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Billet de blog 25 juillet 2023

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« Crise » le mot qui ment

Il faut toujours se méfier du « prêt-à-penser » qu’induisent certains mots, ou de la confusion qu’ils peuvent engendrer. Le mot « crise » utilisé ad nauseam en est un.

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Illustration 1
titre © Quotidien Le Monde

Le mot "crise" est sur toutes les bouches, dans tous les titres, parmi bien des expressions, c'est un mot qui est utiliser à tout "mot ment".

Une "crise" - chacun le sait - c'est un épisode violent et aigu qui n'a pas vocation à s'installer dans le temps.

J'ai un ami proche d'une trentaine d'année qui vient de faire une "crise" d'appendicite. L'hôpital étant en "crise", cet ami, secondé par sa compagne active et volontaire (qui n'a pu rien accéléré), a attendu 15 heures, avant qu'on le prenne en charge. Puis comme il fallait encore attendre pour passer au bloc opératoire, sa "crise" s'est transformée en péritonite. Il aurait pu mourir. Sa "crise" aurait pu mal finir, ou d'un point de vue comptable permettre la libération d'un lit d'hôpital. Je trouve que cette mauvaise expérience d'un seul individu fait sens, politiquement, si je la rapproche de la "crise" climatique.

Lorsque le malaise dure longtemps, on ne peut plus parler de "crise". Or, le mot fait partie du vocabulaire politique, journalistique, usé jusqu'à la corde (pour nous pendre). C'est un lieu commun, pour taire tout commentaire ; un lieu d'aisance intellectuel, pour faciliter la communication des cabinets ministériels. Dès que le mot est prononcé, on nous a dressé à attendre, des lustres, la " sortie de crise " qui comme on le sait est toujours "au bout du tunnel". Je pense au tunnel de la nuit de douleur de mon ami dont la "sécurité",  la "survie", a été compromise parce que la politique néolibérale d'économies et de rentabilité du secteur de la santé, amène tout un chacun (sauf les hyper-riches, s'ils ont gardé leur conscience pour demander d'aller à l'hôpital américain) à souffrir de la pénurie de soignants, de lits, de médicaments, de soin. Même une appendicite peut mener à la fin.

Le quotidien Le Monde  - qui se veut être un journal sérieux et de référence - titre ce jour dans son numéro daté du 26 juillet (magnifique manière d'afficher sa façon d'être toujours en retard à force de vouloir être en avance sur l'actualité) "Les canicules de l'été 2023 sont dues à la crise climatique". Ce titre est formidable, est tout à fait faux. Systématiquement le quotidien, sérieux, a toujours écrit qu'on ne pouvait pas lier les événements météo à ceux du climat (les mesures, le recul manquant). Depuis une ou deux années ce scepticisme ne passe plus, mais puisque tout le monde a "pris conscience" du dérèglement climatique. Mais chacun s'efforce, semble-t-il, de maintenir son esprit dans le déni. Notons que le rédacteur en chef qui a écrit ces mots précise bien "LES" canicules. C'est donc que cela semble faire système (si vous ne lisez que le titre). En toute logique le mot "crise" n'avait pas de pertinence (on comprend que le mot "dérèglement", ou "réchauffement" aurait pris trop de place, il fallait trouver un équivalent). Utiliser le terme "crise" c'est juste MENTIR.

Cela fait plus de 50 ans que les scientifiques hurlent que nous vivons non pas une crise mais un bouleversement majeur du climat. Paul Josef Crutzen, Prix Nobel, a même inventé un mot, à la fin du siècle dernier - en le volant à un journaliste - Anthropocène, pour définir la nouvelle ère géologique où les activités humaines nous ont entraîné (cela dit Capitalocène serait plus adéquat, parce que ne sont pas tous les humains qui sont responsables et coupables de la catastrophe). Ce n'est donc pas une crise mais un système qui n'a rien de naturelle et qui s'est installé depuis le début de la Révolution industrielle.

Le Monde - je pèse mes mots - comme   Mediapart ou toute autre personne qui utiliserait le terme "crise climatique" tient donc - sans le vouloir (?) - des propos réellement  négationnistes.

Si mon ami était mort de sa péritonite, favorisée par la destruction systémique de Santé en France, cela serait passé "crème", "normale","naturelle".

" Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde "  cette citation d'Albert Camus que j'ai presque honte de répéter raconte notre époque, bien plus que dans l'article d'origine dont ce fragment est toujours tiré pour lui faire dire tout et son contraire. ( http://www.ttoarendt.com/2020/10/mal-nommer-un-objet-c-est-ajouter-au-malheur-de-ce-monde.html )

Le sous-titre de l'excellent journal du soir - qui paraît vers midi sur le site internet - parle   d'une étude qui justifie l'article. UNE, je trouve cela d'un grand comique. Certes, le mot confirmer prouve qu'il y a conscience du fait qu'il y en a plusieurs autres et c'est bien, mais j'aimerais savoir quand l'esprit de synthèse (qui semble manquer à toute la profession) jouera son rôle, pour que Le Monde ou  Médiapart puisse écrire sur le Système climatique mortel?

Il me semble qu'une sorte de péritonite mondiale menace l'humanité. J'aimerais que se multiplie les articles sur la "sixième extinction."

Mais bon "l'ordre, l'ordre, l'ordre" règne dans les rédactions.

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