je ne serai jamais en sécurité, parce que le pays est comme ça aujourd'hui. Donc il faut prendre le risque, il faut aller dans le cœur de la bête à chaque fois. (...) Parce que si vous écoutez les mecs de la sécurité, vous finissez comme Hollande: peut-être que vous êtes en sécurité, mais vous êtes mort. »
Il n’a pas tué le père, le père s’est flingué tout seul. Il va « au cœur de la bête » une belle expression pour nous qualifier tous…
Macron ne fait rien d’original, Jean-Luc Mélenchon le fait depuis longtemps! Il a quitté un navire en perdition, et faire semblant d’écouter le désir du peuple. Au lieu de toujours parler de la ressemblance entre Le Pen et Mélenchon, pourquoi les éditorialistes ne décrivent pas la démarche similaire de ses deux hommes en progression… Tous les deux créent un mouvement, tous les deux prônent la révolution et ils prônent tous les deux quelque chose qu’ils ne feront jamais. Mélenchon ne prendra jamais le pouvoir, il cherche seulement à détruire le PS. Et Macron, je me répète ne veut rien changer.
Il y a pourtant un dégagisme certain chez Macron! Il ne veut pas dégager les mêmes, voilà tout. Il a une foi républicaine dans les vertus de la charrette révolutionnaire: pour que le peuple soit content, un peu de spectacle, il faut que les têtes tombent dans un panier symbolique. Emmanuel Macron, prétend rassembler et aimer tout le monde, mais il joue le révolutionnaire, sans une goutte de sang ! Nous assistons à un licenciement massif, plutôt qu’à la terreur sanglante.
Emmanuel Macron se présente comme un joli prince monté trop vite en graine. Il a beau avoir 39 ans, on constate, quand il choisit un plat – toujours dans le reportage de TF1- qu'il choisit un cordon bleu qui n'existe que pour le menu enfant. Quand il sort du débat, comme un sportif, il a une fringale, mais sa gentille compagne, en mère poule, lui interdit de se bourrer de cochonnerie avant de passer à table.
La France ce pays où le Président est un enfant ?
La France ce pays où l’enfant veut jouer au chef d’entreprise, ne pas bousculer autre chose que les apparences, changer le personnel politique de fond en comble pour ne rien changer de la manière dont on gère le monde?
Le peuple sera forcément content : Enfin le changement c’est maintenant! Mais quel changement?
Emmanuel Macron n’aurait-il qu’une seule ambition celle de gérer les promesses non tenues, pour que personne ne renverse la table ?
Mais quand une partie de la population croit qu’ils sont « tous pourris», à quoi cela va-t-il servir de remplacer les uns par les autres ? À RIEN évidemment, puisque c’est la fonction qui crée le larron…
Le conte d’Andersen met en scène un enfant qui voit, mais qui parle d’or aussi. Il est l’auteur de sa parole sur la nudité du roi.
Macron Emmanuel est-il l’auteur des ses mots ?
Nous avons élu un petit prince transgressif. Il a mis le costume bien trop tôt, porté la cravate à l’âge où on joue encore au lego. Son ego voudrait qu’à quarante ans il entre en crise ! Mais le poids du pouvoir l’empêchera probablement.
Et s’il n’état même pas un acteur qui entre dans un rôle ? S’il n’incarnait rien ? Prendrait-il le costume du monarque alors que comme conseiller c’est lui qui les choississait pour le Président ? Il connaît déjà la pièce?
La campagne que nous avons vécue, n’a été de bout en bout qu’une affaire de costard.
François Fillon s’est drapé dans la figure morale et digne d’un père la rigueur dont la probité a été mise à l’épreuve (entre autre) pour une histoire d’habit. Philippe Poutou est le seul à ne pas avoir voulu porter de cravate, il restera à tout jamais le héros du premier tour pour avoir refusé d’endossé ce costume bourgeois et surtout d'avoir dit les choses telles qu’elles sont avec les mots de chacun. Hamon a pris une veste parce qu’il n’a eu le courage de se tailler ailleurs. Mélenchon a perdu résolument pour avoir, mis un faux nez, en poursuivant un autre objectif : la destruction du Parti Socialiste. Les autres tous les autres portaient de vieux habits ! Certains les avaient sortis des malles du grenier, d’autres les avaient reçu en héritage. Tous les autres, ceux qui tentent aujourd’hui de copier Macron, ou de le rejoindre, ou de conserver leur siège, tous les autres ont beau retourner leur veste, là il n’y a pas d’étonnement et pas besoin d’un enfant pour hurler qu’ils sont nus. À vouloir rentrer dans l’arche construite pour ces espèces en voie de disparition par Macron, ils se déshabillent eux-mêmes. Est-ce une clarification ? Un renouvellement ? Probablement pas, parce que des hommes nouveaux, ou des habits neufs ne donnent pas de nouvelle politique.
Macron en marche sur la Place Royale à côté d’une Pyramide en verre, nous ramènerait-il en arrière?
Allez regarder, sur la plateforme de diffusion Tënk, Édouard, mon pote de droite, ce documentaire programmé cette semaine pour être synchrone avec l’actualité! Vous découvrirez Édouard Philippe filmé par son ami d’enfance Laurent Cibien ! Vous verrez que le premier ministrable – selon les gazettes – n’a rien de neuf – sinon les apparences. Tout cela n’est qu’une affaire de cosmétique : l’attitude change, le langage change! La manière est plus décontracté, c’est tout. N’y aurait-il aucune différence de point de vue entre le Maire du Havre et son pote gauchiste qui le filme… La mode serait-elle à la franche camaraderie ? Édouard Philippe a-t-il dévoré son filmeur ? Au moment où nos vies sont de plus en plus difficiles, Édouard Philippe réussit-il à séduire son cinéaste. La politique n’est plus là voilà tout… On voit bien tout de même que l’homme nouveau est hors sol comme les autres. Pourquoi serait-il plus brillant ? Le changement de personnel n’est même pas un gage d’amélioration…
Alors c’est que Macron Emmanuel est bien plus que ce que je croyais, il a été le conseiller, le ministre, il est l’enfant qui a vu le roi nu, il devient le roi puisqu’il est élu, et comme son discours est une fable, il devient lui-même le larron…
Et nous sommes comme toujours les dindons de la farce… En ne changeant que les visages du monde politique et en cherchant à continuer la politique néolibéral qui sévit depuis 1983, croit-il tromper quiconque? On peut comprendre que même en jouant tous les rôles, le roi, les conseillers, les ministres, et les larrons, personne n'a besoin d'attendre! Tous les soldats du Président apparaissent NUS avant même l’investiture. Seule la magie du verbe, et du storytelling peu préserver un temps, un peu les apparences.
Macron ne semble pas s’appuyer pas sur la philosophie pour gouverner, mais sur une petite pensée d’Antoine de Saint-Exupéry tirée du Petit Prince:
« Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. »
Il n’y a que la foi qui sauve.
En attandant la sixième extinction s'accélère et le dérèglement climatique continue à rendre notre planète de moins en moins habitable... Certains écrivent déjà des fables pour nous faire avaler la couleuvre.
Save