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Billet de blog 15 mai 2009

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Jerry, Monsieur Lance Man !

Dans son livre Le Lièvre de Patagonie, Claude Lanzmann me consacre deux, trois lignes. Il écorche mon nom, ne se souvient pas trop bien de ce que j’aurais dit, se moque un peu de moi.

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Dans son livre Le Lièvre de Patagonie, Claude Lanzmann me consacre deux, trois lignes. Il écorche mon nom, ne se souvient pas trop bien de ce que j’aurais dit, se moque un peu de moi. Il se plaint de ma plainte fictive. Je ne vais pas porter plainte.

Mais je me dois de répondre, il me semble, au moins pour reprendre le fil de ce blog, délaissé quelque temps.
C’est dommage que les éditions Gallimard - pour qui je travaille - n’aient pas tout simplement vérifié l’orthographe de mon nom. Je trouve que c’est toujours étrange de modifier un patronyme. Inconsciemment cela veut forcément dire quelque chose, pas seulement que Claude Lanzmann écrit vite, ne vérifie pas ses sources, et perd un peu la mémoire (je ne vais pas l’accabler pour cette dernière chose, moi-même quelquefois je ne me souviens pas trop bien). Il n’est pas difficile aujourd’hui de contrôler sur Internet et de taper par exemple mon prénom : Pierre Oscar pour voir que je ne suis ni Jerry Lewis, ni Oscar Lewis,mais simplement Lévy.…
Ce qui est important, c’est qu’il parle de moi.
Peut importe qu’on dise du mal, du moment que l’on existe! J'ai ri d'être Jerry.

Je n’ai pas lu le bouquin. Maintenant, ce serait élégant de sa part - si quelqu’un voulait bien lui fairet lire ce modeste billet - de m’envoyer un exemplaire avec une dédicace et un petit mot gentil pour le jeune con que je suis à ces yeux...

Mais je vous fais juge.
Lanzmann écrit page 530:
(…) Mille questions, on le voit, se posèrent à moi quand Shoah commença sa carrière, je n’avais pas songé et je n’avais pas pensé non plus qu’un pareil film, forcément rassembleur à mes yeux, susciterait des ennemis au sein même de ceux pour qui je l’avais au premier chef réalisé : les juifs, mon peuple. (…)
D’autres, des jeunes se lamentaient publiquement dans la presse. Je me souviens d’un certain Pierre-Oscar Lewis, expliquant dans Libération : « Lanzmann a tout dit, tout montré, ne nous a rien laissé. Que pouvons-nous faire ? », avec autant de ressentiment que d’admiration. Il se trompait, je suis loin d’avoir tout fait, mais il est vrai qu’il n’y aura pas deux Shoah. Heureusement – et c’est la loi du temps- Pierre-Oscar Lewis finit par accoucher d’un film en oubliant l’existence de Shoah, ce qui était la meilleure façon de procéder. Je lui reconnais un courage de pionnier. La légende imbécile et tenace de Lanzmann se considérant comme propriétaire unique de la Shoah n’a pas d’autre origine.
Annick Pegnié July me fait dire dans Libération du 28, 29 mars 1992.
Après Shoah, il semblait que l’on ne pouvait plus rien filmer. Mais il y a dix mille façons de faire un film. Shoah était à hauteur de l’Europe, le Premier Convoi n’est ni un film sur la Shoah, ni l’histoire d’Auschwitz. Il est à hauteur d’homme. Pas des numéros, pas des juifs, des hommes. Douze hommes à qui l’on redonne la parole. Douze hommes que nous avons replacés, comme des acteurs, dans les lieux de leur mémoire.
Il y a donc eu un certain glissement dans le souvenir de Claude Lanzmann, en tout cas pas de de trace de ressentiment, quelle drôle d'idée? Il règle des comptes et m’attribue la paternité d’une rumeur, alors que je n’aurais accouché que d’un film. Père et mère à la fois, j'en suis flatté. Lanzmann qui lui est bien viril, aurait–il compris que nous avons tous une part féminine en nous ? Mais bon je ne vais pas aligner les mauvais jeux de mots ? Changeons de ton.

Cher Monsieur Lanzmann, pourquoi voir du ressentiment dans mes phrases, alors qu’il n’y a que de l’admiration... et quelques petites nuances de nature politiques, sur la manière d’appréhender la destruction des Juifs en Europe.

Il me semble que votre film est en tout point remarquable, mais que chacun peut ne pas être d'accord avec votre thèse. Pour ma part je penche plutôt du côté de ceux qui pense que les Nazis étaient plus idiots que vous ne les décrivez. Je crois aussi qu'ils nous ressemblent bien plus que vous ne semblez croire, mais il me faudrait bien plus de 500 pages pour exprimer un point de vue de ce genre. En tout cas c'est ce dont il est question en partie dans Premier convoi : rappellerz vous le récit où un SS fait l'éloge de Paris depuis sa tour de surveillance et persuade Bernard Pressmann de ne pas se suicider, ou ce même Pressmann qui raconte les assassinats perpétrer par le Kapo Lévy.

Vous ne le savez peut-être pas Monsieur Lanzmann mais j’étais ami avec un de vos opérateurs Dominique Chapuis - prématurément disparu - qui me raconta un jour que votre monteuse voulait arrêter. Il me proposa de vous rencontrer. À l’époque je gagnais ma vie comme monteur, j’avais ma carte professionnelle. Mais je lui ai dit que je n’avais absolument pas le courage de travailler sur un film où j’aurais à manipuler des images montrant des cadavres poussés par des bulldozers. J’ai été surpris après de ne pas en voir dans votre film et surtout à postériori étonné que Dominique ne m’ait même pas dit qu’il n’y en avait aucune.

Cher Monsieur Lanzmann ce que vous écrivez dans votre livre, à mon propos, ressemble plutôt à la discussion que vous auriez eue avec Thierry Garrel – vous vous souvenez cet homme qui nous aidait à réaliser de beaux documentaires sur ARTE- Il désirait vous montrer Premier convoi et vous l'avez éconduit souvent. S’il y a une rumeur à votre propos, c’est peut-être à cause de cette réticence. Mais je ne suis pas certain, peut-être Thierry Garrel m'a raconté des histoires, ou alors j'ai mal compris, ou j'ai oublié, et je reconstitue, en tout cas il faudrait vérifier.Et c’est Garrel qui aurait pu imaginer que vous pensiez que tout avait été dit grâce à votre film. Mais comme je n’ai pas joint Thierry Garrel peut-être que ma mémoire me joue des tours et m'invente des récits qui n’ont pas lieu d’être. Je crois me souvenir que vous avez fini par voir Premier convoi, quatre ou cinq après sa diffusion, et que vous n’aviez pas trouvé mon travail aussi niais que j’en ai l’air dans votre livre. Mais il faudrait que vous m’en donniez confirmation.
Bref tout cela n’est pas très grave, et je me demande pourquoi j’écris ici.
Je confirme il n’y a un qu’un seul Claude Lanzmann et un seul film Shoah, pas d’offense!

Tous les êtres sont indispensables et uniques, toutes les œuvres de même.

Et ce n’est pas parce que j’ai fait partie d’un collectif de défense des œuvres contre la direction de la SCAM que vous avez bien soutenue que nous sommes des ennemis jurés. Les défaites forment le caractères, et il n'y a plus grand chose à faire pour que la SCAM soit un lieu de démocratie pour les auteurs, tout du moins c'est ce que je crois, d'autres se chargent aujourd'hui d'éssayer de le vérifier.

Je lis dans L’intranquille de Gérard Garrouste, page 99: Quand l’Éternel ordonne à Saül, premier roi d’Israël, en guerre depuis des années contre les philistins, de mener un dernier assaut sanglant, de n’épargner personne, même les femmes et les enfants, Saül s’y refuse, il y perd tout, son royaume et sa vie. Il est décapité. Notre professeur ajoute : Ca ne veut pas dire qu’il faut obéir à l’Éternel ça veut dire : tu peux avoir raisons et le payer très cher.
En ce moment, quelque fois on paye très cher d’avoir raison, vous ne trouvez pas Monsieur Lanzmann ? Mais au moins, en ce qui me concerne, je n'ai pas vécu de période historique où il m'a fallu un vrai courage. Ravanel avec qui j'ai réalisé un film sur la Résistance, me disait qu'il n'avait aucun doute, que j'aurais été Résistant comme lui. Il vient de mourir, je me sens un peu orphelin, et je ne suis pas certain que dans les années qui viennent, je trouve le courage pour résister. Cela va devenir si difficile.

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