
Agrandissement : Illustration 1

C'est dans Libération ce matin, que j'ai découvert l'émission Hot Ones grâce à une critique d'Adrien Dénoutte que je ne connaissais pas non plus... Je n'ai pas pu m'empêcher de comparer deux événements qui ne paraissent pas du tout pareil, et pourtant qui font partie du spectacle de la Nef des fous dans laquelle nous vivons.
Cette émission, Hot Ones (le lien est en bas), n'est pas très différente de la conférence de presse entre Emmanuel Macron et Donald Trump, que vous auriez pu suivre en direct sur BFMtv ou ailleurs.
Pour ce qui est du spectacle de la Maison Blanche, il s'agit de paraître régler le destin du Monde, avec des mots qui n'engagent vraiment personne, et qui ne résolvent rien dans l'immédiat.
C'est comme si toutes les interventions de Donald Trump participaient d'un grand show, pour faire la promotion de l'entreprenariat, du commerce et de ses méthodes brutales. L'émission Hot Ones promeut le libéralisme à tout crin mais avec plus de sérieux et d'une manière bien plus documentée, polie, gentille et avec une mise en scène plus épicée.
Ce sont deux spectacles.
Si on fait l'effort d'imaginer Coluche à la place de Kyan Khonandi, ou de Trump, on mesure le chemin abyssal qu'il reste à faire à Macron, Trump, Niel, ou Kyan Khonandi pour renverser la table et changer réellement le spectacle du Monde. Rappelons que Coluche s'est présenté à l'élection présidentielle, et que son héritage reste encore Les restos du cœur qui raconte beaucoup sur l'échec de politique néolibérale en France depuis 1983.
Hot Ones est bien moins épicé qu'il n'y paraît... gentillet par rapport à n'importe quelle parole de Coluche... On ne peut réussir de caricatures, ni d'humour sans méchanceté... sans retournement. Si Trump est assurément violent dans ses actions et ses propos, il n'est pas drôle parce qu'il n'a aucune dérision vis à vis de lui-même et qu'on a sérieusement l'impression que de toutes les manières "il n'en a rien à foutre".Provoquer, déstabiliser, mentir, choquer, dire une chose et son contraire, changer d'avis, de pieds, de position bousculer pour ramasser la mise dans tous les cas.
Hot Ones petit talk show et forcément pas aussi ambitieux. L'émission prétend jouer l'humour alors que c'est une belle tranche de promotion pour l'inviter et rien d'autre, le mensonge est présent aussi mais si modestement qu'on ne peut rien dire contre.
Trump et Macron jouent les Maîtres du Monde, alors que nous savons tous que ce sont les milliardaires et pas les Présidents qui commandent et dominent (Donald Trump n'est pas de la même pointure qu'Elon Musk, il ne boxe pas dans la même catégorie, le sait-il?).
Dans Hot Ones la vitrine se veut piquante, mais l'émission milite surtout pour l'usage du miel et de la crème fraîche (allégé en sucre). Et Xavier Niel - super cool - tient un propos consensuel, sympa, sucré, ce qu'il ne doit pas être le cas quand il joue en bourse.
Adrien Dénoutte écrit dans Libération "Comment tourner Musk et Trump en ridicule s’ils sont déjà des caricatures ? Comment vanner Niel s’il l’a déjà fait sous le regard énamouré du mec de Bref ? Cette OPA sur la satire est la dernière étape d’une stratégie de concentration des pouvoirs. C’est la grande nouveauté de notre époque, et le défi qu’elle nous lance." Il me semble que notre époque nous balance bien autre chose à la gueule, et comme l'article propose une réflexion avec un beau titre à la manière de Libération "Satire dans tous les sens". Jeu de mot et "esprit canal" je me demande s'il ne fait pas partie de la même comédie.
"L'OPA sur la satire" n'est à priori que la suite logique de l'arrivée du storytelling dans la politique depuis la première campagne présidentielle de Ronald Reagan. Les petites fables inventées et mensongères, pour illustrer les propos politiques, se sont transformées en grosses provocations folles, irresponsables et absurdes.
Emmanuel Macron croit encore avoir besoin de se positionner comme étant dans le camp de "la raison" (probablement parce que tout ce qu'il fait est déraisonnable du point de vue de l'intérêt de la République, et seulement lucratif pour les Milliardaires), il devrait relire Pierre Desproges et nous faire "rire un peu en attendant la mort"... et nous surprendre parce que maintenant nous connaissons toutes ses poudres de Perlimpinpin.
Les Milliardaires qui ont bien plus de pouvoir que les États, et qui n'ont aucune organisation démocratique (à part les juges) pour les modérer, ont compris - bien mieux que les humoristes - le pouvoir de la dérision. Dans un Monde spectaculaire marchand où seul compte le profit, on peut rire de tout, se moquer de tous et n'en faire qu'à sa tête. Elon Musk le fait avec outrance, la famille Mulliez en toute discrétion. Chacun son style. Xavier Niel se livre, dans Hot Ones, élégamment à un exercice d'auto flagellation génialement interprété (avec la complicité enfantine du dispositif), bien loin de la brutalité d'un Musk. Il a l'air d'un vieux sage, rigolo, comme tortue géniale de Dragon Ball, mais le discours reste identique à tous ces gens: "Rien d'autre que l'argent n'a de sens"
Que prétend Niel: seul compte les fous, les individus, les déjantés, qui entreprennent. C'est furieusement moderne, actuel, présent... Chacun donc peut devenir entrepreneur, et celui qui ne réussit pas ne peut s'en prendre qu'à lui-même et à son manque d'originalité... Pour le reste ricanons ensemble... Pour le reste agitons la tronçonneuse, l'outil que Javier Milei a emprunté au cinéma d'horreur pour mimer la violence de sa politique. Niel tronçonne sa vie.
La tronçonneuse? Une réplique assassine? En tout cas l'émotion, contre la raison, la destruction de la démocratie, l'absence de débats, de l'intelligence et de la culture. Xavier Niel revendique ainsi son absence de savoir, de buts, de projets, il ferait cela juste pour "bien se marrer"... sa réussite "faire ce qu'il lui plaît, quand cela lui plaît" ( vous ne pouvez pas en dire autant bande de gueux!) Jouer!
Nous faire croire que son jeu est innocent.
Macron et Trump jouent avec nos nerfs... lls nous terrifient en annonçant le pire, la guerre, la paix, la Riviera, la déportation... Mais cela permet de ne rien changer, "business as usual".
Peu importe les mots, puisque nos maux durent. Pendant que nous craignons la tronçonneuse, les profits continuent à s'amasser.
Xavier Niel joue les bons garçons, mais il explique bien qu'il est plus difficile de créer une petite entreprise qu'une très grande... Alors il vaut mieux jouer démesuré... Une croissance infini dans un Monde tout petit et de plus en plus fini.
Accumuler du pouvoir et de la richesse, aujourd'hui - cela ne sera pas dit- c'est se conduire comme un voyou, comme un criminel, conduire l'humanité à sa perte. Être plus riche qu'un État c'est être plus responsable qu'un politicien qui passe... Ce sont des personnes comme Xavier Niel ou Elon Musk qui sont responsables et coupables de l'accélération de la disparition de la biodiveristé, de la sixième extinction...pas nous pauvres mortels.
Xavier Niel ou Elon Musk ne sont pas drôle, ni sympa. Ils n'ont rien inventé - vraiment - ils se sont contenté de suivre la vague, le flux du capitalisme corrupteur et fanfaron. Il n'a rien de disruptif, ni d'original, ils PROFITENT...
C'est bien plus difficile d'être conscient, intelligent et cultivé, d'être contemporain et pas moderne. C'est à dire de comprendre les enjeux du futur... plutôt que d'inscrire son nom sur la liste des écocidaires...
Si Xavier Niel ou Elon Musk, Macron et Trump cessaient de jouer des rôles pré-écrits, du spectacle capitaliste marchand, leurs réussites supposées seraient plus originales, plus révolutionnaires, plus durables.
Qui leur dira qu'on peut pimenter sa vie autrement? Et qu'il serait bien plus fun d'essayer de sauver l'humanité! Et bien plus risqué! Parce pour l'instant c'est mal parti.
https://www.dailymotion.com/video/x9dkgws