Pourquoi parler de Carla Bruni ? Certainement pas pour être dans l’air du temps : juste pour faire part de mon regard amusé sur le clip offert sur Internet. La première image est, semble-t-il, mal cadrée. Une tête de cheval, trop bord cadre, à droite, pointe son nez dans une image bancale qu’un dessin animé en fil de fer envahit, pour remplir et rétablir la cohérence du plan. Le fil part à hauteur des rênes. La ligne dessinée se fait corde de guitare. Écriture, dessin musique et texte stylisés tous à la fois, semblent tirer le cheval. Mais nous ne sommes pas devant n’importe quelle œuvre d’art, le deuxième plan nous révèle l’identité de la statue : Il s’agit de La Renommée à cheval sur Pégase, une sculpture commandée à Charles Antoine Coysevox, en 1698 par Louis XIV, lui-même. Pour être précis, la commande portait sur deux sculptures, l’autre représentait Mercure à cheval sur Pégase. Le commentaire du Louvre, qui conserve l’originale, dit, je cite : La Renommée, quant à elle, la tête ceinte de lauriers, un rameau d'olivier dans la main gauche, sonne la trompette de la vérité. Elle proclame la puissance guerrière du roi. Dans les trophées, un bouclier est orné d'une Victoire ailée tenant palme et couronne. La dépouille du lion évoque Hercule, héros mythologique à la force légendaire, auquel le roi était souvent comparé.
Les films, même les clips, doivent être examinés avec sérieux, les images en disent longs. Que se soit l’inconscient des auteurs ou leur volonté précise le message et là. Peter Burke a écrit un ouvrage sur Les stratégies de la gloire chez Louis XIV. je cite : En termes actuels, ce qui m’intéresse ici, c’est comment on a vendu Louis XIV, c’est le packaging du monarque, c’est l’idéologie, la propagande et la manipulation de l’opinion publique. Même s’il précise que le danger d’anachronisme dans sa formule est assez net, il est évident que lorsque Carla Bruni s’empare de la trompette de la renommée, nous pouvons tout à fait comprendre ce que cela veut dire. Prenons le clip à la lettre. Les lignes musicales sorte de la trompette de la renommée et viennent rejoindre Carla Bruni assise hiératique sur la rambarde du jardin des Tuileries. Elle regarde la place de la Concorde. Elle surplombe ainsi le lieu du sacre de son mari. Comme si la chanson l’amoureuse voulait refaire l’histoire et la réintégrer dans la scène originelle. Saint-Simon disait du roi Louis XIV: jamais personne ne vendit mieux ses paroles, son souris, jusqu’à ses regards . Nicolas Sarkozy ne s'en tire pas si mal non plus. En tout cas il est aussi impopulaire que Le grand Louis. Ne nous étonnons pas de la renommée de Carla Bruni. Elle participe de la politique de l’image de l’État. Il faut regarder cela avec une précision scientifique. Nous sommes dans une histoire d’ancien régime.
Il semble que quelqu'un ai convoqué l'espoir dit la chanson, ce quelqu’un n’est pas n’importe qui ! C’est son mec. La propagande est discrète. Mais si l’espoir renaît c’est probablement pour les aristocrates ? pour qui d’autres ? Les possédants certes !
La place de la Concorde où l’on a coupé Capet redevient un lieu royal. Et même si les réverbères ont un air impatient, dans la chanson de la première dame de France, ils n’attendent pas les sans –culottes qui viendraient pendre les nobles à la lanterne.
Je me demande bien quand notre Président va changer les vilains mots de notre Marseillaise ? Carla Bruni prétend faire Comme si de rien n’était. Il est évident que non. Son bonheur est si grand qu’il semble que ses bras soient devenues des ailes, que chaque instant qui vole elle puisse toucher le ciel… Et elle s’envole dans un des images à la sotte esthétique de pub. Les phrases n’ont plus d’importance. Vue d’avion, la tête dans les nuages, pas de problèmes, de là elle peut nous regarder nous débattre dans nos difficultés et croire que son grand roi transforme la France pour que cela devienne un pays de cocagne. Carla Bruni a su prendre de la hauteur, l’amour rend aveugle.
Je me demande bien ce qu’est la seule de toutes les choses qui vaille d’être là ? Mais je suis un nain de jardin, et Carla la liane, la fille super light, peut me piétiner de là-haut c’est sans danger.
Quitte à aimer les nuages, je préfère Baudelaire. Qui n’avait pas le goût de l’or.
Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.- Tes amis?-Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.- Ta patrie?- J'ignore sous quelle latitude elle est située.- La beauté?- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.- L'or?- Je le hais comme vous haïssez Dieu.- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!
Baudelaire: Petits poèmes en prose, I (1869)
Billet de blog 13 juillet 2008
Carla brunie devant son roi Soleil
Pourquoi parler de Carla Bruni ? Certainement pas pour être dans l’air du temps : juste pour faire part de mon regard amusé sur le clip offert sur Internet. La première image est, semble-t-il, mal cadrée.
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