Un accident ferroviaire endeuille notre pays. Catherine Chabrun, ici même, écrit son indignation. Je voudrais ajouter une petite réflexion au commentaire que j’ai posé sur son blog. Les chaînes d’information permanente se sont mises à pratiquer ce que j’appelle l’hystérisation des images. Ils ne montrent rien, mais passent en boucle « des informations » qui annoncent qu’ils vont nous faire voir ce que nous ne voudrions pas voir, mais que nous avons envie de voir tout de même.
Une chaîne d’information permanente est une officine à fabriquer de l’attente : « Restez avec nous vous allez voir enfin le morceau de la vraie croix » semble murmurer tout présentateur (oups, j’allais écrire journaliste). Évidemment aujourd’hui, peu de personnes sont intéressées par un morceau de la vraie croix, mais tous croient au Père Noël qui glisserait devant nos yeux des images inédites, interdites. Nous voulons tous, chacun d’entre nous – au plus profond- voir ce qu’il est impossible de voir. Chaque spectateur, en occident, a un besoin maladif de regarder par le trou de la serrure. La pulsion scopique (j’aime bien cette expression) l’oblige en cachette de regarder des images obscènes. Je ne vais pas me lancer dans une définition de l’obscénité, mais je peux calmement définir le travail de ces chaînes, dans ces circonstances, comme obscène. Ils savent faire monter les infos en mayonnaise, faire de la mousse médiatique avec un rien. La question ce n’est pas d’informer mais de tenir en haleine, de maintenir l’attention en permanence pour que nous attendions la fin de l’écran publicitaire, en nous gavant de tous les spots pour voir en premier, l’image que tout le monde verra et qui sera passée en boucle. Magnifique séquence que celle des chutes des Twins Towers dont la fascination morbide était une complicité flagrante avec l’acte terroriste : montrer c’est amplifier l’impact émotionnel de l’acte (mais ce n’est pas le sujet)
La pratique de ces chaînes est ainsi un vrai danger pour la démocratie puisque le but n’est pas d’informer mais de vendre des pubs. L’information y est donc représentée d’une manière qui est toujours la même, essayer que le soufflé à la sortie du four médiatique retombe le moins vite possible.
Les exemples abondent, ce sont ces télés qui ont accentué la crise à l’UMP, ce sont ces télés qui ont dramatisé à outrance l’assaut dans l’affaire Merah (mais vous avez tous mille exemples en tête. Toujours est-il que la représentation de cette information finit par transformer le réel par son impact émotionnel. La question n’est pas de ne pas regarder ces chaînes, mais bien d’en interdire le financement par la publicité mangeuse de cerveau disponible.
Pour ce qui est du déraillement du train de Limoges, en gare de Bretigny-sur-Orge ce vendredi 12 juillet, le travail de la protection civile ne permettait pas aux journalistes de se positionner sur le lieu même de l’accident. Et donc nous pouvions assister à une série de palabres sur l’homme qui avait vu l’homme qui avait vu l’ours. L’ensemble des reportages nous annonçaient des images que l’on n’aurait jamais pu voir – sauf à attenter à l’image des victimes – mais le cirque médiatique est assez fort pour faire croire qu’on pourrait voir ce qu’il n’y aurait aucun intérêt à voir.
Dans une intéressante vidéo de France-Télévision et en prenant cela pour une simple hypothèse, on a l’exact contre-exemple (trois jours après) on peut comprendre que l’information ce devrait peut-être simplement être capable de faire patienter, et ensuite d’apprendre un mot de vocabulaire, et de poser calmement des questions claires.