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Billet de blog 26 août 2009

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Je n'ai rien vu à Lussas

         Un ministre est venu visiter le Festival de Lussas, ce n'était pas prévu, je n'aurai pas du le voir.

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Un ministre est venu visiter le Festival de Lussas, ce n'était pas prévu, je n'aurai pas du le voir.

L'ami, le producteur Jean-Marie Barbe m'a engagé cette année pour monter un court-métrage à partir de plus de 450 cassettes que j'ai tourné de 1996 à 2003 à propos de la Grotte Chauvet - merveilleuse cavité, aux peintures, datant de plus de 32 000 ans, trop peu connues, trop peu célébrées. J'y reviendrais une autre fois certainement.

Je n'avais pas à participer au Festival, j'étais à Lussas pour faire un film pas pour en voir.

Pourtant Jean-Marie m'a gentiment convoqué, à ces dates pour me faire participer à la fête de famille. Il voulait me distraire de mes ennuis parisiens. Tous les membres d'Ardèche Image Production ont participé à ce complot et ont même réussi à me faire sentir adopté. Je n'étais pas un exilé à Lussas, mais bien un émigré intégré et assimilé, comme tous les cinéastes africains que Jean-Marie Barbe et son équipe accueillent - tous frères. Les amis d'Ardèche ont le cœur fidèle c'est bien connu.

J'ai donc vu, le Festival se préparer et se dérouler, puis le village être envahi par les machines monstrueuses des vendanges. J'ai vu cela de la petite cave au premier étage où nous avons monté un peu plus de quinze jours durant, le monteur et moi-même.

Depuis que le maire a réussi à installer un nouveau boulanger, que le restaurant du coin a été repris par un artiste de la cuisine, le village est probablement plus accueillant.

Ce n'est pas ce qui a fait venir le Ministre de la Culture. Il avait d'autres objectifs et il a réussi une merveilleuse séquence de communication. Comme dit joliment Jacques Mandelbaum dans le Monde le "patrimoine génétique" de cette manifestation, fondée sur la base des expériences militantes héritées des années 1970, ne correspond pas vraiment à celui du gouvernement auquel appartient M. Mitterrand.

Étonnant, donc, il n'y a eu aucun murmure, le ministre est venu, il a fait la tournée des popotes comme s'il était chez lui, et tout le monde y est allé de son compliment, même moi - j'avais un alibi, je déjeunais là avec celui qui commanditait mon court-métrage, il m'a paru impossible d'être désobligeant, alors que j'étais hôte. (un peu pauvre comme discours pro domo, j'en conviens)

Le lendemain, une dame très digne, avec qui j'aurais pu avoir quelques divergences dans les années 70 me demande : Alors tu n'as pas manifesté ?

Les anarchistes non plus! Lui ai-je répondu?

Étonnante réussite de la méthode Sarkozy, on finit par ne plus rien espérer, comme s'il n'y avait plus rien à défendre. Les revendications ne manquent pourtant pas: sous financement des films, absence d'un salaire minimum pour les réalisateurs, impossibilité de vivre de son métier, précarité totale des jeunes, formatage imbécile, non respect du cahier des charges de France-Télévision, baisse continuelle et quelquefois totale de nos rémunérations et puis pour Lussas le prix des fruits !. Tout c'est passé comme si tout était déjà au passé, notre secteur d'activité économique et culturel déjà démantelé.

Il est vrai que certains sites d'Internet font plus d'audience que la télévision, et que certains produits à succès dans les salles sont considérés comme des films documentaires, alors qu'ils n'en ont que l'étiquette.

Je n'ai rien vu à Lussas, pas même un geste de mauvais humeur, mais évidemment je suis resté 15 secondes à côté du Ministre le temps que celui-ci me serre l'écharpe (qui vient du Cambodge) au lieu de la main. Il secoue mon krama en riant très fort, en surjouant. Il avait l'air de s'amuser de tout, comme un enfant. Ou voulait-il jouer cette joie? En tout cas nous pourrions dire que tout le monde a été à la hauteur de l'événement. Il n'y a eu rien d'autre qu'une visite minsitérielle dans la chaleur de l'été, pas de geste inconsidéré qui aurait mis le feu à la première page des journaux. La sagesse des documentaristes?

Cet homme qui dit dans l'excellent reportage de Bakchich, venir sans chéquier, qui se prétend, trop sensible pour parler d'un bon film. Drôle de ministre qui bénéficie donc d'une attente polie. Chacun se souvenant, des lettres de Somalie, de son travail à TV5, ou de son 7 d'or replacé, comme le service public, à terre.
À Lussas, personne n'a parlé de ces vieilles séquences, et personne n'a évoqué nos mobilisations précédentes.

Peut-être que je tends les verges pour me battre, j'ai fait mon métier à Lussas, et puis j'ai revu plus d'un de mes amis les plus chers, nous étions en famille. Et personne n'a troublé notre réunion familiale pas même un Ministre.

Cette visite, voulait-elle dire que Frédéric Mitterrand va nous étonner en défendant la création et pas l'innovation, la complexité et pas le formatage, le point de vue Européen contre le récit Américain, la critique contre l'hagiographie ?

Drôle de Ministre qui a écrit, il y a quelque temps des confessions qui auraient pu empêcher son sacre. Drôle de Ministre qui parlait dans cette mauvaise vie avec autant d'intérêt de la doublure lumière de Michèle Morgan que du film lui-même où il avait le rôle d'un enfant. Quand il parle du film où il était acteur, il termine sur son partenaire de l'époque, son petit frère, cet acteur qui était tellement doué, lui.

Les jeunes prodiges ont du mal à oublier, mais il est rare qu'on se souvienne d'eux lorsqu'ils ont grandi. Je l'ai croisé une fois sur un plateau de télévision pour je ne sais quel programme de variétés sans intérêt ; c'est lui qui a fait le premier pas car je ne l'avais pas reconnu, il était agréable et presque un peu trop humble (...) On s'était promis de se revoir et il m'a téléphoné pour que l'on dîne ensemble, mais j'étais occupé, je n'avais pas le temps. Quand j'ai cherché à le recontacter un peu plus tard, je n'ai pas retrouvé son numéro et puis je n'y ai plus pensé. Je ne sais plus qui m'a appris qu'il s'est suicidé en me donnant des raisons que je connais. (page 80 et 81).

Heureusement il n'a pas promis de nous téléphoner.

http://www.bakchich.info/Frederic-Mitterrand-sous-le-soleil,08490.html

http://www.lemonde.fr/cinema/article/2009/08/18/aux-etats-generaux-de-lussas-frederic-mitterrand-fait-sa-declaration-d-amour-au-documentaire_1229563_3476.html

http://www.ledauphine.com/culture-21eme-edition-des-etats-generaux-du-film-documentaire-de-lussas-frederic-mitterrand-premier-soutien-au-doc--@/index.jspz?article=178406&chaine=16

http://www.ledauphine.com/culture-le-ministre-sera-lundi-aux-etats-generaux-du-film-documentaire-frederic-mitterrand-en-guest-star-a-lussas-@/index.jspz?chaine=21&article=176317

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