pol (avatar)

pol

Pierre Oscar Lévy, retraité, cinéaste, scénariste, etc...

Abonné·e de Mediapart

722 Billets

1 Éditions

Billet de blog 19 janvier 2024

pol (avatar)

pol

Pierre Oscar Lévy, retraité, cinéaste, scénariste, etc...

Abonné·e de Mediapart

Révolution 2

Libération publie un extrait de l’intervention d’Emmanuel Macron, lors du premier conseil des Ministres du gouvernement Attal. Comprendre qu’aucun Ministre n’a bronché face à un délire presque révisionniste, augure mal de la suite.

pol (avatar)

pol

Pierre Oscar Lévy, retraité, cinéaste, scénariste, etc...

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Emmanuel Macron aurait prononcé ces mots : « Le XXIe siècle est le siècle de la régénération. Et cette régénération vous ordonne de renouer avec l’esprit de la Révolution française. » 

« Régénérer » c’est renouveler, rénover, retrouver des parties perdues…

Le grand président n’explique pas en quoi notre siècle devrait obligatoirement être le temps de la « régénération », alors que l’effondrement de l’influence occidentale devient évident… Retrouver quoi? L’empathie, la fraternité, dont il ne fait jamais preuve? L’égalité qui n’existe plus depuis sa politique outrageusement en faveur des plus riches? Je ne sais ! On aimerait être éclairé?

Le mot « ordonner » prête à rire, quand le sujet qui commande n’est pas le président. Ce concept flou de « régénération » ne peut obliger personne, même pas celui qui le prononce.  

« Votre mission est d’éviter le grand effacement de la France face au défi d’un Monde en proie au tumulte. Si vous ne vous en sentez pas capable, quittez cette pièce à l’instant. »  continue-t’il avec emphase, menace. Tout dans cette phrase pue… 

D’abord le mot « mission » d’origine religieuse - qui ne prendra sa valeur moderne qu’au XVIIe siècle - sous-entend que chaque ministre n’est qu’un « chargé de mission », et leur soumission. Les pauvres ont-il accepté une relation BDSM?

« Le grand effacement » ressemble tellement à d’autres expressions que cela me paraît bien trop maladroit pour être honnêtement dit; mais si je ne me trompe ce concept n'est apparu que pour décrire la pratique d’Emmanuel Macron lui-même. Il essayerait ainsi de retourner l'attaque. C'est lui qui a effacer la politique (au sens large, on dépasse les clivages et tout est dans tout et réciproquement) et le rôle du Parlement (qui ne joue aucun rôle, du fait du tir de barrage constant à coup de 49,3.)

L’effacement de la France sur le plan international est réel, mais qui tient la gomme? Si ce n’est Emmanuel Macron lui-même qui sautille d’une position à l’autre sans jamais reconnaître la moindre erreur. Un reportage de France Télévision initialement commandé pour faire l’hagiographie du Président, lors de son premier quinquennat, s’était transformer en description d’un Prince combattant pendant la guerre Ukrainienne. On a pu   assister (comme en direct) atterré, au dialogue ubuesque de Macron avec Poutine
La disparition de l’influence française en Afrique doit lui être attribuée aussi, les folies à propos de l’appui inconditionnel à Israël, dans l’émotion de l’attaque du 7 octobre, (et j'en passe) tout concoure à cet effacement, dont il est le seul responsable. La dissidence muette des diplomates après SA réforme du Quai d’Orsay en témoigne. 

« Si vous ne vous en sentez pas capable, quittez cette pièce à l’instant. » Mais quelle vulgarité! Quel manque de civilité ! J’ai personnellement été chef d’entreprise (audiovisuelle direz-vous) presque vingt ans, je ne me serais jamais permis de parler à mes « employés » « chargés de mission » sur ce ton. Même des généraux ne parlent pas de cette manière ou alors ils sont d’extrême droite. 

La meilleure phrase vient ensuite.

« Vous n’êtes pas seulement des ministres, vous êtes les soldats de l’an II du quinquennat. »

À ces mots, un Ministre, un peu courageux, ou bien simplement cultivé aurait du se récrier, ou demander « Y-a-t-il un historien dans la salle? » comme on cherche un médecin, vu l’urgence de l’état d’une personne faisant un malaise soudain. 
À l’été 1793, la levée en masse est proclamée parce que réellement le pays est en danger avec des armées coalisés aux portes du territoire nationale et que les défaites s’accumulent. C’est le désespoir et la nécessité qui force à l’idéalisme. L’armée se constitue bien moins par le volontariat que sous la contrainte. La contrainte? C'est de cela dont le grand président parle?

Robespierre, dés 1789, s’était opposé à la guerre en proclamant que la France se devait d’être une Nation pacifique et fraternelle et qu’elle ne devrait jamais déclarer la guerre. Pour lui les soldats sont des citoyens; il défendra, avec raison, des mutins qui s'étaient opposés aux ordres de leurs officiers royalistes.

Dans le débat sur la guerre, en 1790, il dira «Le roi n’est selon lui que le "commis de la nation" » c’est ce que Macron oublie, il est notre obligé. 

Robespierre expliquera plus encore: Si la guerre est déclaré, alors un général se lèvera pour prendre le pouvoir. Il n’aura pas le loisir de survivre assez longtemps pour voir la réalisation de sa prophétie.

Alain Forrest écrit (dans les Annales Historiques de la Révolution Française 2004/1 (N°335) page 6 https://www.cairn.info/revue-annales-historiques-de-la-revolution-francaise-2004-1-page-6.htm&wt.src=pdf) : « En focalisant par dessus tout leur discours sur la détermination et les exploits héroïques de l’armée, les nationalistes détournent l’attention des citoyens pour la politique. Comme symbole, et même comme trope, l’armée de l’an II est vue pour ce qu’elle n’est pas et a été utilisée par des Français d’appartenances politiques diverses afin d’unifier le peuple de France dans des temps de graves conflits et divisions internes. Républicains radicaux et socialistes revendiquent cette institution comme une part de leur héritage politique. Même ceux qui s’alignent aux côtés de l’extrême droite, les plus connus relevant de la Ligue des patriotes de Paul Déroulède, s’enorgueillissent de se draper dans le manteau du patriotisme révolutionnaire et se proclament les héritiers des soldats héroïques de l’an II » 

En d’autres termes « les soldats de l’an II » ,ce serait un symbole bien peu adéquat à la situation actuelle. Quand on baptise son gouvernement en jouant sur le mot XV, ce serait mieux de parler de rugby... des termes moins martiaux s'impose... mais notre grand président est pris d'un lyrisme fou. D'autant que les  « les soldats de l’an II » furent 300 000.

Le grand président Macron semble manquer, de culture, ou bien sa culture penche à droite.   

Et dés lors de quelle « Révolution National » parle-t-il? Pour faire Front? Rassembler.

« Je ne veux pas de ministres qui administrent, je veux des ministres qui agissent. Je ne veux pas de gestionnaires, je veux des révolutionnaires. […] Je ne veux pas d’états d’âme, je veux des états de services. […] Vous incarnez le retour aux sources de ce que nous sommes, le dépassement au service du pays, l’esprit de 2017. C’est une responsabilité historique. Soyez à la hauteur.» 

Historiquement, la Révolution Française se définit par le mouvement d’un peuple qui se dresse, ce n'est pas une levée de maroquins. Le 12 Juillet 1789, c'est la répression sanglante d'une petite manifestation qui protestait contre le renvoi du premier ministre Necker qui mettra le feu aux poudres, pas le rassemblement de Ministres.

« Revolvere c'est retourner, et revolutus c'est qui est retourné, le participe passé, et revolutio c'est l'action de faire ce retournement. Et c'est un mot qui est apparu, très tard en latin, au IV-Ve  siècle. »  me disait Alain Rey dans un documentaire, sur ce sujet, que je n’ai jamais pu terminer (ce serait tellement dommage, pour les puissants, que de remettre en cause, l’histoire officielle)

Le mot « révolution » a été créé, par un berbère – Saint-Augustin – dans une région du monde qu’on appelle aujourd’hui Afrique du Nord. Et c’est de ce côté là de la Méditerranée que la Révolution est revenue, à la Une de l’actualité, avec la fuite du dictateur tunisien Ben Ali à la fin du siècle dernier, montrant en soi, encore une fois, que ce mot est vivant, et que c’est au peuple de le proclamer, pas à un monarque républicain.

En 1789, en France, le changement de régime profond change la valeur du mot : d’Une révolution on passe à La Révolution. C'est-à-dire que là, il n’y a plus de pluriel possible, et le mot s'orne d'un « R » majuscule. Visiblement pas de majuscule au mot révolution chez Macron.

Il n’aura ni révolutionner son langage, ni changer. L’arrogance de cette déclaration est à mourir de peur… ou bien une invitation à l’action… révolutionnaire. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.