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Billet de blog 26 août 2021

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Les Miracles ?

Il est question de plusieurs miracles dans ce film, même si évidemment, ni la réalisatrice, ni moi-même, ne voyons dans « Le fils de l'épicière, le maire, le village er le monde » une quelconque intervention divine. Le prodige serait aussi que vous alliez voir ce film en salle parce qu’il est indispensable à voir là.

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Illustration 1
Jean-Marie Barbe (réunionTënk en 2018) Claire Simon cachée derrière la bouteille d'eau © Pol

Il ne s’agit pas ici d’écrire un billet critique, puisque je ne suis pas un critique, et que je suis à mon tout petit niveau, un peu acteur de cette histoire, acteur parmi les milliers d’autres, et seulement présent quelques secondes comme figurant dans le film. Je connais le festival de Lussas depuis 1995, et je considère Jean-Marie Barbe comme mon frère (moi qui n’en ai pas un « en vrai »). Alors j’écris pour parler des miracles de ce film (ceux qui le verront, sauront que le mot est prononcé par un des protagonistes). 

Rarement un documentaire a réussi à englober autant d’expériences et de destins extraordinaires.  
Le titre à l’image d’un film d’Éric Rhomer est un conte bien plus moral et bien plus universel que ce que pourrait réussir une fiction. Il embrasse - à suivre son intitulé -  le destin de deux enfants d’un village qui (comme ce n’est pas dit dans ce long métrage mais dans la série documentaire, de 520 minutes, Le Village, qui décrit différemment la même histoire) ont usé leurs culottes sur les mêmes bancs de l’école, en même temps. Jean-Paul Roux et Jean-Marie Barbe, seraient les héros de ce récit qui les dépassent. Mais c’est cela un des premiers miracles qui se déroule dans le temps de la projection, il est question d’une chronique à propos de la naissance de Tënk, la plateforme de diffusion des documentaires (plateforme où je suis moi-même un programmateur, c’est dire, encore une fois, si je suis objectif) comme dans tout bon film, le fil du récit se construit autour des différents rebondissement de cette aventure de cinq années. Il est alors toujours question du miracle permanent de la création cinématographique, comme le prouve l'irruption d'un extrait d'un film Pierre Perrault qui nous embarque dans une scène déterminante du film. 

Comme le dit Jean-Marie avec cette formule « Changer le regard, c’est changer le Monde »,  et Claire Simon renseigne parfaitement cette idée dans le cinéma qu’elle fait . Personnellement, j’ai vu autrement et compris bien plus grâce à elle, sur TËNK, LUSSAS, que pendant mon activité à Tënk où mes interventions se sont égrainés dans le ruissellement de mon existence, trop peu souvent pour que je puisse en saisir tous les enjeux. Un spectateur lambda, lui aussi, verra son regard changé, ne serait-ce, par exemple, à propos du parallèle entre culture et agriculture: L’infini vulnérabilité des deux pratiques - quand elles sont conduites selon l’éthologie naturelle de ces métiers - y est vécu par les protagonistes et par le spectateur en ricochet.   

LE FILS DE L’EPICIERE, LE MAIRE, LE VILLAGE ET LE MONDE présente la transformation d’un village, sur plus de quarante ans (de fait) et son ouverture au Monde, sous l’aiguillon de deux copains dont l’un est habité plus que l’autre par la passion du cinématographe. C’est un film incroyablement optimiste, parce qu’il décrit les échecs répétés, les doutes, les cassures, témoigne de « la tempête des cerveaux » permanentes pour démontrer qu’une idée peut rouler jusqu’à son accomplissement et continuer « pour la suite du Monde » et que cela naît d'une passion collective.

Aujourd’hui où nous avons besoin de résister, il est formidable de pouvoir comprendre comment un petit ardéchois, fils d’une épicière, a pu tisser des liens, tout autour de la Terre, sans jamais trahir ses principes, ni céder devant la difficulté. Bref… à écrire comme cela, je ferais croire qu’un miracle s’est produit, alors même qu’il ne s’agit que de passion, de conviction, de sueur et de travail, toutes choses qui ne vont pas dans le sens de la folie marchande, mais dans celle de la ténacité paysanne: « à Lussas on sait être pauvre. » Et si cette pauvreté n’est pas une recherche, mais une nécessité de l'époque, la richesse des propos, des amitiés, des énergies débordent calmement dans un film serein qui ne sur-joue pas cette aventure. 

Mon titre de billet  est alors faux, le film présente comme une évidence, et pas un  miracle, la réalisation d’un rêve de gamins. 

Ce documentaire est - sans en avoir l’air - aussi comme un manifeste de cet art du documentaire qui nous permet de partager une vision du monde, une expérience, une réflexion. Il s’inscrit dans ce mouvement qui nous dépasse tous , et qui va effectivement continuer malgré les difficultés, au delà de la construction d’un bâtiment, ou d’une plateforme, au delà de cette histoire.

Ce soir projection à 20 heures au MK2 Beaubourg en présence de Claire Simon, ainsi qu'au Méliès à Montreuil le 31 août.

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