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Billet de blog 22 juin 2014

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La Grotte Chauvet inscrite au Patrimoine mondial

La Grotte Chauvet, en Ardèche située prés de Vallon-Pont d’Arc, vient d'être inscrite, ce dimanche 22 juin 2014,  au patrimoine mondial, a annoncé à Doha, le Comité de l’Unesco. Le Comité du patrimoine mondial «inscrit la Grotte ornée du Pont d’Arc, dite grotte Chauvet-Pont d’Arc, Ardèche, France, sur la Liste du patrimoine mondial»

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La Grotte Chauvet, en Ardèche située prés de Vallon-Pont d’Arc, vient d'être inscrite, ce dimanche 22 juin 2014,  au patrimoine mondial, a annoncé à Doha, le Comité de l’Unesco. Le Comité du patrimoine mondial «inscrit la Grotte ornée du Pont d’Arc, dite grotte Chauvet-Pont d’Arc, Ardèche, France, sur la Liste du patrimoine mondial» Vous pourrez tous aller visiter une reproduction de la grotte dans l’espace de restitution, baptisé « Caverne du Pont-d’Arc », dont les travaux seront bientôt terminé et qui sera ouvert au Printemps 2015. Mais vous ne verrez jamais l’ensemble strictement conservé pour continuer à préserver le site et l’étudier. La cavité compte plusieurs salles et galeries sur 800 mètres de long et jusqu’à 18 mètres de hauteur, tout du sol au plafond y fait sens.

Cette immense grotte est «un témoignage unique et exceptionnellement bien préserv黫Les vestiges archéologiques, paléontologiques et artistiques de la grotte illustrent comme dans aucune autre grotte du début du Paléolithique supérieur la fréquentation des grottes pour des pratiques culturelles et rituelles», fait valoir le Comité de l’agence de l’ONU pour l’éducation, la science et la culture. L'article de Libération se doit ensuite, vu les nombreux procès qui ont suivi la découverte, de préciser :  «Restée fermée pendant 23 000 ans après un éboulement de rochers, redécouverte le 18 décembre 1994 par trois spéléologues - Jean-Marie Chauvet, Christian Hillaire et Eliette Brunel.» Ensuite l’article explique qu’il s’agit des «plus anciennes représentations picturales connues à ce jour».

Les scientifiques auraient compté 435 représentations montrant 14 espèces: ours, rhinocéros laineux, lion, lionne, panthère, bisons... C’est une merveille où certaines représentations ont été créées là il y a 36 000 ans. La qualité des œuvres est si incroyable qu’on peut raisonnablement penser qu’il a fallu beaucoup de temps et de génération – avant – pour arriver à une telle perfection. Je me dis souvent qu’il y a bien peu d’œuvre de l’histoire de la peinture qui tiendrait en face du petit cheval dont je vous ai mis la reproduction ici.

J’ai du patienter longtemps avant d’obtenir l’autorisation de pénétrer dans la cavité. Je réalisais plusieurs films pour ARTE sur la grotte. En attendant, de pouvoir y pénétrer, j’ai recueilli, devant la porte, les témoignages de tous ceux qui venaient d’effectuer une première visite. Je prévenais les chercheurs, artistes, visiteurs privilégiés qu’à la sortie, ils auraient à se confier à notre caméra. Cela devenait un rituel, comme une obligation en remerciement du privilège de la visite. Une phrase leur venait, à tous, spontanément: « Il n’y a pas de mots ». Chacune des personnes, prise dans un maelstrom d’impressions, face à la caméra, arrivait difficilement à effectuer le tri parmi les émotions contradictoires… J’ai demandé à subir le même sort, pour ma première fois. Mes propos embrouillés ne méritent même pas d’être transcrits. J’ai juste bégayé mon émotion. La Grotte, au moment de la quitter, vous habite pleinement. Plus tard, mentalement, vous continuez à vous y promener. Souvent j’y pense et je m’y promène encore. Cela m’arrive de m’identifier à un aurignacien. Dans toute réflexion sur notre condition actuelle, j’essaie toujours de mettre en perspective les événements. J’aimerais pourvoir demander à celui, ou celle, qui à tracé le petit cheval, du panneau des chevaux, ce qu’il en pense. L’artiste aurignacien se moquerait de nous et de nos lasagnes surgelées. Et je doit qu'il me répond d'une certaine manière et qu'il continue à nous parler à tous.

Ce lieu – peu fréquenté pendant les 7000 années où il y a eu des hommes pour y dessiner des figures – laisse plus qu’un souvenir, cela change votre vie. Vous comprenez là que toutes les querelles d’aujourd’hui sont tellement récentes, tellement nouvelles qu’elles doivent disparaître devant la permanence de l’espèce humaine (et quand je dis permanence évidemment, dans un monde où nous sommes rentré dans l'Antrhopocène, cela se discute aujourd’hui).

En suivant les passerelles, c’est Jean Clottes qui a fait visiter tout l'équipe de tournage, pour la première fois la grotte. Il vous manipule gentiment, et vous fait avancer pour vous aider à mieux voir. Il vous prévient qu’il y a des marches, alors vous regardez vos pieds, pendant quelques mètres, vous êtes docile… À un moment, il vous dit de vous arrêter et de lever la tête. Il vous à conduit juste à l’endroit où il voulait. Vous êtes juste en face du panneau des chevaux et c’est un choc. C’est à la fois plus petit que les photographies ne laissaient supposer et bien plus grand dans l’impression que l'ensemble vous impose. C’est au dessus de vous. La paroi se penche vers vous. L’œuvre vous surplombe, à portée de la main. Vous êtes en face d’une composition qui a une fraîcheur absolue, comme une peinture contemporaine. Le cliché est de dire : « C’est comme si l’artiste c’était éloigné en entendant nos pas ». Et vous le dites. C’est beau. Et vous ne dites plus rien de tout cela. Le petit cheval au centre, avec la bouche ouverte, vous regarde. Il est confiant, calme, malgré la scène de combat entre deux rhinocéros laineux  juste en dessous. C’est un dessin délicat. Tout est là ! Tout est resté en place. Comme dans une œuvre contemporaine, chaque geste de l’artiste se retrouve. Les traces de doigts, son empreinte. Sa présence est inscrite sur la paroi à chaque mouvement, trait, effacement.

Ce cheval possède une expression humaine : Contentement ? Découverte ? Étonnement ? Je ne sais.  Stupeur d’être là plaqué dans la paroi. C’est juste extraordinaire.

Les scientifiques se sont tus, ils vous laissent regarder. Moi et mes compagnons nous restons bouche-bée, sans réaction, sans penser à tout ce que je viens d’écrire plus haut. Dans un état de stupeur, nous aussi.

C’est pour ce cheval là qu’on est venu ? Vous ne pensez à rien, vous êtes fasciné par le panneau, par ce cheval ? Et puis à un moment vous vous rendez compte que vous êtes, tout simplement en train de pleurer. Vos yeux coulent, votre émotion est intense. Vous avez cru longtemps que les récits de personnages pleurants devant un tableau de Renoir étaient une invention littéraire. Et là vous pleurez, vous vous retournez pour voir vos compagnons, il y en a un qui se mouche, l’autre à les yeux rouges embués de larmes… Nous avons tous plus de 50 ans bien passés et nous pleurons comme des enfants. Gilles Tosello, et Carole Fritz qui étudient le panneau sortent de l’ombre, et ils nous regardent avec empathie. Nous aussi, nous sommes des humains qui communient avec l’art de la grotte Chauvet. Et cette communion à travers les âges, concrétise, dans les faits, ce que nous avions toujours pensé de la nature humaine.

Ensuite ils nous montrent combien le dessin est inclut dans la paroi. Si la lumière d’une torche vient à être placée à un endroit précis, le corps entier de l’animal apparaît juste formé par l’ombre des replis de la parois… La torche bouge et le cheval vit. Incroyable intelligence et magie de ce lieu. Mais cela c'est tout une histoire.

Ce court-métrage que j'ai réalisé pour annoncer la construction de l'espace de restitution est en 16/9 à l''origine, il suffit de transformer l'image qui est à cette endroit, cela donne un aperçu de la grotte:   http://dai.ly/xj5n6q

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