
Sur une photo qui illustrait une interview, quelqu’un, au Figaro, a effacé, du doigt de Rachida Dati, une bague en or gris pavé de diamants, qui vaudrait 15 600 euros. C’est assez amusant de penser à l’injustice que représente cet escamotage pour une femme qui va enfanter hors mariage, alors même que la bague s’appelle liens.
Je lis sur Internet : Debora Altman, la rédactrice en chef du service photo du Figaro, précise dans L’Express de ce jeudi, qui faisait sa Une sur cette fameuse bague effacée : On a bouclé dans l'urgence. On assume. On ne voulait pas que la bague soit l'objet de la polémique, alors que le vrai sujet était la pétition des magistrats. Rachida Dati n'a rien à voir avec ça.
http://www.dhnet.be/infos/monde/article/233054/le-figaro-gomme-la-bague-de-rachida-dati.html
Tout ceci pour dire que gommer une bague ce serait pour être politiquement correct. … Il faut donc à tout prix (c’est que c’est une somme 15600 euros) éviter les vagues.
La lâcheté des personnes qui travaillent dans certains médias n’est, ici, plus à démontrer.
Une retouche n’est pas innocente et cet artisanat a sa morale.
Si les poignées d’amour du Président Sarkozy avaient disparu dans une édition de Paris Mach, c’était probablement pour correspondre à d’autres valeurs qu’aujourd’hui. Le politiquement correct de l’époque bling bling impliquait que les journalistes de Paris-Match montre Notre grand Président aussi beau qu’une gravure de Mode
C’est l’effet carpette qui joue, ici, dans les deux cas: Essayer de prévoir le désir des puissants.
L’esthétique de la disparition a ces spécialistes et ces maîtres qu’il ne faudrait pas faire glisser comme de vulgaires poussières, sous le tapis. (Je ne sais même plus si l’orthographe de tapis ce n'est pas Tapie - dans l’ombre)
Au dix-neuvième siècle, quand les retoucheurs commencent à gratter les négatifs c’est au contraire pour mettre plus en valeur le sujet, pour donner de l’éclat aux yeux ou pour faire justement briller des bijoux.
Mais le tapis de la retouche s’agrandit vite, il n’est plus question d’éliminer les poussières du négatif, mais de transformer les figures photographiques en poussières
C’est Staline qui fut ce maître et qui fit de la retouche un art vraiment politique. Il déroula un long tapis rouge et tous pouvaient être écrasé par ce rouleau compresseur.
De là à dire que là ou il y a retouche, nous serions dans un état totalitaire, il ne faudrait pas exagérer. (d'autant qu'avec la surveillance des blogs, je ne voudrais pas être accusé de diffamation).
Mai tout de même si en 1956 le film d’Alain Resnais Nuit et brouillard évite de justesse la censure c’est grâce à quelques coups de pinceau passés sur une photo pour rendre méconnaissable le képi d’un gendarme Français gardant le camp de concentration de Pithiviers.
Il fallait effacer ce détail.
Ce sont ces petits détails qui font l’histoire, comme la photo qui montre un soldat soviétique plantant le Drapeau rouge sur le Reichstag, image symbole de la prise de Berlin. La photo fut retouchée pour effacer chaque montre qui ornait chacun de ses poignets. La preuve du pillage ne pouvait pas apparaître sur une photo historique. La bague de Rachida Dati n'est donc pas un petit détail, c'est plutôt un retour du refoulé, un symbole de ce que nous vivons. La crise ce n'est pas pour tout le monde.
Et je pense alors au tableau de Jérôme Bosch, L’escamoteur également nommé Le Tricheur, Le Jongleur ou Le Charlatan.
Il donne à voir une réelle escroquerie : un bateleur de foire attire les passants en manipulant des noix de muscade sous des godets. Ce jeu de prestidigitation est connu depuis l'Antiquité : il s'agit de déposer ostensiblement les muscades sous des godets, de déplacer ceux-ci et de demander à l'assistance de parier sur la localisation des muscades... Le vieil homme qui s'est laissé prendre à parier en a la berlue. Il fixe les doigts du magicien, il n'en croit pas ses yeux ; le bateleur lui fait avaler des couleuvres (des grenouilles) La métaphore est clairement symbolisée : une des grenouilles repose sur la table, l'autre est recrachée par le vieil homme ! Mais les tours du magicien ne sont que des divertissements de façade, la réalité de son activité est ailleurs : un complice palpe avec jubilation et doigté la bourse qu'il est en train de dérober au pigeon. http://www.philophil.com/philosophie/echange/iconographie/bosch_escamoteur.htm
C'est cette prestigiditation qui se passe aujourd'hui.
J’écris sur la bague, qu’on a fait passé muscade, parce que pendant ce temps-là, on nous fait les poches.
Il y aura de l’argent, notre argent, pour les banquiers, les constructeurs automobiles, alors que les ouvriers d’Amora et de Maille n’auront que les yeux pour pleurer… puisque leur usine partira à l’Est.
Et moi je ne pourrais qu'écrire un mauvais jeu de mot.
Ségolène Royal parle de vendre le siège du P.S. de la rue Solférino, immeuble confisqué aux collaborateurs, pour aller s'installer en banlieue, jespère qu'elle va quitter son appartement aussi, pour se rapprocher du peuple...
Maintenant que nous pouvons être certain que le P.S., ce parti de notables, va continuer la même petite cuisine...
Ce n'est pas de retouche dont je devrais parler... Mais du besoin que nous avons tous de parler de l'essentiel... Il faut changer le monde.
C'est urgent.